samedi 25 septembre 2010

Culture- Manif


23 septembre 2010

Quand on ouvre les volets, le temps est couvert mais très doux :
-Il ne pleuvra pas, je crois. Heureusement sinon…il risque de ne pas y avoir grand monde…
On est plutôt en avance, garé assez loin ; sur le reste du chemin pourtant, il restait des places…
-C’est pas bon signe !!!
Le parcours n’est pas encore neutralisé, ça renforce le pronostic :
- Y a pas grand monde ; c’est le petit parcours !!!

On remonte à contresens vers le lieu de rassemblement. Sur le trottoir peu à peu des gens s’acheminent dont on sait instinctivement « qu’ils y vont ». On surprend des conversations : «la grève, c’est cher ; vaudrait mieux faire un samedi, avec un mot d’ordre global, sur la politique d’ensemble… »

Et puis par degrés, par les rues adjacentes au parcours des gens arrivent, encore et encore
-Finalement y aura du monde !

Et quand ça démarre, on attend sur le bord que « les nôtres » arrivent et on voit défiler encore et encore des travailleurs, connus, pas connus, jeunes moins jeunes plus du tout jeunes, des parents avec des poussettes et des enfants , des gens avec des cannes , une dame aveugle et son guide , des hommes, encore des hommes…. et ils sont déterminés, graves, ou sérieux…et quand on se glisse parmi eux pour marcher du même pas une sorte d'émotion nous saisit de se retrouver ensemble.
-triste, cette manif est triste !
-sans illusion ???
-non, les gens semblent déterminés, finalement on est plus nombreux que le 9…
-oui le 9,tout était sombre, le ciel, la pluie, les vêtements, même les parapluies serrés comme pour un toit solidaire !
- sans slogans, sans cris, sans chanson…?
- non, je sais…. Pas triste, mais sans excitation, sans l’enthousiasme, une sorte de colère rentrée…



Et nous pensons à d’autres manifs, la folle journée de 95 à Pau où il y eut tant de monde, tant de beau temps, tant de marche jusqu à la gare où nous pique-niquâmes.
Avions-nous plus d’illusions, il ne me semble pas, plus de colère certes, ou du moins pas la même…
Je me rappelle la grande manif de Toulouse,quelques jours plus tôt, Nadia et Seb était avec nous.
C’était un long défilé familial et joyeux,avec des poussettes, des ballons, des banderoles chamarrées, des slogans éclatants, un défilé très très long, nonchalant, tous les boulevards, et puis le grand détour par le cours d’Alsace vers le Capitole….
et soudain alors que nous entrions sur la place, brusque changement d’atmosphère , poubelles en feu et tout à coup, alors que nous étions rentrés sur la place et comme enfermés, charge soudaine, brutale, et rapide des CRS, grenades lacrymogènes…
le bruit de leur course sur le pavage de la place résonne encore dans mes oreilles,
et nous courons pour nous enfuir par la rue Rémusat, nous abriter dans un grand magasin , Sébastien me protège la tête de son blouson, je cherche ma fille , il me dit « cours, cours, elle sait courir elle aussi…. »

Puis tout s’apaise et nous aussi …



Et comme un vif souvenir longtemps oublié ressurgit non pas Mai 68, mais mes premières manifestations en 1962, à Bordeaux

De Mai 68, j’ai plus de souvenirs de soleil et d’enthousiasme, d’A.G. et de discussions enflammées, de la place de la Victoire le 13 Mai couverte de monde et de lumière, que de charge policières …sans doute nous tenions nous raisonnablement à l’arrière…

Non la peur profonde qui ressurgit alors du fond de ma mémoire, c’était celle des manif contre la guerre l’Algérie
Les années talons aiguilles et mince redingote, le froid, pas même 18 ans. Pas réellement engagée. Pas réellement de conscience politique Une camarade de prépa avec qui nous discutions avec passion, m’avait convaincue que l’Algérie c’était aussi notre affaire, et qu’on ne pouvait pas se taire…
Et en cachette de ma grand-mère chez qui j’habitais, je cachais dans mon grand sac à main mes chaussures plates et nous partions défiler.
Quand nous nous engagions dans l’étroite rue Sainte Catherine comme dans un couloir piège, au fur et à mesure que nous en descendions la pente de petit pavés inégaux, je sentais une peur panique m’envahir, l’angoisse que nous soyons enfermés dans une voie sans issue par les forces de l’ordre barrant la rue aux extrémités entre deux rues .
Au moindre signal nous nous échappions et nous dispersions par les rues adjacentes et jamais je crois nous ne réussîmes à faire le parcours jusqu’au bout.

Je n’eus pas le courage de renouveler très souvent l’expérience…

Rien n’arriva jamais…à nous !!!


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L’école du pouvoir…

L’école du pouvoir…




23 septembre, ARTE rediffuse la première partie du téléfilm de Raoul Peck .

A revoir pendant 7 jours



Est-ce coïncidence ( ?) que d’avoir programmé, au soir de cette journée sociale marquée (pour moi du moins) à la fois par la détermination et le sentiment de l’impuissance, ce beau film que j’appellerais volontiers les Illusions Perdues et qui me laisse une grande impression de tristesse par les souvenirs du passé qu’il ranime , tant la liesse et les espoirs de la victoire que les lendemains désenchantés….

En écrivant, j’écoute Invierno in Paris (Raul Barboza) pour me redonner la pèche , et l’optimisme désespéré….




