dimanche 29 mars 2015

CHIN CHIN , le nouveau CD du Spiritango Quartet




 C’est un bel objet que ce CHIN CHIN,  où le disque comme dans les CD que j’aime, s’environne de photos   astucieuses qui suggèrent jeunesse, vitalité débridée, et complicité, et d’un super livret qui peut en accompagner l’écoute…

Un   CD qui  nous offre deux chemins pour l’écouter…
Un petit chemin nonchalant, où l’on s’abandonne au plaisir d’entendre les différents sons que l’on retrouve, l’accordéon de Thomas Chedal , le violon de Fanny Gallois, le piano de Fanny Azzuro, et la contrebasse de Benoît Lévesque.
Avec les surprises de l’nterprétation, de la variété des nuances, de la subtilité des intensités…
Le choix des œuvres, qui mêle des thèmes très connus (de nous) et des œuvres que nous ne connaissons  pas ou peu, permet à la fois de découvrir et de retrouver :




Il y a du Piazzolla aux thèmes familiers : Concierto, Escualo, Tangata..et Libertango ! et du Piazzolla plus inconnu : Chin  Chin ou même Kicho (entendu  lors d’un concert par le même quartet !)


 Des œuvres de compositeurs contemporains, inconnus, ou dont nous ne connaissions que les noms, trois  originaires de la patrie du Tango : Luis Caruana, Ramiro Gallo , Andres Linetsky ; et un compositeur Belge Fredéric Devreese,  que joue par exemple Manu comté avec son groupe Soledad…

Choix divers, qui permettent  de balancer entre  le plaisir de retrouver, Escualo, Kicho, Concierto , plaisirs délicieux, et celui  de la découverte  Chin chin ,stupéfiant de force et d’émotion,  presque jamais entendu…
 De toute manière , découverte  il y a toujours , car même pour les plus familières des œuvres choisies, il y a toujours  le plaisir et la surprise  d’en découvrir   une interprétation …
Car l’interprétation voyage entre fidélité et recréation personnelle…
Libertango ,  si familier si aimé, on en connaît si bien le thème… qu’on le sent bien sûr cheminer « masqué »dans la combinatoire subtile des variations, …mais c’est l’explosion de la re-création !

Kicho, «  on connaît  ! »c’est un hommage de Piazzolla à Kicho Dia.., mais « Benoît Levesque a réécrit la cadence initiale »..
Concierto para Quinteto, avec les solos des instruments… « Thomas Chedal a réécrit le sien, Fanny Gallois ornemente et Fanny Azzuro s’inspire de la partie de guitare ! »Mathieu Picard in the livret !
Tangata, « c’est le texte écrit »…. !

Mais cela, c’est le livret qui me le dit…Mais qui est donc Mathieu Picard ?

Car le deuxième chemin que nous offre le CD pour le régal d’écoute , c’est de lire le texte du livret comme un guide ,tout  en écoutant,…
Un guide pour mon oreille imparfaite et ma culture aléatoire…
Chemin plus ardu, où le texte donne à entendre…
Chemin où le plaisir est moins immédiat, mais survient quand se mettent en place, au fur et à mesure de l’écoute ( hum ! des écoutes !!!) , les découvertes successives. Comme une sorte de « composition d‘écoutes… »

 Pour érudits et raffinés que soient les arrangements et les compositions…
 Quelqu’ époustouflante que soit la virtuosité des interprétations de chacun des musiciens  du quartet…
Jamais on ne les vit comme gratuits, jamais ils ne font obstacle au plaisir de musique …au contraire !
La musique du quartet transmet toujours une puissante émotion spontanément ressentie, ainsi qu’une force vitale débordante,  à l’instar du « forte » saisissant  de Benoît Lévesque dans Abandoneando… 
Auxquelles vient se mêler  parfois, sans les entraver en rien, en particulier grâce au livret,  le plaisir intellectuel de percevoir sinon de comprendre   la complexité,  la variété des entrelacs instrumentaux, des emprunts culturels recréés, des alchimies d’interprétation…

