jeudi 10 novembre 2011

Au temps des rédacs…

Des rédactions, c’est ce que nous faisions dans notre enfance, puis au collège.

C’est ce qu’on faisait encore quand je fus prof et puis formateur de prof…époque où la rédac devint « production d’écrit »…

Je ne débattrais pas de ce qu’impliquait sans doute ce changement de terminologie..

« Rédaction » gardera toujours pour moi un petit parfum d’enfance à la Colette, évoquera toujours des images de pages à écrire, de cahier Sieyès, de crayon à papier , et de stylo plume, des idées de choses à inventer ou à décrire, puis à brouillonner pour les « rédiger » ensuite, à recopier, à mettre en page…à rendre à son destinataire et juge, le prof !

Non ce qui me donne à réfléchir aujourd’hui que je consacre tant de temps persnnel à l’écriture, c’est la question de la contrainte …

Bien sûr, c’est un vieux débat : si écrire comme parler est un prolongement de la vie comme le dit Célestin Freinet , l’écriture doit être libre , choisie quant au temps qu’on y consacre, le moment qu’on choisit, et le sujet qu’on se donne…
Et si j’ai toujours considéré comme une intuition géniale, l’ idée de Freinet de faire imprimer leurs textes par les élèves pour les publier dans un journal, j’ai toujours eu la plus grande réticence à l’égard du « texte libre».
Je connaissais trop d’enfants que paralysait l’absence de sujet et d’autres (dont j’étais bien sûr) que l’absence d’échéance imposée conduisait à l’absence de texte tout court…Libre pour libre, ça veut dire libre !!!
Alors , bien sûr,d'une part  jeune prof, je ménageais une boîte à textes effectivement libres, ou des séances de lecture libre de créations personnelles, qui d’ailleurs me créèrent en classe, à l’âge de l’adolescence, des moments délicats dont je dus me tirer plus ou moins élégamment, soit par la diplomatie, soit par une « censure » qui ne s’avouait pas comme telle…

….Et j’organisai d'autre part, comme tout le monde, et comme le préconisaient les instructions officielles, des sujets et des temps de « rédaction »

Bref je me disais qu’après tout Willie enfermait Colette pour qu’elle écrive et que sinon…
J’essayais donc de rendre « productives » les contraintes ; réflexion sur les textes lus pour écrire à la manière de.., inventions, discussions et aménagements sur les sujets de rédaction, trésor d’idées collectées et dotées de copyright …

Et pour mon propre jardin d’écriture, pendant mes années d’étude, je m’enfermais donc moi-même dans les délicieuses contraintes du sujet à traiter, mais à traiter à ma manière, tout en restant dedans.
Quant à l’échéance à respecter, pour moi ce fut toujours difficile …mais productif ?Je réfléchissais et tournais mes idées dans ma tête très longtemps, trop longtemps avant de prendre la plume…, puis les reprenant, complétant, rechangeant, je finissais au dernier moment toujours, ce qui donnait à ma production une sorte de tension, d’achèvement in extremis, qui n’était pas sans angoisse et non plus sans charme…



Mais je fais maintenant l’expérience assez délicieuse de l’écriture sans contrainte .
Pas d’échéance ! Ni de sujet d’ailleurs. Parfois c’est un peu angoissant, il me semble que je n’ai plus rien à écrire, rien à raconter, et pour peu que je ne vois pas de lecteurs signalés sur le compteur du blog, j’ai le vide en tête…
Et puis viennent des idées , quelquefois plein d’idées , des titres se bousculent, je suis débordée, je les note sur un vulgaire bloc Sténo. Beaucoup resteront à l’état de titres.

Puis je finis par me décider à commencer !!!
Et là aucune échéance à respecter, je peux (Merveille du traitement de texte) polir, rapetasser, déplacer, couper, coller, changer de mot, de structure…enregistrer jusqu’ à demain, reprendre encore et encore .


Un vrai délice...
C’est un plaisir d’écriture pur, sans projet de production ciblée.

Quoique, bien sûr, demeurent inconsciemment à l’arrière plan de ma pensée des lecteurs qui pour être fondamentalement « virtuels » n’en sont pas moins réels et même parfois existants . J’écris un peu pour eux mais beaucoup pour moi, pour écrire, pour le plaisir de « boutiquer » des mots, de créer des phrases qui me plaisent, d’exprimer des émotions, mes idées de Madame Cyclopède …(ainsi m’appelaient mes très grands élèves !!!)

De l’écriture pure…

Mais parfois je me demande si cette écriture nonchalante ne se trouverait pas améliorée par quelques contraintes. Un projet de production finalisée n’aurait-il pas plus de force ? Certes chez Rousseau, ce que j’ai toujours préféré ce sont les Rêveries du promeneur solitaire qui pour ne s’adresser qu’à lui-même m’a toujours beaucoup plus concernée que La Nouvelle Héloïse ou les Confessions …mais… ?

A l’inverse, je me demande aussi comment l’école pourrait aménager à côté des situations contraintes ce type d’écriture sans échéance ni hors sujet. Le traitement de texte, on l’a…mais l’a-t-on vraiment ? Et sans contrainte obtiendrait-on ces relectures, reprises, modifications, polissages…. ?

Si souvent nous l’avons tenté….

Alors je vais faire une réponse de madame Cyclopède :
« Cela dépend : on peut le tenter, on peut aussi ne pas le tenter…. »



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