mardi 29 mars 2016

Richard Galliano et Sylvain Luc à Orthez, les délices de la variation



Tant il est vrai d’un concert :« qu’il n’est, chaque fois, ni tout à fait le même ni tout à fait un autre… »

Et qu’il nous paraît vain de dire : « ce concert je l’ai vu » comme l’assurance d’un savoir achevé, ou pire, épuisé ! comme on dit parfois « ce livre, oui, je l’ai lu… » « Marrakeh je l’ai vu, » ou pire, comme certains disent : «  j’ai fait l’Italie »… !!!

Tant pour moi le critère des livres, des poèmes, des lieux  fondamentaux de ma vie , est que leur lecture en appelle la relecture,  comme certains lieux le besoin du retour….Volver !
Donc pour être allés un soir à Marciac au concert  de Galliano « La vie en rose » avec Winton Marsalis  , pour avoir acheté et écouté en boucle le CD enregistré avec Sylvain Luc, et être allés un soir bien froid de mars à un de leurs concerts à Eysines , une banlieue de Bordeaux qui nous parut sans charme , et où malgré tout nous nous sommes précipités!


Orthez , c’est presque chez nous, à mi-chemin entre les Landes chères à mon cœur et les Pyrenées où nous habitons , c’est une petite ville qui tente des projets culturels, de jazz en particulier, et résiste de son mieux aux restrictions budgétaires, une ville sympa…
  Un beau concert, où  du « même » bien sûr il y eut :
«  Le plaisir sans mélange d’écouter le « Son  Galliano », pureté de la chanson mélodique développée dans sa ligne claire, nuances délicates des intensités,  jeu des variables subtiles ou virtuoses des improvisations, … une virtuosité qui semble n’avoir pour finalité que de se faire royale simplicité…
« La technique est importante à condition d’en avoir tellement qu’elle cesse complètement exister… »P. Picasso 
"Et c’est un  bonheur total  qu’on pourrait comparer à celui de certains solos si ne s’y ajoutait la superbe découverte pour moi de la très belle guitare de Sylvain Luc, acoustique, vibrante,  et le plaisir des ses notes  égrenées qui dialoguent avec les notes tenues de l‘accordéon, tantôt le soutenant, tantôt au premier plan assurant la ligne mélodique, tantôt s’associant étroitement avec lui…"
Profonde  émotion que celle des  amants d’un jour , chanson  épurée par l’absence de mots, et la toute puissance du chant des instruments …
Le plaisir du duo où chacun inspire à l’autre une réponse, une reprise, un développement  ou une pirouette en harmonie ou en surprise …Où chacun exprime à sa guise, avec expression , parfois expressionnisme,  son propre ressenti du thème, et nous en transmet l’émotion…"

 Mais le « même » dans un concert très sensiblement « autre »…

Le concert d’Eysines se déroulait dans une salle froide,




... même si le public en était visiblement conquis , une salle assez obscure , les deux interprètes assis , posture insolite pour Galliano,  face à face, peu éclairés .


 Il en résultait l’impression d’un concert étrange, presque intimiste, où les deux musiciens engagent un poétique duo, et se regardent plus qu’ils ne nous voient…





A Orthez, la salle est chaleureuse, comme un peu décontractée, un public bon enfant d’après midi, auquel se mêlent les élèves de l’école de musique, qui se sont produits avant le concert. Les  deux musiciens, tout en laissant paraître leur forte connivence, sont plutôt face à nous , et Galliano debout, nous communiquant, comme souvent, sa force d’énergie…











Si le concert commence comme le programme du disque par Douce Joie de Gus Viseur , puis me semble-t-il Les amants d’un jour, et  l’accordéoniste, son déroulement intègre aux incontournables mélodies d’Edith , de Gus, de Sauguet, de Marguerite Monnet,  des variations : il y aura Le tango pour Claude , la Flambée me semble enchaînée à Indifférence , il y a aussi l’invitation impromptue de Francis Lassus, batteur remarquable, qui annonce Les forains ! et entame avec Sylvain L’hymne à l’Amour !
Il en résulte une sensation un peu euphorisante de liberté, d’improvisation,  à laquelle s’ajoute par la proximité du premier rang, une impression de familiarité, d’un échange direct et immédiat  …




Surtout que chaque morceau, chaque thème d’Edith  Piaf rencontré, donne lieu, pour le magique effet de la surprise, à des improvisations où, de l’un à l’autre, le thème s’offre, s’échappe, de cache, et se retrouve…
Les musiciens semblent vivre et faire vivre des bonheurs multiples !
Bonheur  de jouer  et de jouer ensemble…
Bonheur de développer des chemins divagateurs éblouissants de virtuosité et de variation de ton et de mélodie, qui toujours finissent par se rejoindre...
Bonheur de s’écouter …
Bonheur  de partager, Richard et Sylvain,Richard Sylvain et Francis Lassus, Richard Sylvain et Nous … !

D’un concert l’autre, ce fut, ce soir-là, comme souvent, le délice de la Variation !

 Les « Variations Galliano » !





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