Eh bien donc Fanny Y Fanny,  Mathieu, Benoît  …  CHIN CHIN  !

















mercredi 18 mars 2015

Galliano et S.Luc à Eysines, Une embellie entre des nuages…


Richard Galliano, ou l’audace tranquille..! car de l’audace, il lui en a fallu pour consacrer une œuvre au musette de sa jeunesse , un hommage à Gus viseur et à Edith Piaf, à la chanson française dans ce qu’elle a de populaire et de plus mélodique, en même temps qu’il consacrait un disque « sentimental » à des enregistrements de thèmes de jazz dans un studio américain avec une formation jazzy...(avec  un livret en Anglais ! Grrr !)

De l’audace, un magnifique talent , et une énergie magique…
Artiste de la pluralité, des « contrastes » ,  ou plutôt de La Musique dans son unité …et des défis personnels sans doute !
Et c’est sans doute pour goûter en live au plaisir de ce défi-là, que nous sommes allés l’écouter  à Eyzines en ce vendredi 13….de mars.
En duo avec  Sylvain Luc,  dont  nous avions découvert la guitare  par le disque et par sa participation à la musique de Vincent Peirani et de Daniel Mille, et que nous attendions de rencontrer…

Bien sûr, Eysines n’est qu’à 250 kilomêtres de chez nous, mais ce court voyage nous a coûté plus qu’à l’accoutumée…
L’ hiver c’est l’hiver... après un printemps mensonger et délicieux de quelques jours, la pluie froide et tenace est revenue,  de celle qui colle au pare-brise et  brouille la visibilité, sous un ciel bas et lourd qui pèse…..
D’énergie, voilà que nous avons failli en manquer , avec le temps , celui des météores, celui du temps qui passe,  avec les pesanteurs de la vie,  fût-elle pour le moment préservée du regard suspicieux des dieux jaloux …
Et nous nous sommes retrouvés à Eysines , une banlieue propre, ni défavorisée, ni hostile ou inquiétante, mais inhospitalière et comme sans âme, dans l’humidité et le froid pénétrant. Nous avons fait une longue queue…comme nous en  avons l’habitude pour être bien placés …mais celle-là , peu abritée  devant les portes de la salle, grands vitrages et hall carrelé,  nous a coûté aussi…
Une salle année 60, peu chaleureuse malgré le faux espoir d’un bar ou s’alignaient quantité de verres en cristal, qui  furent enlevés sans avoir servi…
Une salle froide au double sens du terme, bien que le public soit visiblement du genre averti, à l’instar de mon voisin,  le premier arrivé, un peu âgé, qui connaissant tout des morceaux , tout de leurs auteurs, et reconnaissait des phrases de Sati et l’œuvre de Jean Sauguet…
Une salle sombre qui ne s’éclaira que pauvrement à l’entrée des musiciens …


Et ce fut le concert !




Concert étrange, presque intimiste où les deux musiciens engagent un poétique duo, et qui se regardent plus qu’ils ne nous voient…

Un poétique duo où chacun inspire à l’autre une réponse, une reprise, un développement  ou une pirouette en harmonie ou en surprise …Où chacun exprime à sa guise, avec expression , parfois expressionnisme,  son propre ressenti du thème, et nous en transmet l’émotion…
 Profonde  émotion que celle des  amants d’un jour , chanson  épurée par l’absence de mots, et la toute puissance du chant des instruments …
Je l’avais écrit à l’écoute du disque :
 "C’est le plaisir sans mélange d’écouter le « Son  Galliano », pureté de la chanson mélodique développée dans sa ligne claire, nuances délicates des intensités,  jeu des variables subtiles ou virtuoses des improvisations, … une virtuosité qui semble n’avoir pour finalité que de se faire royale simplicité…
« La technique est importante à condition d’en avoir tellement qu’elle cesse complètement exister… »P. Picasso
Et c’est un  bonheur total  qu’on pourrait comparer à celui de certains solos si ne s’y ajoutait la superbe découverte pour moi de la très belle guitare de Sylvain Luc, acoustique, vibrante,  et le plaisir des ses notes  égrenées qui dialoguent avec les notes tenues de l‘accordéon,tantôt le soutenant, tantôt au premier plan assurant la ligne mélodique, tantôt s’associant étroitement avec lui…"













