vendredi 31 octobre 2014

Daniel MILLE , jazz sur son 31 Toulouse.

Nous étions donc au premier rang, tous les trois, car notre Charlotte nous fait la grâce de partager souvent nos folies de musique,  ce vendredi 24 octobre à l’Automne Club de Jazz sur son 31 pour assister au concert du Quintet de Daniel Mille, «  Le chant du piano à bretelles ».



Heureux d’être au rendez-vous , à seulement deux heures de chez nous…Car pour l’ écouter , nous ferions souvent bien davantage de route tant nous aimons sa musique …


Si on me demande pourquoi nous l’aimons, pourquoi nous nous attachons à ses pas, pour assister à  ses concerts, et  à ses CD, qui sont si raffinés qu’ils environnent sa musique de mots poétiques , de titres qui donnent à rêver , de paroles diverses de talentueux compagnons...



Si on nous demande, donc…
Je dirai, parce qu’il me semble avoir un style personnel si remarquable qu’on le reconnaît avec  évidence, qu’on l’aime et  qu’on désire toujours le retrouver …

« Daniel Mille est un musicien très sensible qui possède le sens du son et de la mélodie » a dit quelqu’un…
Et ce quelqu’un c’était Galliano ! Orfèvre en la matière du son et de la mélodie !!!

LE SON…une certaine manière d’utiliser les ressources expressives de l’accordéon  pour un lyrisme à la Verlaine , une manière légère ,  d’intensité  variable, nuancée, funambulesque, mais toujours « soyeuse »(Michel Contat)...


La Mélodie …remarquablement prenante, à la limite de la tristesse ou de la mélancolie, trop légère pour  du spleen, trop déchirante pour une saudade, une nostalgie… d’été quand vient l’automne , d’enfance dans la maturité…,d’une  rue à jamais passée : une « fin d’été », une  part de « minot » en nous, inguérissable , un accordéon sur une place sainte Catherine …
Une thématique de « temps qui bascule », de la  fragilité d’un temps en suspens,  comme le rythme d’un vers impair, créant une sorte  d’Attente …
Ses mélodies me bouleversent toujours , voire me fascinent….
Le son … la mélodie…, mais aussi, j’y suis particulièrement sensible ce vendredi au Magic Mirrors, un des plus remarquables de ses concerts auxquels nous ayons eu la chance d’assister, une maîtrise dans  le groupe du quintet, maîtrise de l’intervention des différents instruments , une réussite du juste équilibre organisé  des différents plans sonores…   et cette maîtrise est si discrète qu’on peut la penser naturelle comme l’évidence de la beauté d’un tableau…On y ressent un véritable talent à s’entourer de musiciens remarquables avec qui l’interaction se perçoit, mais peut sembler  le simple effet  d’affinités   sélectives  …


Julien Alour (bugle)Andy Barron ( batterie)Pascal Berne (contrebasse) Alfio Origlio (piano) 




Je ressens la même impression d’équilibre dans la programmation, Après la pluie, Ouro Preto,Oblivion, Les soirs de pleine lune, La valse des adieux , c’était le programme de Après lA pluie … S’y entrelacent L’attente ,  Fin d’été,  Estrella do norte, Les Minots,plus récents (L’ATTENTE) sans rompre l’unité de style de l’ensemble, comme pour une promenade rêveuse ( un «  Nostos »)dans son oeuvre …revisitée…

Une de ces promenades dont on souhaite qu’elle ne s’arrête pas, tout en ayant le sentiment poignant de sa finitude.

Et on en demeure séduit …complètement !

Et le moindre plaisir ne fut pas ce soir-là, la divine surprise de la dédicace qu’il m’a offerte de leur dernier morceau… « Brindis »si inattendu, émotion si vive que j’ai été, je l’avoue,  bien incapable d’en identifier le titre…Pour nous :  «  L’ultimo Regalo » de cette soirée !


