jeudi 28 mars 2019

Thomas LELEU et le "soleil" du tuba,



Une écoute très subjective

Bajo el sol de la tuba
Pasa la feria
Federico Garcia Lorca

Je ne sais pourquoi j’ai toujours aimé le son du Tuba
…Toujours le son du piano, mais comme un rêve par moi inaccessible (j’en jouai… mal !)
…Un jour l’accordéon , découvert avec Michel, pour des chemins buissonniers heureux à deux , vers des sons et des œuvres inventifs ..
…Mais toujours  au fil de rencontres musicales,  j’ai été surprise et fascinée par le tuba .
Peut-être un goût profondément ancré en moi par l’enfance lointaine, la Fête qui enchantait mes étés d’alors,  et ses bandas… parfois nos bandas…

Un petit groupe modeste et inspiré, rencontré lors de nos explorations des musiciens  d’accordéon, au joli nom de Troublamours , et d’ailleurs perdu de vue à notre grand regret , me rappela ce goût , par le talent de son tubiste, aussi discret que de nous apprécié …

Et puis je lus par hasard, à la recherche d’une langue très peu connue de moi, mais que je rêvais d’approcher, Ferias de Federico Garcia Lorca, et l’image de « la » tuba illuminant la feria de son « soleil » m’a frappée par l’évidence de sa métaphore …
Surtout que- hasard objectif !- nous venions de rencontrer le talent et le  son de Thomas Leleu !
Les rencontres naissent presque toujours du croisement  d’autres rencontres : Galliano, notre musicien d’élection, toujours curieux des sons et des talents, composait  pour le tuba d’un certain Thomas Leleu. Victoires doubles de la Musique ! –j’ai écouté jusqu’au bout la longue cérémonie de remises,  et surtout, acheté le disque de Thomas .
Puis,  un concert de poche près de chez nous avec justement ce Thomas Leleu !
Et rencontre timide er enthousiaste de notre part, et simple  chaleureuse de la part.de Thomas …

Et Stories …. !


Et L’émission fauteuils d’orchestre du 25 janvier :fauteuils d'orchestre

Et…l’album sorti cette année , des « histoires » de rencontres , histoires de mélodies , histoire de notre rencontre avec un son, histoire d’une  rencontre avec un passionné convaincu…

Ce que j’en aime, c’est d’abord la composition de ce trio particulier : Tuba, piano de Kim Barbier, xylophone de Kai Strobel ; la simplicité limpide de leur orchestration permet d’apprécier à la fois pleinement chacun des trois instruments et la conception raffinée  de leur rencontre (Laurent Elbaz) ?:
 Le son « continu » du tuba est le lien  d’une mélodie à l’autre : aussi suave et mélodieux que puissant. Brillant  en solo de notes  virtuoses , il assure la ligne mélodique d’ensemble dans la diversité des morceaux et des timbres ; j’aime  ses graves profonds avec parfois comme une touche  humour festif,  et la richesse extraordinaire de ses nuances : son  agilité légère et superbe dans l’aigu, sa profondeur émouvante et sa rondeur mélodique dans les graves …
Bien loin des stridences du tuba des bandas !!!mais tout aussi « solaire » !
 Les notes pures,  égrenées, du vibraphone ressortent sur sa continuité et la font ressortir.
Le piano, très présent, rythme et inscrit une sorte de profondeur à l’arrière plan des autres.

