jeudi 31 décembre 2009

Avatars


Il pleuvait froid et triste , et en ce soir de solstice, il faisait déjà nuit. Nous marchions en rentrant les épaules, la petite main de Camille serrée dans la mienne. Elle venait d’avoir –encore !- une bronchiolite et c’était sa première sortie. Elle avait tant envie d’une petite bricole à s’habiller pour le soir de Noël, comme sa sœur Charlotte à qui nous venions d’acheter une petite robe noire courte d’ado, qui faisait la fierté de ses neuf ans . Pour Camille, nous venions de trouver un petit gilet très class, et nous nous hâtions vers l’abri de mon "camion rouge" garé un peu loin dans la zone commerciale, près du Mega CGR, tout reluisant de lumière …
C’est alors qu’on voit l’affiche ! Camille (quand on commence à savoir lire on s’en sert), me dit d’un air grave et concentré :
-On dirait Max et les Maximonstres . Je me trompe, ou c’est bien eux?
- C’est Max et les Maximonstres ? Ils ont fait un film…
-On l’avait lu en grande section
-C’était bien ?
-Super …
Pour ma part, j'ai toujours adoré Max et les Maximonstres, qui marquèrent mon entrée en tant que formateur dans les délices de la litérature enfantine, à l'instar de Petit Ours, du même Maurice Sendak (avec Else Minarik). Bien sûr, j'ai des réticences de pisse-froid sur la mise en film (une heure et demie) de ce merveilleux dessin, et de ce récit ramassé, plein d'ellipses et de non dits...
-Veux-tu que je t’y emmène ?
Et le lendemain de Noël, nous voilà parties, toutes deux d’abord, puis, avec Charlotte, parce que c’est toujours bon de s’offrir une petite régression, puis avec ma Nadja, peut-être pour la même raison… (C'est Noël!!!)
Il pleut toujours, mais c’est trois heures, il ne fait pas nuit…c’est déjà ça…
Devant le cinéma, une énorme queue, moitié abritée, moitié à la pluie…
Nous persistons toutefois, assurées par tous les affichages, comme nous l’étions par Internet, d’une séance à quatre heures.
-4 pour Max et les Maximonstres , 2 adultes 2 enfants !!!
-Il n’y est pas !
-Comment ?
-Il n’y est pas, nous l’avons déprogrammé pour rajouter une salle pour Avatar, qui est déjà complet ….
-Mais vous ne l’annoncez nulle part…
-Je n’y suis pour rien, c’est la direction. Allez voir Arthur et les… ou Loup….
La queue s’impatiente derrière nous de ces palabres.
Je suis abasourdie, Nadja toute rose d’agacement, insiste, puis nous renonçons nous contentant d’un :
-Non, c’est nul !!! rageur, en battant en retraite , vers le froid, la pluie.

On achète en promo le retour du Jedi pour faire cinéma à la maison …
On a économisé les pop corn !!!

ET on se consolera avec Petit Ours dont la cassette a passé et repassé pendant la petite enfance de l’une puis de l’autre et qu’on sait tous par cœur …


Et je me demande, Avatar des avatars, irai-je voir Avatar ?

dimanche 20 décembre 2009

R.Galliano et Acoustic Trio à Oloron








Merci à Richard Galliano, à JM Ecay à Jean Philippe Viret d’être venus jusqu’à nous …
Et au service culturel de « La communauté de communes du Piémont Pyrénéen » de les avoir fait venir à Oloron dans le cadre des « Scènes de Pays… »
Il faisait déjà nuit quand nous sommes arrivés à Oloron le 8 décembre, une heure à l’avance comme à l’habitude. Le lieu de concert –l’Espace Jéliote – était fermé, et seules les veilleuses allumées. Il faisait froid …un seul café brasserie ouvert pour un crème…je me disais « Avec Richard à l’affiche, peut-il n’y avoir presque personne ? »
Et puis les gens sont arrivés, tranquilles, nombreux, attentifs, enthousiastes, heureux…
Pour nous ce fut un très beau concert .
Nous avions entendu et bien aimé Jean-Marie Ecay en direct en octobre à Toulouse, mais jamais Jean –Philipe Viret, et ce fut la découverte en direct du son de sa contrebasse, et surtout de leur jeu en trio avec R.Galliano…
Ce n’était pas l’extrême et presque douloureuse tension du concert de Marciac, perceptible dans l’enregistrement DVD (nous n’y étions pas cette année-là, j’ avais été assez sérieusement malade en juillet 2000) Cette tension même qui contribua à produire un concert mythique aux dires de tous. Legendary concert !
Non ce soir à Oloron ce n’était qu’une très grande concentration , alliée à une confiance détendue entre les trois musiciens , une sorte de bonheur de jouer ensemble et pour notre bonheur de public , un public conquis sans réserve et en toute simplicité .
Ce fut un plaisir de chaque morceau, ceux de Marciac bien sûr (sauf Libertango ou Spleen,) puis l’ incursion de Bébé d’Hermeto Pascual , de deux pièces rêveuses de Love Day , Aurore, et Hymne, premier « essai »public pour cette formation , un extraordinaire duo, Chat Pître avec JPH Viret, plein d’humour et de fantaisie , un solo de guitare de JM Ecay, « Bras dessus, bras dessous » en forme d’hommage à Nougaro pour qui en fut écrite la musique, puis le New York Tango que j’aime sous toutes ses formes, et une merveilleuse interprétation de L’aria en solo, dont RG n’osa dire dans sa modestie qu’il l’avait composé « à la manière de Bach » mais seulement pour célébrer « ce que l’accordéon doit à l’orgue »…


A la suite de ce concert et de la qualité particulière de son atmosphère, je m’interroge une fois encore sur les lieux de musique et de « culture ».
A Oloron, comme à Nogaro, comme à Prades, existe une certaine dimension de la culture.
Des « amateurs de musique » des amateurs de jazz, des amateurs de théâtre aussi …
Qui sont-ils ? Que viennent-ils entendre ? sont-ils des fans de Galliano , des mordus d’accordéon, ou des amateurs de jazz, des gens « cocasses » comme nous, qui font des kilomètres pour entendre jouer en direct ceux qui les ont enchantés, des gens seulement curieux des choses de l’art…Sans doute un mélange de tous ceux-là…
Mais ce que l’on peut dire, c'est que ce mélange produit de temps à autre une alchimie réussie et bienheureuse, un public attentif et concentré qui vibre ensemble et avec les musiciens…
Et bien sûr derrière ce public, il y a ces associations souvent en partie bénévoles, convaincues, tenaces qui permettent de le rassembler !!!
Elles s’appellent Jazzèbre, Des rives et des notes, Accordéon Voyageurs , Les Nuits d'Aquitaine ou Accordéons nous…, elles ont besoin du soutien des régions, des communautés de communes, des communes….
Que grâces leur soient rendues…


Photographies de M.R.
A aller voir , avec bien d'autres dans :
L'autre bistrot des accordéons
...

samedi 12 décembre 2009

Ariane Mnouchkine

Ariane Mnouchkine
ARTE jeudi 26 octobre 22.45
Ce fut un grand plaisir de l’entendre parler avec une conviction intacte de « son théâtre ».
Le Théâtre du Soleil bien sûr, qui, comme l’Illustre Théâtre en son temps, se vit en « troupe » avec partage « d’amour et de détestation ».
Mais aussi sa conception de l’art théâtral, une conception qui me réconcilie personnellement avec le théâtre , un théâtre qui échappe à ce qu’elle pense être « le grand danger du théâtre, le réalisme »… mais qui n'élude pas pour autant la réalité sociale et humaine du monde,qui « l’enchante », et célèbre l’espoir de progrès et d’humanité.

Un grand plaisir d’écouter le récit des tribulations de la troupe, de l’espoir déçu des Halles à la Cartoucherie, d’assister à leurs efforts pour construire ensemble et pour les autres, le public, non seulement un spectacle mais un vrai lieu d’accueil parfois même d’asile.
De revoir des moments forts, la préparation, la représentation de 1789 ou des Ephémères . Le tournage de Molière dans la Cartoucherie transformée en énorme studio.

