lundi 17 février 2014

Du côté des petites filles ....

Quarante ans après….

Quelqu’un  (je crois bien que c’était Héraclite …) a dit qu’ « on ne se baigne jamais dans le même fleuve … »
Jusque là je l’interprétais ,et ne trouvais l’affirmation que « trop » vraie  en matière de bonheurs , que l’on ne peut en retrouver à l’identique dans le cours du temps qui coule…

Mais aujourd’hui je suis souvent frappée par la stagnation des conceptions qu’elles soient sociologiques, pédagogiques ou morales…
J’évite de penser, ça fait un peu « vieux cons » !, on l’avait déjà pensé, discuté... Ce combat on  l’avait déjà mené , il y a vingt ans ...Cette théorie, on en avait déjà débattu, y a un bout...Célestin Freinet avait déjà écrit et pratiqué cela en pédagogie, et d’ailleurs Rousseau avant lui…

Stagnation …passe encore que le fleuve se calme et s’égare dans de petits bassins stagnants où l’eau est plus tiède …
Mais maintenant nous voilà « A Rebours » !

On revient se baigner en amont …
Une certaine tristesse des ans m’avait déjà parfois effleurée, le sentiment qu’il n’y avait guère de progrès, à l’instar de l’émotion de ma mère quand les SDF, voire les mendiants, sont réapparus dans  nos villes : « Jamais, jamais, je n’aurais cru qu’on reverrait ça disait-elle ! » la voix navrée, sa foi dans les progrès de l’humanité battue  en brèche… 
Mais je raisonnais , je me disais : « Quand même la situation des femmes au moins, a progressé…je pensais aux jeunes pères qui changent leurs petits et les promènent dans leurs poussettes…même si la répartition des tâches et des rôles sociaux  n’est peut-être pas encore bien  satisfaisante,  je pensais surtout  à la contraception qui fut un combat difficile pour notre génération,  qui impliquait aussi la possibilité de poursuivre des études et mener une carrière, je pensais à l’avortement, et aux trafics que sa législation avait fait disparaître … »
Il y a des acquis, plus de crèches, plus de nounous qu’il y en eut pour nous…
Il y a des équipes de foot et de rugby féminines,  alors que nous dûmes courir notre ville pour que notre fille puisse trouver  un club de filles, ou au moins acceptant celles-ci. En vain , avant de trouver (nous, athées et laïcards !) une équipe de patronage fort sympa et dynamique dans un village alentour…
Il y a aujourd’hui  de belles équipes de filles qui gagnent !
Il est vrai qu’elles n’ont pas de spectateurs !

 Et puis voilà que l’Espagne,  la courageuse d’après Franco, et  voilà aussi qu’un nombre non négligeable de Français , mettent  en cause l’avortement !
Et voilà que, comme monstre du Lochness,  réapparaît la « théorie » des Genres …qu’on « enseignerait » ! Vrai épouvantail à moineaux que cette « théorie »,  dont la pompeuse étiquette a pour fonction de servir simplement d’étendard au rassemblement des réactionnaires de tous poils. Théorie, ça fait technique, ça fait philosophique, ça fait danger.. !
J’ai eu l’impression pénible d’un triste retour du passé avec un habillage moderne technique et savant de la querelle nature / culture …l’acquis / l’inné, du genre génétiquement déterminé, contre le  genre construit par  l’Histoire dans  la société, entre culture féminine socialement construite et Eternel Féminin !

Du côté des petites filles

Et pour lutter contre cette tristesse insidieuse et désabusée, j’ai eu envie de retrouver (ce que Michel a fait pour nous) un livre fort réjouissant de notre toute jeunesse…
Edité par les Editions des Femmes, écrit par Elena Gianini Belotti... A l’éternelle question de l’ Eternel Féminin, Elena répondait, entre autre réponses ,n relisant les contes de fées , et en esquissant d’un crayon ironique,  l’image des jeunes filles que ces contes si réputés éducatifs offraient à l’imaginaire de nos chers petits !  
Puisse ce texte réjouissant vous réjouir comme il a réussit à me réjouir et  à balayer pour un temps  , mon humeur chagrine et désabusée :
 «  Le petit chaperon est  l’histoire d’une fillette à la limite de la débilité mentale ,qui est envoyée par une mère irresponsable à travers des bois profonds infestée de loups pour apporter à sa grand-mère malade de petits paniers bourrés de galettes. Avec de telles déterminations , sa fin ne surprend  guère […]
Blanche Neige est une autre petite oie blanche qui accepte la première pomme venue, alors qu’on l’avait sévèrement mise en garde de ne se fier à personne. Lorsque les sept nains acceptent de lui donner l’hospitalité, les rôles se remettent en place : eux iront travailler, elle tiendra pour eux la maison, reprisera, balaiera, cuisinera en attendant leur retour […]
Elle réussit toujours à se mettre dans des situations impossibles, et pour l’en tirer, comme toujours, il faut l’intervention d’un homme, le Prince Charmant, qui l’épousera, fatalement. »
Analyses un poil caricaturales, analyses qui ignorent celles de Bettelheim ou en font fi, analyses triviales et  totalement « apoétiques », mais qui personnellement me réjouissent fort. Il  faut l’ avouer ,  je n’ai jamais aimé les contes de fée. Petite fille indigne, je leur préférais sans états d’âme  les versions de Walt Disney, et  prof indigne de littérature , puis, qui plus est, formatrice de maîtres de maternelle, je persistai dans cette préférence blasphématoire …


L’éternel féminin :

J’y ajouterais d’ailleurs à mon tour, une  petite note personnelle : les deux héroïnes que je détestais entre toutes :
La petite Sirène d’Andersen, son sacrifice terrible et tragiquement inutile…
Et quoique ce ne fût pas une fille , « mais… qu’elle était jolie ! la petite chèvre de Monsieur Seguin » ! Inconséquente certes, mais voulant la liberté, et sans doute l’amour du loup, désobéissante certes, mais si cruellement punie, abandonnée toute la nuit à son combat inutile par son Monsieur Seguin qui entendait  ses appels …
Quelle terrible image à donner aux fillettes pour leur édification !