 Quant aux morceaux, on pense en en  lisant l’annonce,  à une ballade dans des thèmes divers choisis par Thomas, où puisse se jouer son tuba, des thèmes qu’il aime, que leurs compositeurs soient du Brésil ou d’Argentine (Tom Jobim) , ou inspirés par ces pays de rythmes et de mélodies (Gardel), de son pays d’adoption (Kurt Weill, Johannes Brahms) ou de son propre pays (Erik Satie, Kosma , Georges Moustaki, Michel Legrand) ou qu’il s’agisse de créations personnelles que leur titre inscrit dans un imaginaire personnel et/ou cosmopolite, rues de Londres, bar de Rio, Latinité  :  réunissant des créations de son pays d’adoption,  de son Pays et d’autres encore, parce qu’il les aime ; et dont ’ailleurs nous partageons le choix avec bonheur  : Tom jobim , Kurt Weill nous  les avons  rencontrés avec émotion sur nos routes de musique, Kosma , Moustaki et Barbara appellent pour notre émotion des échos multiples et poétiques : voix de Barbara , mots de Prévert , partages avec des musiciens, ou même des élèves d’autrefois…Délices choisis de Michel Legrand où les trois lignes sonores s’entremêlent avec une subtilité remarquable ..je pense en particulier au duo du piano et du tuba dans "You must believe in spring"….

Mais  en fait  on peut penser fort subjectivement à l’écoute que cette flânerie de thème en thème est aussi joliment organisée comme une «  histoire » ! 
Une entrée introductive  présente le beau thème de Stories de Thomas, le final  de Stories le reprend avec l’ensemble  les trois instruments et une  coloration différente !
Le second morceau, de Tom Jobim, annonce l’humeur d’ensemble,  le refus de la mélancolie ou plutôt de sa forme subtile  qu’est, je crois, la Saudade qui mêle plaisir et jouissance à la tristesse et la nostalgie…
…Mais elle demeure en filigrane Triste de Jobim, Por una Cabeza…La complainte de Mackie, Les feuilles mortes , Les parapluies de Cherbourg
…Avant de se dissoudre dans la « lumière de Berlin », dans la foi du printemps « You must believe in Spring » dans la voix chaleureuse qui le long d’ Halton Road chante l’amour …

Le nouveau thème de l’histoire a de vives couleurs : Stories clôture l’œuvre en jouant  en chœur  le final !!!

 Puisse l’écoute réitérée des Stories de Thomas nous donner encore et encore, et  nonobstant  la mélancolie, fût-elle mélodieuse comme un tango ! ,  la foi en l’arrivée du Printemps !!!!





lundi 4 mars 2019

Des choses de la vie...


Je suis allée la voir …
Il faisait beau comme un matin de printemps , déjà !
Mars ainsi nous réserve des embellies d’hiver , l’illusion du retour précoce de la lumière et de la tièdeur, qu’on savoure pleinement en sachant leur précarité…
La route est sinueuse quand on franchit le coteau,elle domine les collines de Chalosse et au lointain, la forêt . Mais bien sûr, si je sentais la présence de ce paysage je ne le regardais guère,concentrée  que j’étais sur la conduite dans les tournants , et par l’angoisse de ce que j’allais trouver…

Elle n’a pas ouvert, je suis entrée avec ma clé , elle m’a accueillie , les yeux un peu vagues d’abord , puis un air de surprise intense , et de contentement , et une formule d’accueil très polie,  presque un peu incongrue dans le contexte…

Plus tard dans l’après midi, je suis repartie pour arriver chez nous avant la nuit, le soleil dorait le paysage.. 
Toute la route,j’ai écouté Thomas Leleu , son tuba puissant et subtilement mélodieux .

 Je me disais :
« Ah  Kurt Weill , quel bonheur !on l’a tant écouté avec le duo Coscia Trovesi,  mais comme le tuba lui apporte encore une couleur  nouvelle…
Les feuilles mortes ?perplexité : encore ! mais oui !encore encore…un son nouveau une émotion  nouvelle, par la gravité du son continu et mélodieux…
Il y a aussi les créations de Thomas à écouter particulièrement …

Quand je suis arrivée chez nous , le prunier avait sous la journée de soleil ,épanoui sa blancheur…



Michel m’attendait …

Et le  regard du chien…


Et le Molière de Mnouchkine qui était arrivé …




Choses de la vie , petits bonheurs



Une journée particulière …Ou ordinaire ?...


