Devenue par ma retraite plus divagatrice que jamais, j’ai décidé de tenir à la manière de Rousseau !!! « un journal informel de mes rêveries » sur l’école, la musique, la littérature…au fil de mes divagations quotidiennes
Depuis tant de fois que ma soupe
à la citrouille (faut dire que la citrouille, c’est un peu sucré et qu’il est
bien de la faire revenir et fondre au départ avec très peu d’eau..) que ma soupe à la citrouille
donc « a cramé [1]»... tant de fois aussi que la viande fut trop cuite…
…J’ai décidé d’adopter une autre
stratégie ..
Car la soupe à la citrouille (ou « Le velouté au
potiron » !), j’aime bien !
J’ai donc mis en train les morceaux de la citrouille pour les faire
« suer » avec seulement très
peu d’eau, et me suis installée à la table de la cuisine pour écrire , une table
en cèdre très jolie quoique toute simple ,
ramenée du Maroc, et que j’aime …
Et j’écris au son de la
citrouille qui fond, le nez en éveil…(car c’est l’un de mes atouts , le
nez !, lorsque la vue a baissé , et peut-être l’ouïe !)
Et ce faisant , je pense à ma Mérotte, qui procédait ainsi, porte
ouverte, sur le coin de la table de la
salle à manger proche de la cuisine ..
Car ,Elle, elle n’avait pas de bureau…
Le « bureau » , c’était
l’espace de mon père très aimé !
Et que de cours elle écrivit à la diable, dans l'enthousiasme, sur son cahier de préparations, que de copies s’entassèrent corrigées une à une , sur ce coin de table !
Ce qui n’empêcha pas, un certain nombre de fois, que brûle le
Pot !
Je revois ma Mérotte, une rieuse, passionnée, et coléreuse, jetant en
râlant le contenu de la poêle à la poubelle, refusant de trier le désastre, et d’écriant :
« Ah ! ma chérie !!! la cuisine , tu le vois ! Il
FAUT S’Y TENIR ! »
Il faut croire qu’elle s’y tint souvent, car, en notre maison, on mangeait bien, simple , savoureux … (et chaud le soir ! c’était son
credo !)
Et ce, malgré tout le soin qu’elle mit
toujours à s’occuper de ses chers élèves…
Ce chant, c’est celui de la clarinette
du concerto K 622 de Mozart, dont la découverte m’a durablement enchantée…
Mais pour être tout à fait honnête j’ignorais que ce chant fût inventé
par Mozart, qu’il fût en la majeur op. K 622… !
Pour moi ce fut d’abord la musique bouleversante de l’Amour et du Désert,
d’Out of Africa !
J’en restai saisie, je cherchai à l’identifier …
L’enregistrement de la musique du film n’existant pas encore, je
cherchai le concerto de Mozart et trouvai un CD de l’orchestre Jean- François Paillard
, qui me permit de l’écouter encore et encore à mon habitude ( et qui me permit
de découvrir aussi un concerto pour flûte et harpe, dont les interprètes me
semblaient connus…) .
Je ne pouvais ni ne saurais dire aujourd’hui si les
interprétations en étaient remarquables. Je ne puis qu’affirmer qu’elles
comblaient mon attente, mon désir, de
réentendre cette mélodie pour moi sublime, comme me le permit aussi l’achat du
CD enfin sorti de la bande originale du film, une très touchante musique de
John Barry…
Il en est souvent ainsi dans ma quête buissonnière des musiques découvertes
un jour au fil des rencontres , toujours d’autres musiques , d’autres
instruments , d’autres voix …se découvrent….
Par la suite ma curiosité demeurait en alerte sur cet adagio, car c’était
particulièrement l’adagio …
Et, « en suivant » Galliano, puis un jour Vincent Peirani, il
y eut Michel Portal ! Certes ni
dans Blow Up, ni dans Musiques de
Cinéma, ni dans Bailador, ni dans Thill Box, ni dans les deux concerts duos avec
Vincent où nous eûmes la chance de l’entendre en live, l’Adagio n’était de circonstance !!!…c’est sur You tube
que je découvris son amour et son tourment , son obsession même, pour le
concerto de Mozart !
Je regardai et écoutai les vidéos de travail et de réalisation, certes,
mais le récit de ses tâtonnements pour moi resta lettre morte, car, totalement immergée
dans la mélodie et l’œuvre, elle m’émeut à tel point que sa construction, sa
mise au jour par les musiciens, je ne les perçois que peu…
Ainsi un jour où dans un très sérieux groupe de travail sur l’analyse
de La mort aux trousses d’Hitchcock,
en particulier de la remarquable construction de la fuite a travers le champ de
maïs , je demandai , malgré moi , étourdie,
incongrue : « Et après qu’est-ce qui se passe ? »
Faisant rire le distingué professeur, et les autres !!!
Relisant l’autre soir Les Animaux Malades de la Peste, je pensai :
j’en détecte les somptueux agencements, le choix des mots, le rythme de l’enjambement
, j’en déduis comme si je l’entendais la force de la voix dans le phrasé du
vers …la menace policée du Lion, la douceur résignée de l’Ane …Mais tout
parfois m’échappe dans la présence et l’évidence jubilatoire de ce texte …
Ainsi en est -il de l’ adagio de Mozart dans la présence
essentiellement prenante de la clarinette de Portal.