Et bien sûr, la présence en direct des deux musiciens , qui créent, ou peut-être improvisent ou semblent improviser, en tout cas réinventent  une version somptueuse de la vie en rose, est un plus grand plaisir, l’impression de partager leur musique .  
Constrastes entre graves puissamment amplifiés par le soufflet, et la ligne claire pure des aigus de la mélodie déroulée par la main droite avec une simplicité virtuose...
Le choix  des œuvres, la composition du concert, ouvert avec  Paris où «  ils montèrent pour leur musique » et se refermant avec Sous le ciel de Paris  sont proches de ceux du CD .
Mention spéciale peut-être au choix de Marguerite Monnot (Paris), et des Forains de Henri Sauguet...Aux introductions raffinées et pleines de surprises, des Amants d'un jour ou de La vie en Rose, et d'autres....

Mais avec en prime le cadeau précieux  des deux solos, la modernité et l’audace du son virtuose de Sylvain Luc pour son solo, et, une petite merveille que j’aime particulièrement,  le très beau Mélodicelli de Galliano,  si rare ! , je ne l’ai écouté que dans le CD Passatori avec l’orchestre de Toscane, ou celui du Libertango à Tokyo avec l’orchestra Camerata Ducale..

Son interprétation en solo par Richard ce soir  est un moment de bonheur absolu !

Et puis après deux rappels c’est trop vite la fin, la salle se vide trop vite,  le hall est froid, trop vite vidé lui aussi…Et, comme souvent, je m’obstine et nous retournons dans la salle. Et surprise, elle est maintenant un ilôt chaleureux où bruissent encore les échos des enthousiasmes et  du son de l’accordéon et de la guitare, laissés là sur la scène, attendant leurs "maîtres" qui sont là eux aussi, détendus , après la tension du concert , s’attardant auprès des fidèles…
Sylvain Luc …puis Richard ! nous font le plaisir de quelques moments d’échange dont la dédicace des CD ne sont que le prétexte , le témoignage qu’on regardera souvent d’un signe d’amitié précieux. J’échange aussi avec Gisèle Galliano, qui est là discrète, souriante et silencieuse, regard de connivence puis poignée de main chaleureuse…
Quelques mots… beaucoup de non-dits…Difficile d’exprimer tant d’admiration, l’écrire sur ce blog, c’est tout ce que  nous  pourrons  …

Et nous voilà repartis sous les nuages, dans le froid et la nuit….

Heureusement, on peut écouter encore et encore le CD, et beaucoup d’autres que celui-là appelle …

Et « en » écrire pour essayer de capter quelque chose de la magie éphémère… !





lundi 16 mars 2015

La vie et la fiction


Je ne parlerais pas de ce professeur remarquable dont les cours m’enchantèrent jusqu’à me faire aimer Balzac, dont il était  spécialiste, et  ce roman de Balzac, dont il se peut qu’il ne soit pas si balzacien que ça, Le Lys dans la Vallée
Ce passionné de littérature,  bon vivant par ailleurs , agréable et sans prétention, affirmait souvent , au détour d’une analyse qui donnait au texte ce caractère d’évidence à quoi l’on reconnait la beauté…il disait : « La vraie vie c’est la littérature ! »
Emus, nous souriions…

Je ne reviendrais pas sur une conviction que j’ai souvent en me passionnant pour telle ou telle fiction, qu’elle nous instruit sur la vie … A l’instar de mon père,  passionné d’Histoire et qui affirmait que Les Trois mousquetaires nous en apprenaient bien plus sur le règne de Louis XIII que ses cours d’histoire…
...Qu’elle nous instruit sur la vie telle qu’elle est,  et aussi telle que nous aimerions qu’elle soit, avec des flics justiciers, des  compagnons solidaires et loyaux , et des dénouements heureux …

