mercredi 18 octobre 2017

Samuel Strouk : SILENT WALK

Quelle jolie audace de placer une œuvre musicale si personnelle et comme intime, sous le signe du Silence !






Car le silence est en exergue « Silent walk » de ce beau disque  et le silence en est au final  l’aboutissement dans le « lever de son  aube » …Dawn of Silence
D’ailleurs tous les titres me semblent résonner bien au deux sens du mot …je leur trouve une sonorité poétique , et  comme   le suggère Samuel Strouk, txous  connotent des résonnances imaginaires,  ouvertes à l’interprétation et au ressenti de ceux qui écoutent …
Si bien que moi qui aime tant  les mots et raffole des titres, qui donnent à rêver la musique, plus qu’à  l’analyser, ce dont je n’ai pas hélas  la compétence, je « pardonne » !!! à Samuel Strouk son choix exclusif de l’anglais  pour les inventer !

En revanche dans un premier temps je n’ai pas réellement au fil de l’écoute construit de connotations particulières titre par titre et me suis contentée  d’écouter,   car en fait on ressent d’emblée un Monde total dans lequel on plonge entièrement, tout au plaisir d’écouter..

Un monde onirique étrange, d’une évidente  Beauté…
On est capté, fasciné par ce monde et la sensation d’un Ailleurs à la fois étrange… et familier !
On pense à une Invitation au voyage à la manière de Baudelaire,  de l’ordre du rêve, ou plus simplement de la rêverie divagatrice…
 Un Ailleurs  quoique étrange,  nullement angoissant, tant il est mélodieux , et apaisé…
…« Qui nous parlerait à l’âme en secret
Sa douce langue natale »

Un monde  au plaisir duquel on s’abandonne d’abord sans chercher à analyser la multiplicité de ses plans sonores étroitement, intimement,  mêlés,  composés avec un raffinement élaboré  dans une fusion des sonorités, «  une fusion à la fois subtile et vibrante où chaque entité se fond avec les deux autres pour donner un son et une couleur uniques. Du grand Art »Michel Rebinguet

Si bien que la première écoute naïve (la mienne)   a peine à distinguer le son des différents  instruments.
Et puis on prend conscience que la délicieuse familiarité éprouvée, est celle des musiciens que nous aimons, que nous reconnaissons  à leur sonorité, à leur style : Vincent Peirani, François Salque, que nous aimons tant quand il joue avec Peirani, trop rarement en live à notre goût, Diego Imbert si présent dans le Piazzolla de Daniel Mille qu’on le reconnaitrait presque  comme  familier…
Et …dans ces familiers si chers à nos écoutes, la surprise délicieuse de la guitare de Samuel Strouk dont je ne connaissais que les talents de direction musicale par le Piazzolla de Daniel M. et dont je n’avais écouté la guitare que sur You tube, en duo avec justement François Salque( Café 1930)!

Quelle découverte que cette guitare, Samuel St !!!!
Et   découverte encore,  la clarinette de Florent Puijila …belle !

Et finalement à la énième écoute, boucle et reboucle,  je me « découvre »des  titres  préférés !
Des « qui chantent et rechantent, enchantent, et connotent… »

Remember in :
Couleur des graves, sombre, qui s’accorde bien avec la pensée nostalgique ( =qui souffre  de l’impossible retour…volver… )
Plaisir de la belle  mélodie, plus aigue, scandée,  qui  vient sur ces sombres impressions, la guitare s’égrène délicieusement, avant de « fondre » tout doucement…comme le souvenir !

Grey Street,
Déambulation grise dans une rue triste, que chaque  instrument tour à tour accompagne, chantant sa plainte mélodieuse ….

Zone Out
Grave, rythme frénétique , comme urbain,  rues étranges qui résonnent par le concours de tous les instruments qui se répondent sur tous les plans à la limite de la dissonance, puis finalement s’accordent …dans un tohubohu harmonieux , un  feu d’artifice final…

Sister
Merveille… ! Thèmes de tendresse, les sons se font plus clairs, la mélodie harmonieuse, étirée pour une émotion presque déchirante…

Dawn of silence :
Peut-être le plus étrange, celui dont le titre presque  paradoxal, fait le plus rêver, suscitant l’interrogation. Des rayons de silence ? Obliques, comme les premiers rayons  du soleil à l’aube, vibrant peu à peu, avant ceux plus chaleureux et colorés de l’aurore.
Ils moussent soudain de plus en plus rapides, s’éteignent peu à peu… ensuite  éclatent dans un dernier sursaut de cordes vibrantes, puis dans la gloire de sons multiples …
Le  Silence survient. Tout se tait …



Manque que Green B , mais ce n’est pas parce que c’est le plus long ,ce n’est pas qu’il ne chante pas pour moi,  mais c’est parce que je ne sais pas le sens du titre , bien que je trouve qu’il fond joliment dans la bouche…et que ses thèmes sont très beaux ….


Ça fait in fine beaucoup de « préférences »!!
 Bien des connotations de divagatrice,  qui n’épuisent pas les possibles  de rêveries à venir …
 Bien  des écoutes à renouveler…
 Bien des Pas Silencieux, à risquer sur les chemins aventureux  de cette Musique !






dimanche 8 octobre 2017

LITTERATURE, INCERTITUDES?





En littérature j’aime les Textes, en peinture j’aime les tableaux, en musique j’aime les œuvres !