De découvrir l’histoire de sa quête nomade, sac au dos, d’autres formes de théâtre, d’autres formes d’humanité…

Mais ce que j’ai aimé entre tout c’est la femme qui s’exprimait avec justesse, avec malice, avec énergie, avec chaleur. Une présence saisissante.
De sa sagesse, j’ai noté une phrase qui est de celles qui m’aident à penser devant l’âge qui vient…
A la question : « Craignez- vous de ne plus avoir un jour la force de continuer dans votre projet ? », elle réfléchit et dit :
« Oui, ce que je crains de perdre peu à peu c’est la force de consolation, oui la force de consolation »…
Percevant sans doute l’ambiguïté de la formule (que je ne comprenais pas tout à fait : «consoler qui ???, son prochain ? »), elle précise :
« Oui de ne plus avoir la force de me consoler, la force de se consoler du malheur, de ce qui arrive de douloureux ou de déchirant »
Merveilleux apanage en effet de la jeunesse que d’avoir la force de se consoler du malheur !!! Puissions-nous garder cette force là !!!!

mardi 1 décembre 2009

Les Fêtes de Dax

Festayres
Festayre je suis.
J’ai transmis le gène à ma fille, qui l’a elle-même transmis à Charlotte, puis à Camille.
En somme c’est un gène qui se transmet chez nous par les femmes.
Pour être juste reconnaissons que sous une forme plus atténuée mais active (une forme « acquise ») nous l’avons aussi transmis à nos conjoints, Michel et Sébastien.( et même contaminé un peu ma sœur)

La fête fait partie de ma vie depuis l’enfance, les passe-rue , la folie des manèges avec les petits copains , (un de nos voisins, d’une famille de forains nous offrait des sacs entiers de tickets),les courses landaises, à 11ans les premières corridas d’Ordonez et Apparicio avec un copain aficionado, à 13ans les bals de quartiers avec l’amie complice, (un quartier chaque soir pour danser), puis avec Michel, la passion des corridas et des photos




Puis est arrivée Nadja et avec elle, la folie des manèges, des bals, des courses landaises et jeux taurins, et des corridas. Souvent en famille ou avec des amis, mais plus souvent toutes deux, comme deux festayres complices, dans cette ville familiale et sans souci.



Et voilà le cycle de Charlotte et Camille entamé, la folie des manèges, les jeux de vaches et sans doute bientôt les bals et peut-être les corridas….
Pour elles aussi, la fête aura fait partie de leur vie dès l’enfance…








Mais si les quatre filles sont les festayres majeurs, pour toute notre famille en fait, à l’instar de Noël, les fêtes de Dax rythment nos années depuis plus de 50 ans .
Elles sont comme le sommet de nos étés.
Avant, la fatigue de l’année de travail, les premières journées de mer, la montée du beau temps, l’installation dans les habitudes de plage.
Après, le déclin du soleil, un réveil où se manifeste pour la première fois l’odeur de l’automne, et l’ombre de la rentrée se profilant à l’horizon.
Parfois elles interfèrent avec des évènements familiaux, anodins ou graves, heureux ou malheureux, une crise cardiaque de ma mère, son hospitalisation d’urgence, la mienne, puis le deuil de mes parents disparus, mais aussi, la naissance de notre fille, puis celle des petites, premiers mois de Charlotte, premières semaines de Camille.
Parfois d’autres projets interférent : la stagnation désastreuse des travaux de la maison, une séquence de baignades privilégiées et de très beau temps, un festival de jazz, un concert de Galliano …
Toujours elles occasionnent soucis d’organisation, dérangements, marchés, repassage, lits à faire, trajets en voiture, agacements familiaux…
Parfois selon les aléas de la vie, tristesse voire mélancolie environne cette date, semblant rendre impossible d’y aller …


Mais toujours, malgré tout, finalement, fatigués ou allègres, inquiets ou joyeux, insouciants ou tristes, on s’est retrouvés au rendez-vous…



Néanmoins l’âge venant, parfois, je ne me sens plus gagnée à leur approche par l’impatience et l’élan accoutumés.
« Tout s’élance et je demeure… » dit Colette ...


Et ... il y a le premier jour
L’ouverture « kitch » , commémoration du débarquement de Julia Augusta , discours du maire aux festayres rassemblés sur la place de la mairie …



Et dans la marée de foulards rouges brandis , dans le chœur de ces gens de tous âges qui chantent, tout recommence , une petite émotion qui vous serre le cœur et vous fait verser une petite larme , la joie d’être là encore cette fois avec les autres de la famille et les autres de la fête…





Et il y a le premier « cinquo de la tarde » et dans la galerie sous les gradins, fraîche par tous les temps, le bruit unique de la foule bruissante et impatiente…







Il y aura cinq jours à bader, flâner, marcher, regarder, écouter, chantonner…










Et il y aura le dernier jour,


l’ «Adieu » des bandas réunis dans l’arène, le petit signe d’amitié rituel de notre amie clarinettiste, les foulards, le chœur des chants et la même émotion quand résonne le roulement des tambours et des grosses caisses pour « l’Agur », l’émotion d’être là, et que ce soit fini


Camille et Charlotte, ce soir, comme leur mère jadis, quand s’élèvera la dernière fusée du feu d’artifice final, pleureront d’un gros chagrin d’enfant …

Festayres va !!!!!


vendredi 27 novembre 2009

Emotions esthétiques




Emotions esthétiques








Dans les émotions esthétiques il y a de grands bonheurs dont on garde un souvenir que je crois inaltérable :
Assister au concert Tangaria quartet au New Morning un soir glacé de janvier
Parcourir une exposition Rouault au musée d’art Moderne de paris
Se trouver devant le musée Gougenheim à Bilbao par un jour de ciel gris et de soleil brillant
Entrer dans la salle Chardin au Louvre
Ecouter un solo de Bruno Maurice dans l’église banale de Nogaro
Ou La Pavane pour une Infante Défunte par Philippe de Ezcurra dans l’église romane de Brouqueyran
Découvrir le cloître roman de Bona Cerra
Ou les nymphéas…
Revoir « Molière » d’Ariane Mnouchkine…
……

Il y a aussi des émotions furtives, des « instantanés », liés à la beauté des choses du quotidien, qui tout à coup se manifeste, nous saisit et nous surprend.
Comme une photo de Claude Batho(1) ou un poème de Francis Ponge(2)

C’est pourquoi en toute modestie, j’ai eu envie de les imiter, et d’annexer au présent blog,
un petit cagibi dédié aux Choses de Tous les Jours :
à cette adresse:

1 Claude Batho photographe, édition Des Femmes
2 Francis Ponge, œuvres , Gallimard, tome premier

dimanche 22 novembre 2009

Internet ange ou démon de la communication?






Conversation de super marché :
En faisant la queue à la parapharmacie :
Deux jolies jeunes femmes, bras chargés de produits bio de beauté, qui ont fait l’objet d’un long choix, l’une cliente,l’autre vendeuse :
-maintenant avec Internet….
- et même à l’école ! maintenant !
- non heureusement dans la classe de ma fille,il ne font pas d’ordinateur !!!
- croyez-vous dans l’école des miens même à la maternelle, ils les font taper sur l’ordinateur !!!
- ah ça c’est terrible vraiment, vraiment, c’est tellement important d’écrire, !!!!! et d’apprendre à bien écrire !!!
-c’est comme les calculatrices…
Ecrire au clavier empêche –t-il d’apprendre l’écriture manuscrite ?
Ou lui ouvre-t-elle de nouvelles perspectives : la facilité de construire et reconstruire son texte par les brouillons successifs, la possibilité d’effacer, de modifier, ou d’insérer une lettre, ce qui renforce la compréhension des principes commandant la succession des lettres dans un mot.
Parce qu’il pensait qu’agencer les lettres d’un mot pour écrire, est le moyen le plus efficace pour apprendre les valeurs des lettres et les règles de leur combinatoire , Célestin Freinet faisait installer des imprimeries dans ses classes . J’imagine son émerveillement s’il avait connu Word ou ses confrères !!! quel barjo celui-là !!!
Quelquefois comme aujourd’hui, en écoutant les certitudes de ces deux admirables mères,je pense à mes ex-collègues , face aux parents de leurs chers petits , et compatis de ce qu’il leur faut stoïquement entendre…


Conversation de pas de porte :
Notre voisin d’en face à 90ans nous réconcilie avec l’image de la vieillesse. Musicien amateur, accordéoniste de fils en père, il alterne les séjours chez ces enfants, et de longues périodes de solitude chez lui. Nous l’aimons bien et échangeons à l’occasion quelques mots avec lui:
-alors de retour ?
-oui, il me faut me reposer de temps en temps…je fais de la musique, je dors et mange à mes heures. Et puis mes filles m’ont offert un ordinateur, je ne voulais pas mais…
-moi j’avoue je suis un peu accroc…
-moi aussi, je suis ravi, ravi, les enfants m’ont passé leurs photos de famille, je leur écris des mails, et toutes ces informations qu’on trouve sur Internet…
J’y ai trouvé des musiciens, de diatonique, (mes deux chromatiques , je ne peux plus, ils sont trop lourds), je les écoute jouer sur site et j’enregistre et après j’essaie de jouer leurs morceaux, c’est dur , j’y passe beaucoup de temps , mais j’adore quand j’y arrive…




