A ma mère...
J’ai une petite pensée émue pour toi ma Maman, car seule de nous tous, tu
aimais la Rentrée des classes !
Non, je n’aime pas la rentrée !
Quand j’étais enfant puis
adolescente, à l’école, au collège , au lycée, je travaillais avec
détermination toujours, avec intérêt souvent, avec passion quelquefois …mais ce qui en gâchait le goût , c’était la
nécessité des notes , des compositions, des interrogations …Cette nécessité
pesa constamment sur mes élans !
Mais j’aimais bien sûr les
copines , avec elles les trajets à vélo, ou plus encore à pied : « je t’accompagne , tu me raccompagnes »
Et puis venait l’été, et ce
temps de parenthèse enchantée où le Temps était autre : lectures du soir jusqu’à
pas d’heure, levers à dix heures ! maximum ! (notre mère jusque là
silencieuse s’agitait, claquait portes et volets)…
Alors de travail scolaire je
ne faisais rien , rien ! rien de rien !!!
On ne faisait pas grand chose
d’ailleurs balades entre copains ,
piscine : « mais non il ne va pas pleuvoir...!" Quelques après midis à la
plage, j’adorais déjà l’Océan (mais mon rêve aurait été d’y aller tout l’été,
comme les voisins qui y avaient une maison, mais on n’avait pas les moyens alors), petits voyages dans l’auto de Payou, en
Bretagne, à Nice, dans les Cévennes,
petits séjours en Chalosse chez mon amie d’élection…
Le sommet de l’été c’était les fêtes de Dax, après le 15 aout !
A partir du 15 aout, ma
grand-mère le disait toujours :
« On va à l’hiver » (rires…)
Mais déjà les soirs de bals de
rue de la Fête, il faisait souvent frais, ou une petite averse !!!
Quand venait le fatidique 1er
octobre, la cour aux platanes du collège : gamines on y jouait aux
gendarmes et aux voleurs, puis plus
grandes, on l’arpentait bras dessus bras dessous, en se disant des secrets, ou en
reluquant les quatre malheureux « philosophes » , comprenez les
quatre élèves mâles, admis au collège de
jeunes filles pour faire leur année dans la classe de Philo !
Alors, le soir qui tombait de
plus en plus vite ne me pesait pas, alors , l’arrivée le matin après le noir du chemin, dans l’accueil, la chaleur et l’animation du grand hall du collège,
la cheminée de la maison avec mes
parents, à la veillée, l’espoir qu’un jour il neigerait, peut-être !!!... l’amitié, les rires, le
cinéma le dimanche après midi…suffisaient à rendre douillet ce temps de devoirs
du soir, et de classes du jour…
Ce qui ne m’empêchait pas de détester, plus encore que le déclin des
températures et le déclin croissant du jour, l’enfermement dans les tâches
obligatoires, stressantes autant que parfois passionnantes…
"RENTRER", pour l’enfant et l’adolescente
que j’ai été, c’était bien symbolique !
Fini l’air libre, les couchers de soleil
glorieux et interminables, les soirs sur la terrasse.
La baisse de la lumière, c’était la fin de
l’été, redouté dès fin aout, la fin d’une
certaine liberté, d’une « vacance » de farniente.
"RENTRER" …la représentation la
pire que j’en ai vécue, car la plus symbolique, ce fut ma Rentrée à l’internat
de l’Ecole Normale de Bordeaux ! j’en ressens encore l’impression d’enfermement
éprouvée alors : plus de jardin, mais un parc figé de lycée , plus les
rues paresseuses de ma petite ville, plus l’évasion vers les bois proches , plus
les soirées au chaud de la lampe avec mes parents, mais l’ interdiction de sortir
des Murs seule, dans l’univers minéral , superbe, de calcaire noirci, de la froide
et si belle ville !!!
Bien du temps a passé, où je m’accoutumai
à ce nouvel univers, à sa beauté, à la chaleur de la vie communautaire de la
pension…
Puis les rencontres, Michel, la liberté de la Fac, le Maroc comme débutante,
la fréquentation passionnante des textes et des élèves …
Bien du temps a passé, mais, aujourd’hui
comme alors, et comme chaque année durant toutes mes années d’un métier que
pourtant j’adorais, j’ai détesté la rentrée !
Aujourd’hui comme alors,
aujourd’hui que la « vacance » parfois peut signifier « liberté »
mais aussi « vide », je
n’aime toujours pas la rentrée !!!
Et c’est alors, ma Mérotte, que
je pense à toi, parmi nos mines déconfites, avec ta figure lumineuse et joyeuse
à l’idée des attentes, des rencontres nouvelles et des travaux nouveaux, que tu
entreprendrais (et tu en as sans hésiter entrepris beaucoup et de très nouveaux
) Toi qui avais eu dans doute des
rentrées bien difficiles dans des postes inconnus, perdus dans le Bordelais , loin
des tiens, en train , à vélo, à pied ! Toi qui avais gardé comme un émerveillement
de l’Aventure que t’ouvrait chaque année !
Joyeuse, souriante, détendue,
tu Rentrais !
Merci… pour cet émerveillement
et sa leçon d’allégresse !