J’ai souvent écrit sur Daniel Mille :


mercredi 8 octobre 2014

Fanny Azzuro: Russian Impulse

Fanny Azzuro et Rachmanov, Porokofiev, Kapustin
Aimer , comprendre ? C’est la question que me pose ce très bel enregistrement  de Fanny…

J’aime immédiatement le disque…





 J’aime le piano de Fanny, la netteté avec laquelle se dégage la sonorité de ses notes, et en même temps, les nuances de son toucher…
J’ai l’impression  (en toute naïveté de non-musicienne )  qu’elle se  joue de la subtilité des deux plans, des graves puissants et percutants et une main légère qui détache la mélodie…
J’aime le thème de Corelli (ou pas Corelli peut-être et qu’importe,  c’est Rachmaninov  qui le dit) ce thème qui est une de ces petites musiques qui demeurent dans la tête et le cœur et que l’on a envie de chanter…Je suis à jamais, midinette au cœur tendre, esclave de la mélodie !
J’aime ce thème qui parait se cacher, et que le délice des variations complexifie et éparpille, sous le doigts précis, agiles , et subtils de Fanny..

J’aime Rachmaninov qui ouvre « un chemin vers l’irrationnel »mais demeure pour moi si romantique encore…
Bien sûr, ma culture musicale est si limitée que je connais surtout son concerto numéro 2 pour piano, délicieux cadeau que m’offrit ma grande sœur un 9 mars, interprété par Aldo Ciccolini, mon idole d’alors, et que j’ai écouté jadis encore et encore…


Et je remercie Fanny Azzuro d’avoir choisi pour ma découverte ces précieuses et subtiles variations…
Prokofiev, je l’avoue est un peu plus difficile pour moi, ma culture musicale, mon oreille sans doute imparfaite.
Mais je me laisse glisser grâce au piano de Fanny ,dans un monde sonore triste et beau, étrange voire un peu étranger, où l’on se met perpétuellement en attente de l’harmonie et de la mélodie qui ne viendra pas, la mélodie impossible, l’attente d’un récit qui ne se racontera pas, et ce « suspens » ne manque pas de charme.
Et voilà d’ailleurs que survient le Vivace du 4ème mouvement apporte un dénouement tumultueux, et l’émotion puissante d’une résolution de problème, comme un  5ème acte de tragédie ! Ouah !

Et puis je lis , je lis  la très remarquable présentation de Laetitia Le Gay : riche, précise ,savante….
J’aime  les CD, « objets »d’art véritables, où la promesse de musique est enchâssée dans des photos qui donnent visage à ceux qui jouent , et des mots qui donnent aux auditeurs à écouter autrement, voire mieux …
Le texte est fort intéressant pour situer le contexte, et éclairer peut-être la tonalité russe et le titre Russian Impulse (qui néanmoins  demeure pour moi  un peu énigmatique). Pertinent pour approcher le style de chaque compositeur et souligner entre eux parentés et contrastes…

Mais je mesure à sa lecture ce que j’appelle mon « hédonisme musical », combien je me satisfais du plaisir de l’écoute, sans chercher «  davantage » à comprendre tenants et aboutissants…
Et j’y retrouve mon éternel problème d’enseignante de littérature, et d’amateure de peinture et de photo:Le rapport ambigu entre la connaissance intellectuelle de l’œuvre d’art et l’émotion ressentie…
Entre comprendre et aimer, ça pourrait faire une dissert de philo : peut-on comprendre sans aimer et aimer sans comprendre ?

Le texte met en relief la brièveté caractéristique des pièces de Rachmaninov et  souligne que leur séquence loin d’être aléatoire comme on pourrait être tenté de le sentir, obéit à un projet structuré : ce que je n’avais pas remarqué , le vivant comme une promenade , une rêverie divagatrice, mélodieuse et rythmée…
Peut-être les écoutes prochaines en seront-elles enrichies ?
Laetitia Le Gay souligne aussi et analyse la spécificité du 4ème mouvement de la sonate de Prokofiev, dont justement  j’ai été si vivement touchée !
Comme quoi comprendre parfois s’accorde avec aimer !




En tout cas, j’aime vraiment QUAND Fanny Azzuro joue du piano , et CE qu’elle joue !


Ps :J’ai réécouté mon Ciccolini dans le 2ème concerto de Rachmaninov : il gratte et pétille mon 33 tours !



Mais je retrouve l’émotion d’alors…
Ou pour être exacte l’émotion de l’émotion d’alors !