Aujourd’hui 20/11 c’est mon anniversaire.
J’ouvre mon mail et j’y découvre plein de messages :
Une amie,, des copains , ma fille (daté d’une heure du matin !!!),
ET PUIS :
-une carte d’anniversaire de Crédit Agricole
-un message « amical » de Info concert
-un cadeau de Linvosges (avec ou sans commande !!!)
-un message de Netlog
….etc.
J’en souris, après tout, c’est bon de voir qu’on pense à moi et à mon anniversaire...
Michel souffle sur toute cette effervescente « chaleur humaine » :
« Tu y penses, que c’est juste automatique, déclenché par l’enregistrement de ta date de naissance ? Il n’y a personne là derrière, personne… »
Mais oui j’y pense …et puis j’oublie…ou presque…


J’ai acheté mon premier ordi personnel il y a dix ans quand ma fille a dû aller prendre un poste à Dreux.
Pour composer, archiver et imprimer mes cours ?…Pour consulter les encyclopédies ? Pour avoir référence en permanence aux textes officiels ?
Non bien sûr, pour avoir un « modem » et un mail…et communiquer avec Nad…
Pourtant sa première démarche avait été de faire installer le téléphone dans l’appartement sous les toits loué en hâte …Mais le mail, ça n’a pas d’heure, c’est autre chose …
Et comme la découverte de La Photographie n’a pas empêché Zola d’écrire, comme aimer le cinéma n’a jamais empêché quiconque de lire, le mail n’empêche pas de téléphoner, téléphoner ne remplace un petit chat, du soir ou d’ailleurs …
Ce n’est pas l’outil qui fait la communication…

Et puis il y a le BLOG, les blogs, l’expression multiple et protéiforme des sentiments, foisonnant dans la jungle de ma lucarne.
Il y a les commentaires des blogs. Il s’y crée librement de petites communautés. Ce ne sont pas quoiqu’en dise Netlog des amis, mais c’est bien plus que des rencontres de hasard. Ils viennent et reviennent… Certes on ne les connaît pas « en vrai », de grands pans de leur vie nous demeurent inconnus. Parfois ils signent Anonyme …Mais on partage des émotions, des opinions, sur des livres, des musiques, des expériences, des bonheurs de la vie. Des petits bouts de confidences... Une « sympathie » au sens plein du mot…
Et je ressens toujours à ouvrir leurs messages le plaisir d’une communication, je sens derrière leurs mots la chaleur d’une présence humaine et chaleureuse.
Peut-être n’est-ce rien de plus que l’anodin échange,(pas si « trivial »d’ailleurs), que l’on a parfois dans les rencontres quotidiennes…Mais c’est beaucoup…

jeudi 12 novembre 2009

Lectures et lecteurs,


L’expérience récente d’un petit syndrome-viral- à garder- la -chambre sinon le lit, et à y lire toute la journée, m’a remis en tête une réflexion qui fut pendant des années mon fonds de commerce : qu’est-ce qu’un lecteur ?
Deux images familiales :
Mon père, terrorisé par l’apprentissage de la lecture par la méthode mimotechnique, qui séchait l’école le jour du « f », phonème dont l’étude s’accompagnait du geste d’un feu qui flambait et d’un bruit « feuuuuuuuuu !!! »qu’il ne savait pas reproduire !
Mon père, devenu un remarquable et assidu lecteur, avec tendance à prendre possession du texte à voix haute, ce que mes charmants collègues terroristes considérèrent vers les années 80 comme une tare irréductible…
Mon père assis au pied de mon lit quand j’étais malade enfant ; je l’étais assez souvent, et on me gardait facilement « au chaud !!! » Il lisait d’une belle voix assez basse sans effets théâtraux ; Tartarin, Les lettres de mon moulin , et … surtout Madame Thérèse, chef d’œuvre à jamais pour moi, enchantement de l’hiver, jeux d’enfants sur la neige et la glace, avec des lits clos en alcôve dans des grandes salles chaudes, et l’espoir républicain en marche.
Mon père lisant tous les soirs sur son canapé.
Mon père âgé et seul désormais, lisant parfois toute la journée et m’en parlant le soir lors de notre coup de fil rituel…
Pour avoir éludé les « f » et fait l’école buissonnière au cours préparatoire et pour avoir toujours aimé lire à haute voix en était-il moins lecteur ?

Ma grand mère maternelle, Basque du pays de soule, apprit à parler français en rencontrant mon grand père. Elle ne sut jamais vraiment écrire, même son nom. Obligée de signer pour me faire sortir de mon internat, ce fut pour nous deux une épreuve hebdomadaire d’émarger le registre de sortie.
Par contre, orgueilleuse et fière, elle s’apprit à lire seule, et dévora, dévora, dévora… « Confidences » et « Intimité » mais aussi bien des livres échangées avec ses copines et ses payses, sur des sujets lui tenant à coeur sur Hitler (une de ses sœurs et son beau-frère avait été déportés) sur Eva Perron, (je ne sais pourquoi) et quantité de romans fleuves, les Jalna, et bien d’autres que je ne me rappelle pas….
Le soir elle s’asseyait à la table de la cuisine sous la suspension et lisait des heures durant en marmonnant très doucement les mots comme on suce des bonbons. Je ne pouvais m’empêcher souvent d’aller m’installer près d’elle avec mes livres et mes dicos, moi à qui on réservait le calme et l’immense table de la grande pièce « pour travailler »….

Trois images de ma vie d’école :
Jeune prof de 6ème , j’eus pour élève un petit José. On se rendit compte qu’il n’était pas capable de raconter les textes qu’il lisait silencieusement, ni d’en tirer la moindre information.
Je me pris pour Lucifer, décidée à lui apprendre ce que ses instits n’avaient pas su faire : on l’exerça avec obstination à prononcer les mots et les textes. Il s’y prêta avec complaisance et plaisir, se portant volontaire pour lire à haute voix lors des séances de lecture de roman que j’avais mises en place. Il nous tenait sous le charme de sa voix bien timbrée , respectant avec soin la ligne mélodique de la phrase, chapitre après chapitre de l’école des Robinsons…Je me rendis compte un jour qu’il ne retenait rien de l’histoire, rien des personnages, rien de rien…et que j’étais une gourde !!!!

Myriam,
Prof de français à l’école normale, je la rencontrai dans une classe unique rurale. Depuis deux ans elle apprenait, et savait d’ailleurs par coeur, à l’endroit et à l’envers toutes les syllabes possibles…
Dans un moment de « creux », où elle m’avait souri et confié : « Je ne sais pas lire », je pris un bloc brouillon et lui écrivis son nom, Myriam, et lui dis :
-Je suis sûre que tu sais lire ça !!!
-Non !!!
-Si, c’est quelque chose que tu connais très bien !!!
Alors elle essaya de cette voix d’entrailles des mauvais déchiffreurs, d’assembler douloureusement lettres et sons et soudain elle me dit, triomphante, extasiée :
-C’est moi !!!
Et elle ajouta, en me retendant le bloc, écris-moi quelque chose d’autre…
Notre amitié dura quelques mois. Tutrice de son enseignante, je leur fis beaucoup de visites. Le bloc voyageait entre nous à sens unique d’abord, puis à double sens.
Un jour elle s’en alla, sa mère, seule pour l’élever, ayant trouvé à mieux subsister dans un autre village…

Prof de français en Première (36 élèves bien tassés) ; il fallait choisir « un texte complet" de Rousseau, dans une liste d’œuvres : le Contrat Social me rebutait par son aridité et son rigorisme, la Nouvelle Héloïse par son pathos bien pensant, je choisis dans la liste les Rêveries du promeneur solitaire, un choix que je ne regrette pas car ce texte m’a souvent rendue heureuse .
Mais là, une fois les petits livres de poche acquis par les élèves, je fus paniquée à l’idée de tirer de ce texte des« explications de texte » à porter sur La liste du Bac : Qu’expliquer de ce texte qui explicite si bien et musicalement tous les états d’âmes de Jean-Jacques et le journal de sa vie de flânerie et de souvenirs ?
Alors je commis avec délices une transgression pédagogique : nous nous mîmes à lire tour à tour et au gré de chacun, tous ces textes, nous arrêtant après lecture pour en dire un mot, une remarque, un rapprochement, un goût, un jugement … Je crois pouvoir affirmer que le plaisir de cette lecture fut largement partagé entre nous, dans la tiédeur moite de ce « préfa » moche et sans confort, et que d’autres que moi en gardent un souvenir délicieux…
(Ayant comme toujours trop de textes à porter sur la liste, nous fîmes l’impasse sur Rousseau d’un commun accord …)

De ce livre d’images, je tirerais la leçon qu’il y a plusieurs manières de lecteurs, plusieurs manières d’user pour sa vie du pouvoir fabuleux de lire.
Il y a aussi plusieurs routes pour l’acquérir
: il y a des routes scolaires bien tracées, des autoroutes en somme, mais il y a aussi des chemins de traverse…
Certes je compterai toujours sur l’école pour tracer de belles routes régulières, mais ce que je réprouverai toujours c’est que l’école n’accepte pas, plus, qu’elle ne cherche pas à intégrer et à exploiter, ces chemins buissonniers, qui longent, qui contournent, qui croisent l’autoroute, ces chemins qui sont pour certains le meilleur chemin (parfois même le seul).