MORALITÉ du petit chaperon rouge (PERRAULT)
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
Je dis le Loup, car tous les Loups
Ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d’une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes Demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
De tous les Loups sont les plus dangereux.


 Merci toutefois à Messieurs  Grimm, d’ avoir fabriqué à ce conte un happy end (grâce au mâle chasseur ,il est vrai !) et même un second, où la finesse du Chaperon la tire seule d’affaire , tant il est vrai que même une petite fille peut apprendre à se défendre elle-même... !!!

« Tous les trois étaient bien contents : le chasseur prit la peau du loup et rentra chez
lui ; la grand-mère mangea la galette et but le vin que le Petit Chaperon rouge lui
avait apportés, se retrouvant bientôt à son aise. Mais pour ce qui est du Petit
Chaperon elle se jura : “ Jamais plus de ta vie tu ne quitteras le chemin pour courir
dans les bois, quand ta mère te l’a défendu. ”

Mais les  Grimm  étaient issus d’un siècle de lumières, qui crut au pouvoir de l’éducation, et aux progrès…en particulier du statut des femmes …



Puisse notre siècle s’en souvenir et ne pas être, quarante après, plus rétrograde que les lectrices de Elena Gianini  Belotti !!!!




dimanche 2 février 2014

Peut-on y croire , à la Chandeleur?


Presque chaque année on y croit, à la Chandeleur!
Après la clarté  dans la nuit du sapin de Noël, on traverse le mois de janvier, les yeux fixés sur ces petites minutes de jour qui allongent, saut de puce après saut de puce, les chiches lumières du mois de Janus, on y croit, à  la flamme ténue, résistante aux bourrasques, et  que le vent ne réussit pas à souffler, de la  petite chandelle de la chandeleur…

J’ai retrouvé le texte que j’avais écrit sur ce que j’appellerai:
L’illusion de la Chandeleur selon mon père




Quand j’étais enfant, si une fête comptait dans l’imaginaire païen de mon père, autant que Noël, et plus que l’Epiphanie, c’était la Chandeleur.
Je ne sais pourquoi, cette fête marquait pour lui la fin de l’hiver, l’espoir superstitieux que si on l’atteignait, une fois dépassé, ce jour marquait le terme des dangers liés au froid, au déclin de la lumière, aux maladies associées, catarrhes, pneumonies, bronchites, dont il faut bien le dire, on mourrait fréquemment à l’époque de son enfance.


La fin de l'hiver, l'espoir superstitieux....
Chaque année donc on marquait scrupuleusement le 2 février. Ma mère tournait les crêpes dont la pâte avait reposé une demi-journée dans un grand saladier de verre jaune doré…
Ma grande mère même, en faisant sauter la première crêpe de la main droite, y jetait une piécette de sa main gauche et envoyait le tout sur le buffet de la cuisine pour une année.
Plus tard quand la fatigue des années rendit ma mère plus paresseuse, elle achetait la pâte chez le boulanger dans des bouteilles de verre vert à long col.
Puis plus tard encore vint le temps de la grosse crêpe unique dont la pâte simplement tournée à la main dans un petit saladier était versée sur des tranches de pomme coupées fin et caramélisées à la poêle. La difficulté était de la retourner proprement pour qu’elle dore des deux côtés ; le délice était la mince couche de sucre glace dont on la saupoudrait, et l’odeur de pommes cuites et de pâte associée qui fumait dans la cuisine
Puis vint le temps des amours mortes : ma mère disparue, les enfants partis, mon père achetait encore chez son boulanger des crêpes toutes faites au fort parfum de fleur d’oranger et les mettait à tiédir dans une assiette posée sur une casserolée d’eau bouillante… (au four elles se dessécheraient disait-il), jusqu’au jour de sa mort qui survint par surprise une froide fin de février, à « Chandeleur dépassée » .

..qui survint par surprise une froide fin de février...

Quelle que soit la signification véridique du mot, et le sens religieux de la fête, pour moi la Chandeleur restera indélébilement associée, à l’image prégnante d’une chandelle allumée résistant aux souffles de l’hiver et marquant le triomphe de la lumière qui revient , se mêlant dans mon âme au parfum de la pâte chaude qui brunit au bord de la poêle, des pommes caramélisées, de la fleur d’oranger,et des crêpes partagées dans la chaleur du soir.

Cette année encore , pluies, inondations, vagues déferlant sur notre côte landaise (et basque) pluies quotidiennes et si froides qu'on se dit la neige!, la neige est là! ...
ET voilà, cet après midi,  qu'un petit rayon de soleil s'est glissé entre de beaux nuages devenus et brillants clairs  ...

Alors on va encore y croire à la chandeleur!!!!