Alors quel bonheur de découvrir que Richard G l’aimait aussi ce
concerto ,qu'il l’avait choisi …
Quelle impatience de l’écouter, les présentations des teasers ne donnant
à entendre que le Rondo à la Turque et la petite Musique de nuit…
Le CD acheté, J’ai écouté en premier le concerto, puis l’adagio !
Quel bonheur d’écoute ! je
me suis dit :
« Y a pas photo, c’est superbe ! »
Et puis ! : « Tu exagères, tu es complètement
dépourvue de recul et de sens critique quand c’est Richard qui joue…. »
Pourtant la mélodie me paraissait différente dans le chant de l’accordéon, plus profonde,
plus ample, plus grave !
Et j’ai lu ce qu’écrit R.G...( je lis toujours les livrets, « amateuse »
de mots autant que de mélodie…)
J’ai lu le choix de la partition originale, écrite pour le Cor de
Basset[1]… !
J’ai lu :…« le son de
l’accordéon « Basson in cassotto[2] »
se trouve sublimé !
C’est mon humble avis ; le
partagerez -vous ? je l’espère … »R.Galliano
Laurent Derache, nous avions rencontré sa musique il y a quelques années, en2012, avec un disque
conseillé par un ami avec qui nous échangeons parfois nos trésors de musique…
Je me souviens de cette découverte comme si c’était
hier !
« Mais j’ai d’abord écouté cette musique , je l’avoue, quand Michel
l’écoutait , -presque en boucle- avec un réel désir de
savoir, comme font parfois nos élèves , attentive, mais
l’esprit ou surtout le cœur ailleurs …Sentant bien l’intérêt de la composition
du trio(accordéon, basse, et batterie) , du son de Laurent Derache , des lignes
mélodiques …mais cela demeurait un plaisir simplement intellectuel, comme le
Jazz parfois me donne …
Et puis l’autre jour , au soir d’une des
ces journées que j’aime à appeler « calamiteuse »,
peut-être en souvenir de l’étymologie du mot , qui me suggère des « chaumes »
mouillés et couchés par une pluie insistante et lourde. De ces
journées à cumul de petits soucis, à petites déceptions en rafales, à horizon
bouché de petites brumes…Ne trouvant pas le calme du soir , j’ai cherché mon
recours habituel , la musique d’un CD…
Et j’ai rencontré Laurent Derache !
Et sa musique m’est tout d’un coup apparue
d’une présence
et d’une évidence saisissantes »
Et depuis cette musique m’accompagne ,
elle est devenue comme un certain nombre de musiques , un disque « de
chevet » …
Alors bien sûr quand on a la chance de l’écouter
en direct , on essaie de ne pas manquer le rendez-vous…
ALORS, jugez de notre plaisir en
découvrant qu’Anne-Marie avait programmé son Trioà Trentels !
Et l’intimité de cette salle très peu
éclairée, attentive à cette musique que nous attendions, j’ai retrouvée,
intactes, mes impresssions premières, et plus encore, grâce la fréquentation
familière que j’ai d’elle ..
Retrouvant ce que j’avais écrit, je ne
résiste pas au plaisir de me citer moi-même !
« J’ai pensé alors que j’avais jadis
intitulé mon post sur Life of Venus : Laurent
Derache Trio , « le pouvoir de la musique »…
C’est effectivement une musique
envoûtante, qui capte l’écoute et l’ émotion, qui joue sur les
nerfs ou la sensibilité.
D’aucuns diront, ça me prend
la tête, d’autres, -moi ! – sont captivés…
Les thèmes que Laurent introduit
sont superbes, très mélodiques, plutôt mélancoliques et lancinants...Leur
structure est une reprise « obstinée » d’un motif qui
progresse par infimes variations et décalages . Le rôle de la rythmique,
la basses de Ouriel Eller et la batterie de Martin Wangermee, scande
remarquablement cette obsession, en en soulignant les variations…
Il y a une sorte d’unité car tous
les morceaux assez longs relèvent de cette même structure, et les
thèmes se ressemblent tout en étant différents, mais toujours sur le même mode mineur,
créateur du même climat, presque une incantation lancinante ou
mélancolique.. »
Je ne résiste pas non plus au plaisir de
citer « en impressions croisées » ce qu’écrit Michel du Style de
Laurent
…(et d’emprunter ses photos comm'd'hab!) :
..."Ce n'est pas l'énergie ni l'inspiration
qui font défaut. Tout au contraire. Mais cette inspiration est ici de type
introverti. Un leader et deux compagnons qui le soutiennent sans faiblir. Un
univers de recherche exigeante et incessante. Ici aussi un monde d'obsessions.
Un univers fascinant. A chaque morceau, on a le désir de savoir où Laurent
Derache va s'aventurer. et si l'on se réfère aux photos que j'ai publiées dans
mon précédent article, on voit que sa posture est comme une signature. Chaque
morceau est comme un face à face avec ses obsessions. C'est la marque, selon
moi, de l'authenticité de son inspiration et de ses propositions.
Qu'ajouter ?
Sinon : c'était à Trentels ...C'était Laurent Derache Trio...On était bien!!!