Foi de Mamou Cyclopède enrhumée !!!!

mercredi 11 novembre 2009

Gigi


Mademoiselle Gigi

Il y a quelques jours, j’avais…
« Ce mal qui répand la terreur…
La grippe puisqu’il faut l’appeler par son nom ! »
Agitation fiévreuse, inquiétudes vagues, pensées cotonneuses, il me fallait quelque douceur sucrée qui me distrairait au fond de mon lit. Je cherchais fébrilement et au hasard dans mes trésors VHS, un vieil enregistrement vidéo genre tendre et sentimental.
J’ai trouvé « Mademoiselle Gigi »,
Il ne s’agit pas de la comédie musicale de Vincent Minnelli qui avait obtenu l’Oscar du meilleur film en 1958 et fait aussi mes délices avec Leslie Caron, Louis Jourdan, et Maurice Chevalier
C’est un téléfilm de 2005 de Caroline Huppert.
Peut-être est-ce la grippe, ou la fatigue, mais là où je me rappelais une bluette somme toute adaptée à mon état grippal, j’ai été frappée, nonobstant le happy end , l’humour parfois noir du texte (celui de Colette, fidèlement)et la personnalité de Gigi,par la cruauté de la situation.
Macha Méryl et Françoise Fabian y incarnent deux personnages de courtisanes, la grand mère et la grand tante de Gigi, retirées des affaires, mais engagées dans la préparation de leur succession en la personne de leur petite fille. Elles construisent ainsi une éducation aussi complète que celle d’une archiduchesse ou d’une jeune fille de la bonne bourgeoisie: l’étiquette, le maintien, les manières, les cheveux, le teint, et de « savoureux principes » « Chez nous on ne se marie pas », « les soins du bas du corps »… « on ne peut pas, on peut… » et perpétuellement, en arrière –pensée, la recherche du protecteur capable de lui faire une belle situation
Tante Alicia comme un maquignon ou une mère maquerelle, la jauge,la soupèse comme une pouliche ou une esclave, les dents, le teint, le « petit coin », la conversation , le tenue à table… scrute les points noirs , renifle l’haleine…
La Mamita est plus tendre, plus sentimentale elle-même, elle n’a pas croqué aussi bien les hommes,, mais néanmoins tout aussi déterminée à à assurer l’avenir de Gigi et le sien propre….Gigi est prise comme en un étau dans leur projet, enserrée dans son destin préfabriqué, un avenir sans autre issue…
Et elle se débat et elle se rebelle ! Peut-être à cause de son romantisme entretenu par ces lectures. Mais aussi par une sorte de fermeté, une détermination à suivre ce qu’elle croit bien et honnête, une force obstinée à croire à l’amour heureux, à poursuivre le bonheur dont Stendhal dit qu’on l’atteint rarement mais que sa poursuite vaut bien toute une vie .
Près d’elle, Caroline Huppert a inventé, aussi rousse que Gigi est brune, aussi en chair que Gigi est mince et dégingandée, en contrepoint et en contraste, sa copine d’école. qui choisit plutôt que le vieux baron qui la couvre de cadeaux son garçon d’écurie qui sent bon le foin. Tant pis, elle ira travailler comme vendeuse ce qui ne gagne pas beaucoup et mais évite de faire des cochonneries avec n’importe qui..

Elle retrouvera Denise Baudu au « Bonheur des dames » !!!
Autre jolie figure que le début du xxème siècle nous offre, même force, même fragilité psychologique et sociale, même obstination à croire au bonheur, à la raison et au progrès !
Même détermination à gagner contre le malheur et pour la vie !
Un autre dénouement heureux, chez un romancier qui n’en offre guère !!!

Bien sûr , il y va de mes goûts romanesques, de mes choix déclarés et déterminés pour les histoires qui finissent bien, mais ces deux femmes , dont j’ai toujours aimé les histoires, me paraissaient incarner en ce siècle naissant, un avenir de femme meilleur, des femmes plus libres, déterminées à croire au bonheur, et opiniâtres sous leur apparente faiblesse…
Un siècle après, que seront-elles devenues ???

dimanche 1 novembre 2009

Toussaint,


Je n’aime guère les célébrations obligatoires, et essaie de m’en dégager. mais le fait même de s’en dégager contraint à y penser.
Je ne me rends pas souvent sur la tombe de mes parents et grands parents à Dax et longtemps, j’ai laissé à ma grande sœur le soin d’y marquer Toussaint.
Ma « grande sœur » est une petite femme menue et de peu de force physique. L’année dernière, à l’imaginer traversant le cimetière flanquée de ses deux énormes pots de chrysanthèmes, un sous chaque bras …en plus il pleuvait, un vrai temps de Toussaint !!! ….j’ai cédé et suis venue lui prêter main (relativement) forte…
Cette année la grippe me tient, je n’ai pu y aller, et ma seule contribution sera cette pensée en forme de rédaction pour mes parents…

« Un souvenir heureux est peut-être sur terre »…
J’avais onze ans, je venais d’entrer en 6ème .
Cet automne là fut comme cette année un automne glorieux, un de ces automnes qui ne se décident pas à faire mourir l’été.
A l’époque nous n’avions pas de « vacances » de Toussaint, juste le jour de Toussaint, puis le jour des morts, et quelquefois le matin du 3 pour se remettre.
Comme nous l’avons fait nous - mêmes cette année avec nos enfants, nous sommes partis, mes parents, ma sœur et moi, à travers la forêt de pins où seules les fougères et la bruyère portent les marques de saison, voir l’automne décliner sur la mer et le sable, le soleil bas éblouissant, la vague écumeuse.
Comme les petites cette année, toute la journée, nous avons joué à nous laisser surprendre par les vagues et sommes rentrés, mouillés, ravis, épuisés, d’avoir tant ri et couru dans le sable…
Le surlendemain à l’école, rédaction : « Racontez le jour de La Toussaint »
Un tel sujet m’inspira fort et je racontais la mer, le sable, et le soleil .Même pas de chute de feuilles, ou de feuillages roux…
Ce fut ma première banane de collégienne : « 8 »
Incrédule, obstinée, et un peu rebelle déjà, je demandais et obtins des « raisons» :
« Le jour de la Toussaint, mon enfant, est un symbole. Il faut penser aux morts, à leurs tombes. D’autre part, c’est le déclin de la végétation, dans les cimetières, l’odeur des chrysanthèmes, dans les jardins, la chute de feuilles, et leur pourrissement (ou leur putréfaction ???)."
Je refis pour correction un texte qui fut un vrai chef d’œuvre de fiction, de conventions, de stéréotypes associés, plein d'odeurs de feuilles mortes et de mélancolie, et en fus félicitée.
Merci à vous mes parents de m’avoir en cette circonstance (et bien d’autres) accordé un soutien sans faille, sans lequel mon goût de l’écriture eût pu être gâché !!!
Ce matin , avec l'aide de Michel , j' ai fait pour vous quelques photos de notre bien bel automne, dans notre jardin où décline la végétation, où se fanent les dernières fleurs et où tombent les feuilles…

Quelques marguerites d’automne qui, vivaces, reviennent chaque année. J’aime les chrysanthèmes, brillantes « fleurs d’or », dans le jardin et les vases de la maison…
Une rose d’été qui, à l’automne, est plus qu’une autre exquise

Et le feuillage vernis du houx de Noël dont j’espère, (mais je n’en suis pas sûre , il est jeune), qu’il fleurira pour la Nativité ou la Nouvelle année

samedi 24 octobre 2009

Concerts en quatre dimensions, suite

Tuur FLORIZOONE à Elne et Prades, Michel MASSOT, Marine HORBACZEWSKI :