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mercredi 22 septembre 2010

La Bruyère ou Du Cynisme Social

Michel m’a raconté pour l’avoir vu à C’est à vous (sur la 5) un petit clip ironique : Bernadette Chirac au salon des Antiquaires, harcelée par des journalistes : « On s’est cotisés, on a 70 euros, on peut avoir quoi ??? » répond excédée : « Quand on n’a pas les moyens on n’a rien à faire ici… »

Cette réponse m’est apparue comme l’expression même du cynisme d’un grand nombre de ceux qui nous gouvernent et qui ont les moyens, de leurs amis de la finance, de leurs amis du monde du spectacle ou du sport qui s’exilent des impôts, leur réponse à tous les autres, depuis ceux qui doivent de plus en plus compter, à ceux qui n’ont plus rien à compter….

Je le sais bien, ce n’est pas neuf !
La littérature regorge de personnages qui se gobergent pendant que d’autres souffrent de la faim, les bourgeois de Germinal engloutissent dans la clandestinité et les plaisanteries des huîtres venues à grands frais d’Ostende, pendant la grève et les émeutes de la faim. Ils se cachent non parce qu’ils ont honte mais parce qu’ils ont peur !!!
Les pécheurs de Balbec de Proust regardent la bonne société qui dîne à hôtel de l’autre côté de la baie vitrée. « Celle-ci devenait comme un immense et merveilleux aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l'ombre, s'écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans les remous d'or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges »

Mais c’est un texte de La Bruyère que je choisis ici, pour l’impression forte qu’il fit à la collégienne que j’étais, un de ces textes sombres et sobres de ce bourgeois que l’on décrit « vivant tranquille avec des amis et des livres, toujours disposé à une joie modeste, et ingénieux à la faire naître, poli dans ses manières et sage dans ses discours, craignant toute sorte d’ambition, même celle de montrer de l’esprit… »
« Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur. Il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments : ils redoutent l’hiver, ils appréhendent de vivre. L’on mange ailleurs des fruits précoces, l’on force la terre et les saisons pour fournir à sa délicatesse ; de simples bourgeois, seulement à cause qu’ils étaient riches, ont eu l’audace d’avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles…Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités ; je ne veux être, si je le puis, ni malheureux ni heureux ; je me jette et me réfugie dans la médiocrité. »
Je ne sais ce qui me trouble le plus du constat brutal du scandale de l’inégalité sociale, ou de la conclusion qu’il en tire, se réfugier dans un sort « moyen », s’il le peut…

Non bien sûr, l’inégalité sociale ce n’est pas nouveau …

Mais bête que je suis, étudiante des années 68, années du plein emploi et de la croissance économique, années familières de la pensée de Marx, j’ai cru au Progrès Social

N’était-ce qu’illusion ?


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mercredi 8 septembre 2010

Chango Spasiuk

Comment le chamamé nous fut conté à Trentels


Festival de Trentels, un samedi soir en Mai…

18h.30 : Chango Spasiuk, assisté avec charme  par la traduction compétente de sa « tourneuse » Katarina, nous parle de son Chamamé…
22h : Chango Spasiuk, accompagné de Sébastien Villalba à la guitare, de Victor Renaudeau au violon et de Marcos Villalba aux percus nous joue son Chamamé…
Soirée remarquable à tous égards, la découverte intellectuelle de ce qu’est le Chamamé, et l’impact émotionnel d’une musique envoûtante…
Michel nous ayant bien décrit sa fascinante musique, j’avais presque renoncé à joindre ma voix à ses louanges…


Et pourtant ce fut pour moi avec le récital de Pascal Contet, le moment le plus musicalement émouvant du festival….
Et voilà que la lecture du Télérama de la semaine (Télérama 3164, 1er septembre, p.22) en ravive pour moi le souvenir et le désir d’en témoigner…





Chango Spaziuk , fils d’un immigrant ukrainien et de la terre argentine :

Un homme étrange, et pourtant chaleureux, exalté, quoique plein de maîtrise musicale, une sorte de «vates», un poète inspiré, possédé du Chamamé, dont il consent à parler , pour en transmettre la tradition .


Le chamamé : nous découvrons, moi en tous cas , que c’est une musique de tradition rurale, que les paysans ont apporté dans leur exode dans les banlieues des villes argentines. « Musique métisse à Buenos Aires » (Télérama).
Musique de pauvres, de marges, de faubourg, longtemps et encore méprisée, mais puissamment vivante (alors que « sauf Piazzola, le tango est mort » Ch.Spasiuk dixit).
Protestataire, enrichie de métissages, ou d’individualité créatrice comme celle de Chango…
Un auditeur de sa petite conférence nous donne l’illustration caricaturale de la méconnaissance, pour ne pas dire du mépris dans lequel cette musique peut être tenue . Il lui demande, et lui redemande, et lui demande encore, s’ il écrit la musique, insiste sur le fait qu’on ne peut la transmettre ni l’apprendre si elle n’est pas écrite… semble ignorer la tradition orale, avec le doute plus ou moins voilé qu’il s’agisse bien de musique… je tremble qu’il ne dise que c’est donc une musique de sauvage, voire qu’il ne s’étonne quand Michel demande à Chango de signer son disque , qu’il sache écrire son nom et ne soit pas analphabète…
Cet homme est un joueur d’accordéon amateur, peut-être un stagiaire…et en le regardant , en l’entendant , j’ai presque honte d’aimer l’accordéon !!!!

La musique :

Mais après avoir « parlé » sa musique, Chango et ses musiciens la jouent ...








et sa musique chante et nous enchante littéralement……



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