Non, je pense simplement à ces personnages fictifs, qui nous paraissent si présents qu’ils nous semblent capables de nous apporter appuis et solutions…
Hier soir, une de mes amies , sur Facebook mais pas seulement, confrontée à une angoisse et un problème qu’elle ne résolvait pas,m’écrivait :
«  Il nous faudrait Rétancourt »…
Rétancourt , ce personnage créé par Fred Vargas, une force de la nature, capable de dormir debout appuyée contre un mur, de résoudre tant de problèmes par la force de son calme raisonnement , sans renoncer ou s’affoler… « Un arbre , une déesse nourricière … »

Et je pensais alors à l’époque où attendant une opération des yeux , bénigne en fait, mais que je redoutais terriblement, je lisais tous les romans dont  le héros était Cadfaël, ce moine anglais du 12eme siècle , grand lecteur d’indices à l’instar de Guillaume de Baskerville, le héros du Nom de la Rose , et de surcroit apothicaire et herboriste, qui me semblait capable de résoudre tous les maux avec sa sagacité et les simples de son « herbarium »  .
La lecture des aventures m’apporta alors  un vrai réconfort …

Et ainsi ,  de manière plus surprenante ,  car dans un registre évidemment plus grave , en fut-­il aussi du Docteur Rieux auquel Camus avait donné « l’air renseigné » et le pouvoir d’adoucir par une sorte de sagesse sans illusions l’angoisse de la vie …


Oui ! Les êtres de la FICTION parce qu’ils sont créés par ces démiurges humains  que sont les vrais créateurs de fiction, qu’ils soient classés « grands auteurs » ou « auteurs mineurs »,  EXISTENT pour nous,  et pour nous aider à envisager la VIE !!!


jeudi 12 mars 2015

Mais où est donc passée la Mérotte?

C’était ce matin , nous nous étions en train de nous éveiller , dans un  tiède demi -sommeil délicieux, dans cet entre-deux  incertain entre la nuit, et le jour qui perce sa ligne de lumière au ras du volet.
 Une image m’est apparue si nette qu’on l’aurait crue réelle : c’était l’image d’une paire d’espadrilles rouges sur une serpillère grise gaufrée bordée de deux bandes rouges, abandonnées devant une porte grande ouverte sur un jardin de printemps …

C’était la porte  de la cuisine de notre ancienne maison, notre maison familiale de Dax.
Et c’étaient les espadrilles « d’intérieur » de ma mère. Elles étaient quasi neuves un peu déformées déjà, portées en « groule » pour les « faire » !!!
Ma mère les avait laissées là pour ne pas les mouiller, appelée au jardin par une urgence, suivre la trace d’un chat ou de la chienne Choupette, repérer un oiseau qui chantait , surveiller l’éclosion d’un dahlia, d’une rose ou d’une fleur de bougainvillée, où un fruit juste mûri…
Elle avait dû mettre ses sabots garés au sec de la petite logette de bois construite par mon père, des sabots de bois avec à l’intérieur  une paire -vieille !-d’espadrilles, qui avaient oublié leur couleur…
..Et laissé en plan sur la table de la salle à manger ses copies en chantier, ou ses pluches sur la table de la cuisine, parfois même un plat à mijoter sur la cuisinière …

Et elle allait rentrer  le visage éveillé par l’air du jardin, animée des nouvelles domestiques passionnantes recueillies , en mangeant une pomme ou une pèche rencontrées , les meilleures qui soient …

Dans un look incertain, son tablier sans manches enfilé sur une vieille robe de « dedans », ou sur sa robe de chambre, avec sa mise en plis impeccable et ses cheveux soignés …
Elle allait rentrer et s’encadrer à  la porte de la cuisine dans la lumière du soleil de l’est….


Elle allait rentrer….


dimanche 8 mars 2015

Le Vargas nouveau est arrivé !