Les lieux,
Prades, puis Elne. La mer est toute proche, sans arrêt on la longe, ou on la perd…
Un pays âpre, sauvage dès qu’on s’éloigne de la côte par les chemins sinueux, parfois escarpés et étroits. En les suivant on rencontre des cloîtres romans du bout du monde. En paix dans leur pieuse retraite et la pure harmonie de leurs arcs…


Le public,
Quand on en revient des salles assez petites, qui sonnent bien. Un public d’amateurs de jazz, et en tous cas toujours chaleureux. Des gens qui entreprennent avec vous sans façons dans les files d’attente des conversations dépourvues de banalités sur leurs goûts musicaux. Une femme de notre âge vêtue avec recherche et originalité mais sans excentricité, nous parle de son travail d’agent musical et de dans la conversation détendue, à bâtons rompus, laisse parfois entrevoir quelque chose de l’intimité de sa vie. Une vraie communication, sans lendemain…
Des musiciens
Tuur Florizonne, quand Michel l’aborde avant le concert pour lui demander de signer ses disques, très chaleureux, direct, souriant, ne laisse rien paraître d’un stress éventuel. En scène son jeu tendu, concentré, ne se départit jamais d’humour. Tuur donne à la fois l’impression d’une présence, d’une communication directes, et celle d’habiter les nuages de son rêve musical.
Michel Massot paraît concentré jusqu’à l’extrême du souffle puis brusquement bascule et virevolte dans la pantomime et la fantaisie
M.Horbaczewski sereine, rêveuse, plane au ralenti sur son archet maîtrisé, mais se révèle souriante, vive, et détendue quand on

vient échanger avec elle quelques mots.

http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2009/10/vendredi-9-octobre-trio-massot.html
La musique, enfin
Une musique saisissante, étrange , immatérielle, la ligne claire et mélodique et dépouillée de l’accordéon, le son d’un tuba qui va du grave chaleureux et vibrant à l’aigu d’une trompette…un violoncelle à peine effleuré et pourtant fondamentalement présent.
Pour une autre analyse de la musique :
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2009/10/samedi-10-octobre.html

vendredi 23 octobre 2009

Musique en matinée, à Pau


Pour moi un concert a quatre dimensions :
La musique, bien sûr, forcément différente de celle d’un CD. D’abord parce qu’elle comporte une marge de variation, d’interprétation, sinon d’improvisation. Ensuite parce que la musique enregistrée à quelque chose d’abstrait (au sens propre), de son contexte, de son auteur, de ses musiciens. La musique du concert se réinsère dans une réalité contextuelle. Un espace, des musiciens, un public.
Dans l’espace elle est plus présente, pour ainsi dire visible. Pour une musicienne peu avertie comme moi, voir les musiciens en train de jouer me permet de suivre la ligne musicale de chaque instrument, de « voir » en somme comme la partition de leurs diverses parties, de les suivre dans leur entrecroisement, bref de mieux entendre leurs différents « sons ».
Les musiciens… leur présence, leur posture, leurs regards donnent à la musique une dimension humaine et une actualité aussi intense qu’éphémère…
Il y a enfin les lieux et leur publics, une sorte d’ancrage plus ou moins parfait,qui cristallise ce présent éphémère, et en fixera le souvenir.

« Petite musique d’après-midi… » Au théâtre Saint Louis à Pau .
F.Chopin, F.Schubert, R.Schumann, avec au piano Rémy Cardinale et à la voix, Magali Léger, donc on l’aura compris, des lieder, des mélodies, de Chopin en particulier, dont j’ignorais tout…

Une petite salle délicieuse à l’italienne, balcons dorés et haut perchés, velours bleu roi
Il faut grimper raide pour s’asseoir au balcon, quand on se penche le regard plonge de manière vertigineuse vers l’orchestre et la scène.
Aux fauteuils d’orchestre les abonnés, souvent âgés, soigneusement vêtus et coiffés avec application quoique sans ostentation.
Dans les étages le public rajeunit, quelques jeunes étudiants, et des enfants avec de jeunes parents ou des grands parents. Et toutefois quelques mamies qui grimpent allègrement d’un petit pas de chèvre alerte, les volées de marches étroites…
Au programme Schumann, Schubert et Chopin, répertoire peu connu pour ce dernier, puisqu’il comporte des mélodies, dont peu de public connaît l’existence et que la belle soprano brune va chanter…
Au piano, chaleureux, précis, léger, sans sécheresse….. Rémy Cardinale
Il explique avec talent et précision, les raisons des choix de leur programmation ainsi que quelques aspects historiques des œuvres retenues. J’aime son Schubert et encore plus son Chopin (les préludes surtout).
Je me dis que mes goûts restent terriblement classiques : de la mélodie avant toute chose : Schubert toujours, Chopin encore et encore.
Molière, Voltaire, Apollinaire et Eluard en somme…

C’est un plaisir calme et reposant, une émotion douce, rien de comparable avec l’émotion intense de certains concerts de jazz ou d’accordéon.
De la « musique de chambre » bien accordée à ce lieu intime et raffiné « à l’ancienne ».
Et ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est l’environnement : mon amie d’abord, qui a été mon guide, et puis la convivialité de tous ces gens pas très jeunes, visiblement musiciens avertis, et qui dans cette ville que je trouve plutôt froide et comme engourdie dans ses jardins et son écrin de montagnes, applaudissent très très chaleureusement, comme s'ils connaissaient "le prix des choses de la vie", rappellent les artistes à maintes reprises, manifestent un vrai bonheur d’écouter …

En sortant, il fait jour encore, plaisir d’une musique en matinée

mardi 13 octobre 2009

Galliano Paris Concert live au théâtre du Châtelet

Sacré Richard !!!
Concert solo de Richard Galliano, Paris Châtelet 9 Mars 2009

Tout a commencé par la déception,
Une fête ratée, Ste Françoise !!!
Prévenus par un ami du Web de ce concert privé de R. Galliano au théâtre du Châtelet, je sollicite et obtiens deux places…et puis l’habituel souci hôpital-pour–papy, ça va dit le médecin vous pouvez disposer, mais nous ne disposons pas …malgré le conseil d’un ami afficionado d’ R.G. nous lâchons prise : trop cher le train , trop cher l’hôtel , trop court, trop tout…
Nous restons, assommés par l’impression symbolique d’être désormais entravés, que désormais la seule annonce d’un départ déclenchera inévitablement le même drame, plus encore que par la privation du concert lui-même…. QUOIQUE… !!!!
Pour la même histoire dans une autre narration, voir
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/
Et puis annonce de la sortie du Cd, commande, achat tout chaud tiré du carton lundi matin !!!
Et puis pochette insolite…jolie au demeurant, « Blow Up » painting by Marion Galliano…
Et plus de textes, plus de présentation verbale du musicien ou de la production …(est-ce bien nécessaire ?) .
Rien que des photos… superbes au demeurant, et comme je les aime de RG « heureux de musique ».
Et puis l’impression que ce sont encore les mêmes morceaux …
sauf Sheng au demeurant que nous ne connaissons pas…
sauf Bagatelle que je ne connais pas…
sauf Round Midnight jamais entendu par RG, et dont j’ignorais même (Michel me le dit !!) que ce fut un standard de Thélénious Monk)…

On est tout près de ratiociner : « Il fait trop de tout » Ou sans souci de se contredire : « Il met Chat Pitre à toutes les sauces (sic) , c’est lui qui le dit d’ailleurs» !!!)
On est « chi…. » quand on aime…. D’inquiétude, on en demande encore et encore, on frôle l’insatisfaction …

Alors déception ? or not déception ?
Nous tardons à l’écouter, dubitatifs….

Et puis VOILA :
(Impressions, rien de plus que mes impressions…
pour un autre point de vue , voir, devinez qui ? devinez quoi :
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/

Chat Pitre sonne haut et clair , sur le thème familier et attendu, la variation est pleine de légèreté, comme un peu lointaine par instants et décalée avec soupir…
La Gnossienne 1 le souffle d’une respiration d’abord et « la gravité » ensuite , « mais pas trop ». La 2ème plus régulière et retenue…
Sertao , pulsations , folie brésiliennes ,virtuosité étourdissante.
Sheng, légereté, acidité, décalage tonal, son oriental, comme un rythme impair suspendu…
Bagatelle , résonances nostalgiques d’une valse qui se perd en route….
L’ouverture de « Caruso », délice de pureté et de délicatesse dans les aigus,
Et l’Aria, en final, car « l’accordéon « c’est d’abord un orgue »….et dans les bras de quel organiste !!!
Ne rien dire de La Javanaise ,de New York tango, de Round Midnight :
Beaux tout simplement, différents et beaux…

Finalement chaque morceau est différent de lui-même, « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre »
Encore une fois leur succession est composée pour on ne sait quel voyage musical, en un dosage subtil de variété et de contrastes, de chemins familiers et de surprises divagatrices…
Et quel bonheur d’entendre L’ACCORDEON EN SOLO, rien que l’accordéon, avec des registres, des rythmes, des pulsations complexes, variés, et si magistralement maîtrisés…

La folie Galliano !!!