Bien sûr je ne prétends pas  avoir fait la Révolution du Texte, mais je suis d’une génération d’étudiants, puis de profs de lettres,  qui a ambitionné de libérer le Texte de son contexte, de l’histoire littéraire, où il n’avait qu’un statut fragmentaire d’illustration, de la biographie, et de l’analyse des racines  dont naquirent les œuvres. 
Bref, sans faire fi de qui était l’auteur, de lire et relire d’abord l’œuvre, d’en découvrir son auteur à travers elle et non l’inverse !
A la fac quelques grands profs se penchaient encore sur la Psychanalyse,  sur le lien œdipien de Baudelaire ou de Rimbaud, les avatars d’enfance de Leconte de Lisle,  ou même de Valéry, pour y découvrir la clé de leur création … mais d’autres déjà, dans les pas desquels nous engagions les nôtres avec enthousiasme, tentaient de s’attacher primordialement aux  œuvres,  leur fonctionnement, leur structure, les réseaux qui se tissaient entre elles, au fur à mesure que nous les lisions,  les relisions, et en confrontions nos lectures avec patience et enthousiasme parfois  !  Je garde un souvenir ému du Prof qui nous fit découvrir Balzac, à partir du Lys dans la Vallée, puis en tenant  le fil  d’Ariane qui nous guidait à travers son œuvre…

Aujourd’hui que je ne suis plus « Entre les murs » de l’Ecole, je suis avec un intérêt divagateur, les livres et les films , et parfois, grâce à mes petites filles, je regarde par-dessus le mur, ne pouvant m’empêcher de m’intéresser à la manière dont on leur enseigne , la littérature, bien évidemment …
Et j’ai été récemment particulièrement frappée par le retour en force de ce qui pour moi était le « Para-texte » : contexte, biographies, qui parfois était éclairé et mis en exergue de la lecture de l’œuvre concernée…Rimbaud le fils, avant de lire des poèmes ,Le roman de Rabelais sans textes de Rabelais  ….
Je me sentis d’un autre monde et me suis mise à douter !!!

Et c’est alors que j’ai regardé d’un œil plus attentif beaucoup de créations dans les livres parus  ou les films , qui souvent étaient  des reprises ou des remakes, ou des adaptations contemporaines voire modernes,  et  j’ai découvert le monde productif  de la Biographie , «  Biopic » ou pas !
Deux Saint Laurent de sorties quasi simultanées ,  dont un, fort long au demeurant,  dans lequel, de Saint Laurent,  on ne voit qu’à peine qu’il dessine et crée des robes , un «  Barbara », biopic certes intéressant par un style original,  mais plutôt puzzle d’une vie  où la musique est omniprésente, mais seulement comme  un  filigrane essentiel , un fond sonore souvent , seulement  , dont l’enjeu artistique fondamental ne m’apparait pas ..  un récit primé de Patrick Deville Peste et choléra, qui raconte, avec  sans doute un recul esthétique méritoire , dans un savant désordre chronologique,  la vie de Yersin , en la croisant avec celle de  Rimbaud l’ Aventurier , Celui qui n’écrivait plus,..ce qui sans doute constitue , par son « écart au réel » l’apport  de création artistique   de l’auteur…
Aujourd’hui la vie de Jeanne Hébuterne …à lire : peut-être un roman d’amour ? Ou encore une plongée dans les arcanes de la création ?
 Pourquoi notre culture actuelle s’intéresse-t-elle davantage aux coulisses de l’Art, qu’à ses œuvres ?
Un grand penseur de l’Esthétique , Hegel pour ne pas le nommer, n’a-t-il  pas pourtant justement souligné «  qu ’il n’y a pas  de Grand Homme pour son valet de chambre » ?
Pourquoi la réalité semble-elle coller  aux créations ? la vie des artistes, les cheminements des artistes, les affres de la création , les cuisine des œuvres,  on se retrouve aujourd’hui comme naguère avec  le Nouveau roman, dans  le roman(ou l'histoire)  de la création  du récit , du film, de la chanson, de l’œuvre musicale…orchestrée de surcroit par les médias qui présentent le doc de la création du film… etc etc…

Heureusement ! il y a les polars !!!
« Pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons […]pleines d’aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers » ZONE , Apollinaire


Non ! il y a des Polars , des Oeuvres !






Les polars de Fred Vargas, qui racontent des histoires et qui ne manquent ni d’insolite ni de trouvailles poétiques,  ceux de Dona Léon , de Thierry Bourcy….et tant d’autres …




Et  il y a les Séries ! Petites histoires de rien de tout qui inventent  du roman, des systèmes de personnages de composition ,  des univers  à la fois fictifs et qui parlent de notre réel , dont j’ose dire qu’ils relèvent de l’art du récit !!!!



Finalement, sont-ce  seulement les polars  (d’hier et d’aujourd’hui),  les Séries, et les feuilletons,  qui tout à coup me semblent créer le plus d’histoires et de personnages susceptibles de réussir  à remplir la fonction pour moi fondamentale de  déréaliser  le réel ,  pour nous y faire  réfléchir , par le fictif, le rêve , l’espoir…


JE NE SAIS…






Incertitudes , ô mes délices… !
 Vous et moi nous nous en allons 
Comme s'en vont les écrevisses 
A reculons, à reculons.