Hossegor c’est mon pays : la forêt, le sable et la mer y forment un mélange pour moi incomparable. Même si je trouve qu’il y a des pays d’une beauté plus saisissante, celui là est le mien. Et je souffre encore quand nous traversons des parcelles dévastées par Klaus, parce que je sais que jamais je ne les reverrai boisées.
Nous y avons une maison qui au départ n’était qu’un « bungalow », gratté par mon père et ma mère sur leurs économies et leur part de la vente de la maison de mon grand père paternel, ( maison simple, sise dans le quartier bas d’Angoulême, et mal vendue)…
Quand sont arrivées nos petites filles, nous avons commis la petite folie de vouloir faire agrandir le « bungalow » pour y vivre nos vacances familiales, et ce projet a mis en péril notre revenu, notre sérénité, parfois même nos relations .
Successivement chacun de nous a repris le dessus et le relais quand les autres flanchaient, en prenant, suivant ses talents, le cahier de comptes pour gratter un peu de budget, le téléphone pour harceler les artisans ou l’architecte Didier[1], la truelle pour rebâtir la cuisine, la voiture pour se rendre sur place et constater les désastres et tâcher d’y remédier.
Les voisins eux aussi ont fait agrandir, pour sans doute les mêmes raisons familiales que nous, et la progression de leur travaux a fait l’objet de notre part d’une constante comparaison, jaloux quand ils avançaient sans déboires apparents, soulagés ou même réjouis quand ils stagnaient ou posaient problèmes, et le résultat contraste totalement avec notre projet : pelouse, palmiers , lignes dépouillées, où nous avons murs de bois, balcons- passerelles,et végétation naturelle bien éclaircie, une maison dans un airial de forêt….
J’ai pris le chemin menant à la plage, on grimpe sur la dune et la mer se découvre. Ces deux dernières années ces bordures sauvages de dunes ont été aménagées avec des passages de bois et des barrières à claie qui retiennent le sable. Cet aménagement, que les tempêtes d’hiver remettent annuellement en question, n’est pas sans charme ni sans agrément, propice aux promenades façon Biarritz et Eugénie de Montijo. Mais je ne peux m’empêcher de penser à la dune aux œillets de mon enfance où seuls couraient les enfants. Et je pense à ma grand-mère qui venait à travers la forêt de la métairie familiale, en « bros », pour voir la mer, car « vous savez alors il n’y avait pas de route ni de village. Seul existait le port de pêche voisin de Capbreton… »
Mais, quand je suis arrivée là-haut face à la mer, foin des regrets !!! : du monde, plein de monde flânait sur les promenades récemment aménagées, jouissant en toute quiétude du plaisir somptueux et gratuit du soleil tombant par degrés sur la ligne bleu vert de l’horizon. Il y avait des terminales des lycées alentours fêtant leur dernier jour de bac, des enfants jouant à courir et se poursuivre sur la plage et les passages de bois, des gens jeunes et d’autres moins, des groupes assis en rond sur le sable dont certains jouaient de la guitare, de l’harmonica, ou de la trompette. Et tous suivaient des yeux (ou de leurs numériques) la plongée du soleil « moribond »dans l’océan, pour une sorte de rituel primitif.
Ils attendaient « le rayon vert » !!!
Le « rayon vert », c’est selon ma culture enfantine, et la culture populaire du pays, l’ultime rayon du soleil tombant sous la ligne d’horizon, si fugitif, si ténu, si insaisissable que d’aucuns prétendent qu’il n’existent pas. D’autres affirment l’avoir vu- une fois !!! – Tous continuent de l’attendre…
Il y faut beaucoup de conditions réunies : un soleil d’été, de solstice de préférence, un ciel sans nébulosité, exceptionnel dans ce pays au temps variable et nuageux, une attention sans faille à la lente déclinaison de l’astre, et beaucoup de poétique espoir dans l’existence d’un « presque rien » fugitif…
[1] Que Didier A. soit ici remercié de ses relances inépuisables et de son intérêt désintéressé pour un projet partagé qui sans lui n’aurait pas abouti.
[2] J’ai beaucoup aimé la description que J.P. Kauffmann fait de cet état d’esprit dans son livre La maison du retour Nils Editions
[3] Tout le monde ne partage pas la sérénité que procurent à Rousseau ces états provisoires !!!: « L’idée que j’aurais le temps de m’y arranger tout à loisir fit que je commençais par n’y faire aucun arrangement …et j’eus le plaisir de ne rien déballer, vivant…comme dans une auberge dont j’aurais dû partir le lendemain » 5ème Promenade