Les petits échos de l’école

Depuis que nous avons quitté le monde de l’Ecole ( qui fut ensuite « Ecole Normale », puis « Institut »),j’ai toujours évité, consciemment ou inconsciemment, les gens et les lieux qui me rappelaient le passé et une vie à laquelle nous étions devenus étrangers, interdits d’action, voués au commentaire stérile et plus souvent de l’ordre de la déploration que de la satisfaction…
Pour un temps, j’ai continué de vivre un peu sur « ses terres de borde ». Des livres entrepris sur le langage en maternelle, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, la grammaire et la littérature, avec mon amie Régine encore en activité. Des cours à la Fac, sur la pédagogie de la lecture et de l’écriture à destination des analphabètes et des illettrés, avec des stagiaires eux-mêmes un peu en marge du monde enseignant qui projettent d’enseigner à des publics encore plus en marge… leur fréquentation pleine d’enseignements m’avait déjà conduite à un point de vue un peu décalé sur notre école…
Puis les portes se sont refermées : nos livres, qui reflétaient nos convictions et conceptions, refusés tels quels par les éditeurs ou à refondre dans des moules inacceptables ; les cours de la fac rendus impossibles par la limite d’age !!!!
Notre vie a dérivé vers d’autres intérêts , plus privés, de l’ordre de la vie quotidienne et familiale, et de l’art, de l’écriture, de la poésie, et surtout de la musique…
Alors a commencé pour moi l’expérience d’un regard autre, comme second, sur l’école. Je me suis aperçue qu’elle ne nous était pas vraiment étrangère, mais qu’on la percevait par des échos divers qui en reconstruisaient une image différente.
Il y a l’écho des toujours copains qu’on rencontre occasionnellement. Bruno, qui nous parle de la baisse de scolarisation des Manouches, laquelle nous coûta jadis tant de peines et d’amitié partagées. Régine nous raconte les petits chefs que nous avons jadis aimés mais que le pouvoir a rendus dictateurs. Une ancienne élève nous fait le récit de ses CE1. Un plus ancien élève se souvient de ma philosophie « claparédiste » de Michel et de ma conception fonctionnelle et naturelle de la lecture ou de ma vision poétique et expressive de la grammaire…
Il y a les surprises survenant au détour des rencontres de notre nouvelle vie. Il nous arrive parfois, au ressenti d’affinités ou de connivence, de deviner dans tel ou telle, un enseignant : c’est Jean marc, Anne- Marie, François, et surtout notre ami Bruno, qui toujours ,au grand étonnement de certains critiques musicaux, revendique son passé de prof de collège… La conjonction de nos goûts actuels et de notre sensibilité professionnelle commune rend ces amitiés bien agréables .
Il y a nos enfants , grands et petits, « qui vont à l’école ».
Nadja et Sébastien découvrent leur emploi du temps de l’année et nous offrent en revenant du boulot l’image rapportée de leurs élèves réels et de leurs collègues vrais.
Encore un fois on s’interroge avec Nadja sur la manière de donner l’impulsion au travail des chers élèves. Encore une fois je me dis qu’au-delà de la didactique c’est sa conviction intellectuelle, sa conception morale, sa vitalité qui emportera l’adhésion.
Au fil des conversations décousues, entre cuisine et enfants, ses vrais collègues nous deviennent familiers. Nous y reconnaissons quelques personnages récurrents ( éternels au sens propre du mot) et tels que nous les avons connus : le mal aimé, râleur, parano , qui en chie, qui écrit lettre sur lettre(non ! mail sur mail) pour exister, qui fait un peu peine mais qui est « chiant »…
Camille entre au CP et entreprend avec un surmoi trop gros L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE !!! Elle régresse, elle refuse de lire les mots « qui n’ont pas déjà été travaillés » et en perd son savoir « déjà là » de lettres et de mots acquis au hasard des livres familiers et des écrits de la vie…
A la réunion de rentrée la jeune maîtresse explique aux parents que si les deux premiers jours elle a fait un peu (si peu) de méthode semi globale (ouah !)elle est tout de suite entrée(pour ne pas dire rentrée) dans le sérieux , technique et rationnel : dans GAFI , quoi, ah lalala ! tralala !!!.Et les parents en chœur de se rassurer !!!
Charlotte découvre la phrase « nominale », les contes, la grammaire, mais je n’entends pas parler (et ne demande rien) des textes de littérature de jeunesse inscrits au programme, dont certains sont pourtant des merveilles de fantaisie, de poésie et de profondeur.
Devant le refus des éditeurs, nous avons fabriqué personnellement autant qu’artisanalement un page web « perso » et gratuite à tous les sens du terme, pour héberger nos fiches. Nous l’intitulons : « Fiches à partager ». Et tous les jours où presque, comme un joueur de Scrabble acharné à gagner qui note ses points, je note le nombre de visites sur notre site. Je m’imagine selon la courbe, (toujours entre 50et 190 !!!) les collègues au travail : pics du mercredi, et du week-end, affluence les jours précédant la rentrée, progression du nombre en soirée, à l’heure où sous la lampe du bureau, on prépare au calme le travail à venir.
Parfois nous nous interrogeons : qui peut travailler en août ? Ou ce jeudi ? Des groupes de travail, des débutants en quête de ressources avant départ en stage ? Nadja me dit ce sont aussi les mêmes qui reviennent, et je m’imagine être pour eux un manuel où ils viennent se balader librement….et je trouve ça délicieux…
Finalement Camille découvre avec bonheur, concentration et application les joies de l’écriture cursive , écrit des phrases quand on ne lui demandait qu’un « petit » mot, récupère son savoir lettres , je dirais bientôt son savoir de lettrée…
Charlotte produit à plaisir des titres « nominaux » pleins de fantaisie et de poésie, et des dictées impeccables ou presque... Le soir nous lisons à voix haute les aventures de Tomek à la découverte de « la rivière qui coule à l’envers » et « l’Ordinatueur »(qui justement font partie de la liste)
Elles s’habituent à la nouvelle école que leur a imposée la carte scolaire et se font peu à peu des amis. Son «Monsieur- Monsieur » enchante Charlotte et la Maîtresse du Vendredi a toutes les faveurs de Camille…

Les réflexions engendrées par ces échos varient pour nous selon la couleur du temps.
Brumes et pluie, je suis découragée que les querelles sur l’apprentissage de la lecture soient de l’ordre du rocher de Sisyphe, voire pires encore en ce temps de crise…je me révolte en voyant que les parents certes inquiets de l’avenir, mais plus encore bornés fassent peser sur les enseignants une pression injuste et insupportable, qu’ils ne fassent confiance ni aux enfants ni aux maîtres. Je m’attriste du poids qui pèse sur les enfants et m’irrite de la frilosité des collègues …
Brume et pluie, je m’agace que l’école construise surtout les savoirs techniques de la lecture et au détriment de sa dynamique de découverte, et du risque qu’ainsi les lecteurs soient immanquablement les enfants des lecteurs comme les musiciens sont les enfants des musiciens …
Couleur Soleil, je suis heureuse que nos petites contournent les obstacles, tout en espérant que d’autres enfants y parviendront de même (et par eux-mêmes !)
Côté pluie, j’enrage que les éditeurs n’aient pas donné la chance à notre travail, qui s’avère peut-être utile (pour ne pas dire génial et précurseur !!)et qui est consulté plus de 80 fois par jour en moyenne. Je regrette aussi que mes « consulteurs » ne déposent pas de temps en temps un petit commentaire.
Couleur Soleil, je me dis que cette page où les gens se baladent librement et prennent ce qui leur convient pour l’utiliser à leur guise (j’adore l’expression à sa guise) est exactement ce que je souhaitais offrir…
Côte pluie, je souffre de penser que je ne peux plus rien y faire, que je n’aurais même pas le temps de voir un vrai changement s’il se produit un jour, et je comprends mieux ce qu’éprouvent ceux qui sont à l’écart du monde du travail. Les exclus du chômage bien sûr, et aussi ces artistes qui parfois m’agacent avec leurs entreprises philanthropiques, dont je me dis qu’après tout elles sont une manière d’agir, de s’excuser de n’être que dans l’art et le divertissement…
Côté soleil, je me dis qu’après tout je suis à l’abri sur la rive à regarder se lever les tempêtes. Dans ce monde où la vie du travail ne parvient qu’en échos. Délivrée de la passion d’enseigner, libre de mon temps, libre de ma vie, de lire ce qui me plaît, d’écrire à ma guise, de grappiller mots, notes et tableaux, de devenir une dame indigne, de courir les concerts avec mon bonhomme, sur les pas du joueur de flûte (non ! d’accordéon) qui nous mène de découverte musicale en découverte musicale…
Désormais délivrée du souci des apprentissages …hormis ceux de nos enfants…
Pluie ou soleil ? Variable…

mercredi 23 septembre 2009

Jean Corti ou la voix humaine

« J’étais seul, l’autre soir, au Théâtre Français,
Ou presque seul ; l’auteur n’avait pas grand succès.
Ce n’était que Molière… »
Alfred de Musset