Ce Vendredi 6 Mars, le nouveau roman  de Fred Vargas est paru …
Enfin  « Notre Vargas » a sorti son roman !…Notre Vargas , c’est  une connivence entre mon amie Céline et moi…Céline a été une de mes stagiaires à la fac en didactique de la langue .
Je ne sais , je l’espère , si j’ai pu lui enseigner un peu des Arcanes de l’apprentissage de la lecture, des  secrets didactiques ou pédagogiques de l’écriture,  et des mystères de l’enseignement de l’orthographe et de la grammaire…
Mais toujours est-t-il que j’ai souvent pensé qu’en matière de romans elle en connaissait  peut-être plus que moi… !
Et c’est à elle que je dois d’avoir rencontré un jour l’univers fascinant de Fred Vargas, que je ne connaissais pas alors, et dont elle me confia pour me convertir deux de ses romans de chevet…et j’ai à mon tour converti ma fille Nadja ...
Souvent quand nous nous retrouvons avec Céline nous prenons de réciproques nouvelles des parutions de notre auteur…et nous nous sommes un peu inquiétées ces temps -ci que le dernier petit fût long à venir…Il n’y pas que les auteurs qui s’inquiètent du syndrome de la page blanche…. !
Bref, croisant dans Télérama l’annonce de l’interview de Fred Vargas à la Grande Librairie à « l’occasion de la parution de « son dernier opus » != son nouveau roman quoi ! j’ai loupé Section de recherche pour entendre notre Fred, dont  j’avais déjà manqué une conférence  lors de sa venue à Pau…
Eh bien, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne nous l’a pas très bien vendu « son opus » en tout cas qu’elle ne ME  l’a pas très bien vendu … Bien sûr peu importe , je l’ai acheté aussitôt, sûre qu’il serait Vargas pur plaisir…
Et ce ne sont pas les questions de François Busnel qui ont pu l’y aider …en lui conseillant d’être elle-même, il n’a fait qu’accroître une sorte d’ embarras qu’elle manifestait.
 Je crois que ce qu’elle cherchait à faire,   ce n’était pas  parler de ce roman,  mais c’était plutôt évoquer  son écriture, comme un roman métaphorique de sa création difficile , où les idées se dérobaient d’abord ,  puis survenaient et s’imposaient tyranniquement, comme  indépendamment d’elle, comme malgré elle , où les mots filaient bon train devant elle,  construisant à leur guise des épisodes ou des séquences imprévues, et faisaient surgir en free-lance une vie foisonnante qu’elle devait maîtriser à grand peine .
Au fond à mesure qu’elle parlait elle me donnait l’impression de s’engager et d’égarer dans des entrelacs de chemins  incertains comme ceux dont parle Heidegger, « ces chemins de forêt qui ne mènent nulle part »
Bien sûr ces chemins difficiles d’écriture,  sans doute pouvaient-ils être intéressants,  ou fascinants …Un peu comme un roman du roman…
Mais moi ce n’était pas ce que j’aurais voulu savoir , j’aurais aimé savoir pourquoi elle avait créé Adamsberg, l’avait doté de cette étrange intuition nébuleuse et clairvoyante , de ce caractère tendre, sensible,  et infidèle, et aussi  les personnages en contraste de son équipe, pourquoi  finalement elle s’était attachée à lui et eux  exclusivement ,en abandonnant ses premières « créatures ».
Ou d’où elle tirait cette érudition qui semblait à base quasi scientifique mais basculait dans le fantastique… d’où aussi tous ces personnages secondaires hyper réalistes d’apparence, qui semblent «  si vrais qu’on n’a pas pu les inventer » (Diderot) ,mais en même temps  mi poétiques ou bizarres , étranges… et ces jeux verbaux auxquels ils se livrent…
Bref ce qui m’attache à la lecture de ses romans …