vendredi 1 mars 2019

PIAZZOLLA-PIAF : William Sabatier et Quatuor Terpsycordes



Impressions et connotations personnelles



J’ai déjà dit notre admiration pour William Sabatier, notre rencontre à Tulle en live  avec sa musique,  rencontre riche à la fois d’une émotion musicale  puissante et d’un   intérêt  culturel passionnant…,

Aussi à l’annonce de son CD qui comporte les mêmes interprètes, et   le même  programme, en particulier, Piazzolla « Five tango sensations » et  Piaf, «  les Hommes de Piaf », nous avons tout de suite décidé de le commander.
J’aime Piazzolla et  le Five Tango Sensations. Nous l’avons écouté encore et encore par différents interprètes , dont le mythique Kronos Quartet…
je suis fascinée par les titres des cinq mouvements, par la tristesse tragique de tous ces moments



Mais c’est  la création «  les «  homme de piaf »qui a mobilisé plus particulièrement
 mon attention, par une impression saisissante, parce que complexe / ambigüe d’une familiarité véritable, ancienne et personnelle avec cette musique ,  à laquelle se mêle un sentiment non moins évident d’étrangeté…
Et c’est cette impression première qui m’a entrainée  à une réécoute réitérée–  qui m’est certes coutumière !!!- mais qui  cette fois est encore plus « ostinata »que d’habitude !
Des titres à demi énigmatiques ou simplement allusifs : citations quasi exactes« Allez dansez Milord ! »ou retravaillés «  dans les pas du légionnaire » ,et « depuis  le coin de la rue là-bas » ou seulement suggestifs : « L’homme qu’elle aimait » laissant un espace  à ceux qui écoutent »Amateurs in Musica » , pour retrouver la chanson, ou les chansons ,  reconnaître le thème musical…et profiter de son interprétation de sa différence…
En écoutant on reconnait des phrases musicales  réinterprétées,  en même temps que  surgissent comme des flashes dans la mémoire des fragments de paroles  « il portait des culottes  … « la fille de joie est belle  »… « son accordéoniste, il ne reviendra pas » , «q quand …il me prend dans ses bras », « Mais vous pleurez Milord, ça, je ne l’aurais jamais cru »
Les phrases s’enlacent à d’autres ; on entend la musique qui se reconstruit dans notre tête d’un air  l’autre, différente, « pas tout à fait la même, pas tout à fait une autre », des instruments qui s’accordent et se répondent et le bandonéon  de W.Sabatier, la perfection d’un son à la fois mélodique , puissant et nuancé…
Des histoires, qui, au fil de la musique, renaissent en nous  en se  reconstruisant …
Car il s’agit bien de reconstruction « dramatique » aux deux sens du mot «  une tension d’histoire »  avec une situation initiale et un dénouement , que semble suggérer la composition et l’orchestration musicales des morceaux .
De la situation initiale, la rencontre de l’amour-passion, le visage de l’amour, multiple, au dénouement, tragique, toujours ..
Des exemples  remarquables comme « Au coin de la rue Là-bas » : mélodie harmonieuse sentimentale en début, tension progressive , accélération croissante , tristesse, destin : Il ne reviendra pas
Ou « mon  légionnaire »atmosphère initiale,  mélodie, tendre et lyrique, écrasante tristesse in fine..

 Donc  « dramatiques » aussi, au sens second du mot, ces dénouements, qui  sont toujours perçus comme tragiques, par des tonalités sombres et une scansion tragique de destin qui frappe l’amour  et le bonheur.
Et en cela la parenté de ton avec Piazzolla m’apparaît tout à coup flagrante, s’impose comme une évidence…les thèmes si  remarquablement marqués du style Piazzolla, infiniment mélodiques,  du chant triste et rythmé du tango ,et la gravité tragique qui me semble toujours les sous tendre de sa résonnance …

L’hymne à l’amour de Piaf et le Tango Porteno selon Piazzolla peuvent avoir parfois les mêmes couleurs…

Merci à William de les avoir pour nous si magnifiquement rapprochés pour les faire chanter …