Nous sommes allés écouter Jean Corti , vendredi soir à Buzet. Nous étions peu nombreux Ce n’était que Jean Corti… !!!!
Il faut l'avouer, je n’attendais pas moi-même cette rencontre avec la même impatience que j’attends certains concerts, de Tur Floorizone, de Galliano, de Renaud Garcia Fons, de Bruno, ou de Philippe…Mais je me disais que Jean Corti était un grand homme, et qu’il fallait saisir la chance qui nous était donnée d’entendre le son de sa musique et de son accordéon en direct…
Lorsqu’il apparaît, un peu retenu, avec ses gestes calmes , un air de bonté, on est saisi par sa présence « humaine ». Puis pris lorsqu’il joue d’une émotion profonde : sa virtuosité évidente ne provoque aucune de ces brillances qui agacent, mais une sonorité ronde, complexe, enveloppante en même temps qu’allègre. Et c’est vrai qu’il dégage une impression fondamentale de présence, comme le font parfois des tableaux ou des photos. Sa propre présence , mais aussi celle de tous ceux qu’il a accompagnés et auxquels il redonne souffle et voix pour un moment privilégié….
Une présence qu’ aucun enregistrement C D ne saurait restituer …
Je ne lui ai qu’à peine parlé, je ne l’ai que furtivement côtoyé, mais j’ai l’impression d’avoir rencontré QUELQU’UN.


« Jean Corti, l'air de ne pas y toucher, évoque Piaf, Barbara, Brel... J'aime sa manière de se pencher sur son instrument. Est-ce parce qu'il interprète des chansons connues de tous, mais j'associe immédiatement son jeu à la voix humaine. Rarement j'ai eu ainsi la sensation que l'accordéon est chaud et que son souffle est comme une palpitation vivante. »
Michel
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/

samedi 19 septembre 2009

Réparations d'automne

Pluie
«
La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures très diverses. Au centre c’est un fin rideau (ou réseau) discontinu, une chute implacable mais relativement lente de gouttes probablement assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une fraction intense du météore pur. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. »
Francis Ponge, Le parti pris des choses, ed. Gallimard 1942

Certaines vacances ont un petit air de folie. Petites folies à dire vrai. Il ne s’agit ni d’aller aux Caraïbes ni de traverser la Manche. Juste le canal à Hossegor. Et puis le lac et puis les baïnes ,(celles de la plage, les petites « bassines » que la mer emplit quand le coefficient est élevé, l’eau y est chaude et animée d’un léger courant, délicieuse)… et puis sauter le rouleau de bord, et prendre les vagues, (à vrai dire en ce qui me concerne juste les plus petites et les plus écumeuses) .
Et aller voir le coucher du soleil, et aller à la fête et au feu d’artifice, monter au manège avec les filles comme quand on avait 15 ans. Décider de ne pas prendre la voiture pour aller au marché ou à la fête à Dax. Marcher, marcher, marcher…ou prendre son « Pégase» et passer des journées juchée sur la selle pour tous les besoins et petits projets quotidiens.

Tout ça à cause du soleil...

Dans notre région moyennement humide, le soleil ne fête pas toujours si bien l’été que cette année, alors vivre dehors, vivre dehors !!!

Et puis quand sonne la cloche de la rentrée, on se rabat dans sa maison d’hiver, les « enfants » s’en vont, et un matin un peu groggy, la cheville se fait une entorse non identifiée.
Alors commence le temps d’automne, le temps des réparations…
La cheville entrave le goût des longues marches. La maison est ternie de la fine poussière d’un été sans pluie. Le jardin a un peu résisté grâce aux arrosages parcimonieux, mais la pelouse est sèche, les roses trémières pendent, les hortensias paraissent lyophilisés, des feuilles sèches tombent un peu partout sur les terrasses et les allées…

Il fait encore très beau et clopin-clopant on profite encore d’un week end au bord du lac parmi tous les autres papis- mamies désertés, et des jeux d’ombre de la maison retrouvée…

Et puis, il pleut...
Ce temps frais est propice au ménage et tandis que la pluie tombe et illumine le toit d’ardoise voisin, la tiède odeur du repassage se mêle à la musique de Piazzolla et à l’odeur du bois dépoussiéré des meubles …

vendredi 18 septembre 2009

Réseaux, toiles et Toile

De biens belles toiles à voir sur la Toile.. www.gayola.net/toile/toile.htm

Quand j’étais prof de français, de « lettres », de pédagogie, j’ai toujours eu l’impression que j’enseignais « ce qui ne s’enseigne pas". En un sens, c’était une impression positive, car cela m’a toujours conduite à chercher des chemins de traverse pour susciter des apprentissages, et à réfléchir à cette scabreuse question : comment enseigner ce qui ne s’enseigne pas ?
Bien sûr, je n’ai pas de réponse à vous enseigner !!!
Juste des réflexions quelques peu divagatrices, entre autres une réflexion sur la notion de « réseau », ce subtil croisement de fils qui fera une « toile »…une notion qui me paraît toucher à la notion de culture …

La retraite en me permettant de vagabonder quasi paresseusement vers des centres d’intérêt divers, de construire des réseaux nouveaux mais pas tout à fait, renforce ma conviction que la construction d’une culture personnelle est davantage de l’ordre d’une mise en réseau que d’un empilement pyramidal, que ce qu’on appelle culture ressemble plus à un fragile tissage arachnéen , qu’ à un beau « meuble à tiroirs »…
"L'araignée lance d'abord un premier fil de soie dans le vent à partir d'un point élevé. S'il s'accroche quelque part, elle le tend le plus horizontalement possible. Elle parcourt ce fil en traînant un nouveau fil détendu qu'elle attache au bout du premier. Ensuite, elle retourne jusqu'au milieu du fil détendu et descend jusqu'à un troisième point d'ancrage en créant donc un troisième fil, vertical cette fois. Ces trois points forment un Y du centre duquel elle fait partir des fils "en rayon" qui vont lui permettre de localiser ses proies…." Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/Toile- d'araignee
Ainsi par exemple fut un premier fil de soie lancé dans le vent, l’engouement de Michel pour l’accordéon , et s’y raccrocha le 2ème fil « détendu » de mon goût pour les musiques populaires méditerranéennes, et un 3ème fil vertical s’accrocha à Schubert, Rossini, Tartini, Offenbach, et Ravel….Et d’innombrables rayons se construisirent sur ces trois points en Y…
Mais si j’en crois un texte de Michel, pour tout réseau il faut « un support physique »…et « des personnes reliées entre elles par un intérêt commun »…
« Deux idées sont évoquées par le mot réseau :
- d’une part un support physique….
-d’autre part un ensemble de personnes…reliées entre elles par un intérêt commun et décidées à mettre en œuvre certaines finalités…
Les supports ? ce sont les concerts , ces pérégrinations périodiques vers des lieux de musiques, où l’on croise aussi des villes, des paysages et des peintres, Rouault, Soulages… ou la photo de Cartier Bresson ou de Weegee….
Ce sont les disques, cherchés, commandés , achetés, écoutés encore et encore ….
C’est le Web parcouru, épluché, cliqué et recliqué, où l’on découvre de nouvelles sonorités, de nouveaux musiciens, de nouvelles dates de concerts, et.. des gens qui pour être virtuels n’en sont pas moins des personnes avec lesquelles on se découvre des intérêts et des goût communs : pour Galliano bien sûr, mais aussi pour Renaud Garcia Fons , Pulcinella, Francis Varis , M.Tournier , Colette, Zola, Satie, Tati, Orsenna ET pour la mer, ET l’eau ET pour tant et tant d’autres choses de l’art et de la vie…
Ce sont des Maître Chronique Light, des Edith, des Ptilou, des Sister for Ever, des Elizabeth et quelques autres…Grâce à eux , les points d’ancrage se multiplient, la toile s’étend de fil en fil …de découverte en redécouverte…
Car d’après Michel, mon philosophe particulier, au réseau, il faut aussi des personnes :
« Le support physique et les personnes sont les deux faces indissociables de la réalité du réseau. Sans le support , le réseau ne serait qu’une idée, un fantasme, une intention. Sans les personnes et leurs actions , le réseau ne serait qu’un ensemble inerte de choses à gérer… »
Il y a donc des personnes dans mon réseau . D’abord « l’Autre » (Michel !!!), avec qui on cherche, on voyage, et surtout on écoute, on commente, on discute, on nuance, et on réécoute et on repart pour entendre ou pour voir…
Il y a les complices de la Toile, y compris « les contacts » divers des artistes, qui donnent des dates, des adresses, des photos
Il y a les musiciens rencontrés furtivement avant ou après le concert, et d’autres avec lesquels on échange quelques impressions , des Toucas, des Venitucci , M.Perrone ou Jean Corti, Francis Varis ou Didier Laloy.
Et certains qui sont presque des amis, qu’on essaie de retrouver régulièrement, dont on aime à suivre le trajet géographique, musical, parfois presque personnel, Bruno, Philippe, Jacques, Fabien , Jean Luc , Michel.
Il y a les copains de rencontre dont certains deviennent des « copainstoutcourt » ; on prévoit de se rencontrer, on échange dates et impressions, et références de CD, petite communauté délicieuse d’aficionados, Anne Marie, Elizabeth, André, Jean Marc, Pierre...