J’ai eu l’impression de revivre en l’écoutant mon passé d’étudiante de lettres : je détestais lire les biographies de auteurs et les analyses de  leurs œuvres. Bien sûr je les lisais, programme obligeait, et je dois reconnaître que certaines fois j’y ai trouvé les clés d’un supplément de lectures possibles, je pense à la mise en scène de Phèdre par Jean Louis Barrault,  les notes de lecture de Charmes par Alain, l’analyse des systèmes de personnages par Henri Mitterrand….et finalement un certain  nombre d’autres ….
Mais ce que j’aimais essentiellement, ce qui  m’inclinait à penser que lire le reste(le para texte disait-on !) me faisait perdre mon temps, c’était lire les œuvres, et parler de cette lecture, voire la partager…
C’est pourquoi  jeudi soir j’ai beaucoup aimé ce que Jérôme Ferrari a dit de son roman Le principe, la présentation de son projet avec concision et une évidente clarté…
J’ai beaucoup aimé aussi la  présentation que Jean -Luc Seigle a fait de son livre «  J’écris dans le noir », la mise en roman de  l’aventure terrible de Pauline Dubuisson !

Et pourtant  cet intérêt effectif, purement intellectuel pour leur démarche ,  ou culturel , sociologique ou moral, pour leurs contenus ,  même l’émotion affective suscitée  en  ce qui concerne ce dernier , n’a pas  éveillé  en moi le moindre désir de lire les œuvres  elles-mêmes.
Et paradoxalement, je n’irai lire ni l’un ni l’autre …

Mais j’ai couru acheter Temps Glaciaires et m’y suis plongée dès hier au soir …
Et la magie Vargas a recommencé….
Après tout, c’est une alchimie, qu’apporterait d’en connaître les principes ? Qu’apporterait ce que l’auteur a voulu dire ?  Après tout comme elle l’a laissé entendre,  le livre l’a quittée, et c’est donc à nous maintenant qu’il appartient !

Et en retrouvant  Adamsberg , perdu dans ses pelletées de nuages , d’où surgit tout à coup l’idée, j’ai repensé aux réponses brumeuses de Fred Vargas ,perdue dans ses sentiers sans issues, à un regard tout à coup lumineux , qu’elle a eu en s’intéressant aux autres , et à Pauline Dubuisson  en particulier : «A-t-elle tiré un ou plusieurs coups… ….?»et expliquant avec une clarté soudaine  son hypothèse, j’ai pensé tout à coup,qu’ elle aurait pu dire comme Flaubert pour son Emma…

« Adamsberg , c’est moi ! »




mardi 3 mars 2015

DALTIN TRIO à Toulouse.... d'une soirée à l'autre....




"ALCHIMIE"....

A Toulouse, Espace Croix- Baragnon, il y a une salle dont le  joli nom, La Salle Bleue, a des airs de jazz et de Note bleue…
Il y est habituel   ou en tout cas fréquent, que les concerts s’y programment pour deux soirées successives.
Et souvent nous en profitons pour redoubler le plaisir de ces concerts. Car le même concert n’est jamais tout à fait le même, ni tout à fait autre…et le redoublement offre  à la fois le plaisir de l’attente et celui de la  différence …

Jeudi et vendredi soir y était programmé Gregory Daltin trio…

Nous connaissons un peu ce trio, l’ayant écouté à plusieurs reprises à Toulouse et à Tulle , et nous assistons à son évolution qui ne résulte pas seulement des différences de contexte…
Et plus encore que d’habitude  nous avons profité de cette double écoute à la Salle Bleue pour  raison de différence remarquable :
Le premier soir nous étions heureux de retrouver le jeu connu et chaleureusement imbriqué de l’accordéon de Gregory Daltin, de la contrebasse de Julien Duthu et des percussions de Sébastien Gisbert.