Il y a quelques années, les programmes officiels de l’école primaire ont intégré une rubrique « littérature ». Quels qu’aient pu être les risques d’une telle dénomination, cette innovation a eu du moins le mérite de faire entrer dans les classes un certain nombre de textes de littérature de jeunesse, que je qualifierais de vrais beaux textes de littérature (tout court).
Ces programmes d’œuvres furent assorties d’une préconisation : « construire à partir des textes conseillés « des réseaux culturels »
Et je me disais alors ce réseau, sur quel modèle doit-il se construire ? Et QUI doit le construire ? Pas le prof, pas le maître. Pas le donner tout fait comme un ensemble thématique, ou une séquence de textes d’un auteur, ou une suite programmée de spécimens d’un genre littéraire.
Ce qu’il faut c’est faire aller l’élève d’une oeuvre à l’autre, non pas au hasard, mais en cherchant un point de rencontre dans d’autres œuvres proposées.
Ce qu’il doit faire lui, le prof, c’est jeter dans le vent le premier fil fragile et ténu, voir s’il accroche quelque part, et être là toujours en support physique et en personne avec son barda de livres et d’œuvres d’art, sa bienveillance, son propre savoir, pour aider à tendre de proche en proche, de point en point, d’autres fils, d’autres fils encore…pour une membrane virtuelle mais plus solide qu’on croit…
Je laisse le dernier mot à Michel :
« Le réseau est souvent dérangeant, car il ne se conforme pas aux logiques hiérarchiques et aux règles de la communication ascendante et descendante. Il s’appuie sur des idées floues, des ajustements permanents, des hiérarchies fonctionnelles et transitoires et non statutaires ; ses frontières sont poreuses et instables. Le réseau s’accommode des structures instituées, sans s’y adapter. Un réseau comme un être vivant, apprend et évolue sans cesse : il produit de l’apprentissage expérientiel et il résulte de l’apprentissage expérientiel de ses membres. »
Tout un programme !!!

mercredi 9 septembre 2009

Les jardins de Le Nôtre





Les jardins de Le Nôtre

Je viens de relire Portrait d’un homme heureux (Eric Orsenna,Folio)

Eric Orsenna y présente le jardinier créateur du parc de Versailles et « compagnon » de Louis XIV auquel il voue l’amour de toute une vie.

J’y découvre sur le Nôtre et sur le siècle, bien des aspects qui échappaient à mes représentations stéréotypées du temps du roi Soleil. Je pensais l’époque classique asservie à la rectitude des lignes .
Certes, mais je découvre que comme celle du Parthénon, cette rectitude est rectifiée pour l’œil. Les volées d‘escaliers « adoucies » par des paliers aux proportions calculées pour le plaisir du regard. « Ici le nombre d’or s’applique. Là, Le Nôtre s’en libère pour répondre à telle ou telle contrainte du site »
Je pensais Versailles de pierre et d’or, la splendeur de ses jardins comme un somptueux écrin de verdure, massifs festonnés au premier plan, lignées d’arbres régulières au deuxième, puis la profondeur des bois comme ligne d’horizon.
Certes mais je découvre aussi l’omniprésence centrale de l’eau, des fontaines, des cascades, du grand canal….
Je pensais au grand canal comme à une vaste perspective de 23 hectares imposant sa géométrie grandiose et géométrique entre les masses des bois…
Et je découvre :
« Vingt trois hectares, aussi, du ciel d’Ile de France puisque le canal sert d’abord à refléter .Il capte le soleil pour faire plaisir au roi. Mais le soleil ne se montre pas toujours sous nos climats. Alors, faute de réalité plus noble, le canal réfléchit les nuages, la lumière, tout ce qui passe plus ou moins vite selon les vents, le pur éphémère. »

Je découvre « l’amour fou de l’eau » de ce siècle de pierres :
« Dans le jaillissement des fontaines et des cascades, il voit un reflet du bouillonnement des passions de la vie. Dans les images reflétées à la surface des étangs et des canaux et que soudain brouille le vent, il aime à se rappeler la fragilité des choses. Epris de lignes et de perspectives, rien ne le distrait mieux que ces fantaisies optiques. »
Le roi soleil veut de l’eau, de l’eau toujours plus d’eau, pour « contenter » ses fontaines ; il détourne les ruisseaux, capte les sources, détourne les rivières, recueille toutes les eaux de pluies, construit des machineries monstrueuses pour capturer les rivières.
Cette démesure, cette « ubris » dévastatrice d’un roi de droit divin, n’a rien à envier à celle que le 20ème siècle naissant mettra à « dominer » la nature.
Et je me dis que le rapport des hommes avec l’eau exprime à travers les siècles quelque chose de leur conception de la vie et du monde.

J’ai été une enfant qui ne connaissait pas l’eau courante. Un seul robinet au dessus de l’évier en pierre de cuisine fournissait l’eau de boisson et de toilette. Non, sous l’auvent, il y avait le puits où l’on puisait pour l’arrosage et les tâches domestiques, et qui trop souvent se désamorçait. Plus tard, vers 18 ans encore, dans le vieil appartement de ma grand- mère on versait de l’eau pour sa toilette dans un beau pot de faïence.

L’installation dans notre maison neuve, vers dix ans ,m’apporta l’émerveillement des baignoires et même de l’eau courante chaude que, notre ville Dax, « Acqs ville d’eaux » nous offrait à profusion chez nous au robinet, et dans toute la ville aux bornes installées à tous les coins de rues. Pour purger les canalisations et éviter que l’eau n’arrive froide ces bornes coulaient en permanence, auréolées d’un nuage de vapeur…
Je garde le souvenir délicieux de cette abondance d’eau chaude.
Quand les composantes économiques d’abord, écologiques ensuite, réduisirent puis coupèrent cette profusion, je consentis,( et quand le 21ème siècle nous prêche l’ économie je consens chaque jour)à faire un effort sur le verre à dent ,la proscription des lessives à phosphates buveuses et pollueuses d’eau, les arrosages luxueusement intempestifs, mais je ne me résigne pas à abandonner le délice des douches à profusion, (telles que l’iconographie cinématographique nous en offre de célèbres !!!), mon Versailles en somme…

Et un en un beau jour d’avril à Bordeaux, au pied de la superbe façade « classique » de La Bourse, cet autre plan d’eau qui est le miroir du ciel aquitain d’avril me semble un écho affaibli du grand canal, un grand canal d’aujourd’hui, modeste, provincial, embourgeoisé, où vont jouer les enfants…
Citations extraites de l'ouvrage d'E.Orsenna, dont je n'ai fait ici qu'une présentation personnelle et sélective, mais où l'on peut découvrir d'autres facettes passionnantes de "l'homme heureux", en particulier, son rapport avec le pouvoir politique...