Plaisirs …
Retrouver le son de Grégory Daltin, nuances et légèreté de sa virtuosité, variété de sa maîtrise à passer de l’accordéon au bandonéon, classique pour le tango, et joliment surprenant sur le reggae, ou à l’accordina, pour un fil mélodique délicat…
Retrouver la contrebasse de Julien Duthu, qui offre avec profondeur la  couleur riche et sombre sur laquelle se détache l’accordéon , ou parfois esquisse, toujours dans le grave, la ligne mélodique du thème…
Retrouver les percussions de Sébastien Gisbert, la richesse et la variété des instruments, des nuances interprétatives, des colorations  choisies pour les thèmes, une grande virtuosité complexe mais sans  esbroufe …
Quant aux thèmes , pour certains que l’on aimait, c’était le plaisir d’en écouter  une interprétaion nouvelle , par exemple en ce qui me concerne,  Beija flor que j’adore, mais encore , Rimes  de Nougaro et Aldo Romano, ou   Historia de un Amor. Pour d’autres c’était la redécouverte, la Valse de Gregory Daltin, la fantaisie du Tango de l’autruche ou Le temps s’arrête de Julien Duthu que j’aime encore plus, le  Reggae de Sebastien Gisbert,  ou des découvertes,  reprise inspirée de  Alfonsina del mar , et  de belles créations de Grégory  et dont je ne me rappelle pas le nom…

Bref une soirée pleine de  plaisirs musicaux délicats et agréables …

Mais , Il me semblait que ces beaux moments mélodieux  trop courts, étaient comme les pièces d’un puzzle  qui ne s’ajustaient pas et je ne retrouvais pas l’unité de l’ensemble, le fil conducteur de cette « Alchimie »
Evidemment je n’ai pas de vraie culture jazz, évidemment je suis à jamais esclave de la mélodie « qui chante », j’aime  quand elle se perd, éclate un moment librement, mais il faut que je la retrouve, j’ai besoin comme en littératrure, que la structure d’ensemble de l’œuvre me soit perceptible , que la construction des interventions des musiciens fasse apparaître , disparaitre , et réapparaitre le thème conducteur… trop libre pour moi , trop « free », c’est « gratuit » ! beau certes,d’une certaine manière, mais sans émotion…
Bref, j’attribuais à ma perception personnelle un certain manque d’émotion…

Et puis les jours se suivent…
Le lendemain, dès le premier thème,  le magique Beija flor, nous avons compris que ce concert , le même, serait pourtant différent.
Etait-ce notre changement d’angle, nous avions changé de côté, les trois musiciens  nous sont d’emblée apparus comme étroitement solidaires, dans des compositions où la musique circulait de l’un à l’autre,  et s’épanouissait en des chorus qui participaient étroitement à l’économie d’ensemble…
En fait ce sont eux, les musiciens, qui s’étaient placés différemment et construisaient différemment de l’un à l’autre, avec Gregory  comme centre, une vraie communication musicale…ET circulait entre eux et avec nous, une énergie dont chaque œuvre retirait force et émotion…
Bref ils avaient retravaillé, repensé leur «  alchimie » et elle fonctionnait remarquablement…

Je suis incapable, vu mon savoir en musique et en composition musicale de dire comment et pourquoi, mais cette fois il y  eut les thèmes aimés ou découverts, les sons appréciés, les interventions entrelacées … ET  l’émotion fut  au rendez vous…
 Pour mémoire , le beau prologue de Grégory au bandonéon, remarquable , où la mélodie avance comme cachée dans les fils précieux et multiples d’une impro ,  puis peu à peu se révèle avec l’entrée des deux autres instruments « ,une historia de un amor »,  ce moment  me paraît  symboliser la charge émotionnelle  de toute la  soirée …


 Comme quoi, « redoubler »  un concert, pratique qui souvent amuse, intrigue, et étonne les amis et…les  billetteries( !), est une expérience souvent pleine de richesse, et dans le cas de ces deux soirées, spectaculaire…

Une  de nos amies musiciennes m’a dit un jour : « encore, encore ,vous allez écouter R…. ? Vous n’avez pas peur de l’user ? »
Et non, il en est de certaines œuvres, comme de certains livres ou poèmes de notre vie, on n’en  épuise jamais la teneur .
Pour certaines , c’est  la multiplicité des écoutes qui est nécessaire pour  en ouvrir l’accès ….

C’est aussi  un des grands plaisirs de suivre certains musiciens  et certains groupes  dans leur cheminement de musique, comme certains auteurs dans la création de leurs livres…

Bienfaisants ceux qui ne nous lassent pas…