dimanche 31 mars 2013

AUBADE pour un jour de Pâques un peu moins froid...


Bien froid reste le petit vent qui  souffle "les nuages qui passent"... et fait surgir un pâle soleil, 
qu'il faut absolument honorer avant qu'il ne se barre!!!
pour l'honorer...


Une petite chanson d'Apollinaire 
"chantée à Laetare l’an passé"





C’est le printemps viens –t’en Pâquette
Te promener au bois joli
Les poules dans la cour caquètent
L’aube au ciel fait de roses plis




L’amour chemine à ta conquête


Mars et Vénus sont revenus
Ils s’embrassent à bouches folles
Devant des sites ingénus
Où sous les roses qui feuillolent
De beaux dieux roses dansent nus


Viens ma tendresse est la régente
De la floraison qui paraît
La nature est belle et touchante
Pan sifflote dans la forêt
Les grenouilles humides chantent


















Apollinaire,  dans La chanson du Mal-aimé

lundi 18 mars 2013

Nos Quatre Saisons... de Galliano .




Depuis plusieurs années , il s’est trouvé que nous sommes allés écouter Richard Galliano  en janvier- février .
 Il y longtemps maintenant, c’était au New Morning pour la sortie de Luz Negra. Rue des Petites écuries sombre et gelée , découverte au bout du froid du New Morning et de Tangaria.
 Souvent nous  profitons d’un voyage d’hiver de Richard Galliano dans notre sud – sud-ouest. 
Il y a eu la Halle aux grains à Toulouse en janvier. L’année dernière c’était avec Bireli Lagrène  et Didier Lockwood le 4 février à Colomiers, cette année, après l’automne à Arcachon, nous sommes allés à Carmaux, la semaine dernière, pour l’écouter dans son concert « Hommage à Nino Rota »
Dans nos pays, somme toute cléments  de réputation, nous sommes justement tombés sur les périodes de froidure !
Il résulte de ces conditions climatiques une atmosphère particulière…
D’abord un doute … l’année dernière froid et verglacé : « Pourrons nous faire la route …bah c’est de l’autoroute ! » « Eux-mêmes, les musiciens, seront-ils au rendez-vous ? »
La salle était froide et ventilée, mais ils  étaient là..  En revanche,  pas de   Biréli Lagrène, « enrhumé », c’est Stochelo Rosenberg qui le remplaçait…
Cette année, notre route d’arrivée fut clémente, mais les aéroports parisiens connaissaient de multiples difficultés …et c’était la venue des musiciens qui était incertaine  .
Puis, si le concert eut lieu, le froid régnait sur Carmaux…
Etrange ville que cette cité minière encore sous le signe de la terre noire des mineurs et le culte de Jaurès, où le bassin minier n’est plus qu’un musée,  et qui semble se débattre pour rebondir. Des travaux énormes éventraient la rue principale pour installer sans doute le tout à l’égout et préparer à la ville un avenir, qui à nos yeux étrangers, apparaît bien incertain. Vent froid et pluie sur la tête, glaise sur les souliers..Le soir quoique la salle Mitterrand ne soit qu’ à un petit km  on irait en voiture… ! Parce que, se garer, à Carmaux on peut !
Ces circonstances rendent particulier  l’abord des concerts. Rues un peu déshéritées, en tout cas désertées, en raison du froid. Nuit venteuse et déjà profonde à l’heure du concert, et puis une sorte d’îlot de chaleur et de lumière, dont la scène est le cœur…En général, un sas entre les deux , une longue attente dans une file qui s’allonge , où le bruissement des conversations monte peu à peu, mesurant le temps qui passe comme sable dans le sablier.
Dans ces salles un peu polyvalentes, l’installation se fait an mieux grâce au volontarisme  des bénévoles, mais souvent il y a des ajustements qui leur échappent . Ainsi un couple avec deux petites filles,  s’installe près de nous, quatre pour une seule chaise, important deux chaises, et imposant leurs petites à nos pieds, il serait plus juste de dire sur nos pieds. Nous sommes partagés entre agacement et attendrissement…

Et c’est le concert …
L’entrée de Richard Galliano, seul à l’accordina, sur  le thème du Parrain, belle et saisissante, demeure un peu surréelle, et l’attention comme suspendue, en attente….

ET puis, une fois encore, la magie prend..
J’ai beaucoup rêvé et je rêve encore d’avoir un jour la chance d’écouter Dave Douglas en « vrai ». Bien sûr je savais qu’il ne serait pas là, que la formation actuelle réunie par Galliano n’était pas la formation initiale, nous l’avions toujours su, et que seul Marciac nous aurait permis de l’écouter …Je m’étais renseignée, du moins le croyais-je,  sur les nouveaux musiciens, italiens, me semblait-t-il.. Eh non c’était une formation franco –italienne que Galliano nous a présentée :
Mauro Negri à la clarinette, Nicolas Folmer à la trompette, Sylvain le Provost à la contrebasse, Mattia Barbieri à la batterie et aux percus…

J’ai tellement aimé et écouté le CD, que j’ai peur d’être déçue…
Eh bien ! Non, c’est autre chose !  Le concert du CD est parfait, la composition remarquablement orchestrée, dosée, équilibrée, les sons extraordinaires, la trompette de Douglas bien sûr mais le saxo aussi, et Clarence Penn toujours aussi aérien…
Mais ce soir, la présence de Galliano est plus forte, plus sensible,  Ses propres chorus, plus longs, me donnent l’impression d’être comme plus libres et improvisés. Il semble organiser  « naturellement «  les fils de l’ensemble, les duos, avec la clarinette, puis avec la contrebasse, les chorus de trompette et de batterie, se déplaçant   sur l’espace de la scène  comme  « l’âme » de la musique.
J’apprécie énormément le son et la virtuosité de la clarinette de Mauro Negri, et  le jeu de la contrebasse …
En fait on a une impression forte de Jazz…l’impression  d’une musique vivante qui se produit « ici et maintenant », en notre présence, avec une force de communication intense…
La  musique de Nino Rota, peut-être parce qu’elle nous évoque les films de Fellini, a pour moi à la fois une tendresse mélodique forte ( Gelsomina sans doute !) ,  et une connotation déchirante de Tragique . J’avoue d’ailleurs que je préfère la musique de Nino Rota aux films de Fellini, La Strada et Juliette des Esprits exceptés…
Heureusement le « Nino » de Richard nous emporte dans la vitalité ryhtmée d’un swing de bonheur.


Une fois de plus, je bade le talent de Richard Galliano. Je n’ose plus parler du son de son accordéon et de son jeu, de peur de passer pour une laudatrice  inconditionnelle. Mais  je parlerai encore de son talent à composer,  à intégrer l’esprit de la musique qu’il célèbre, pour  en faire une création  marquée de son style,  et aussi de sa capacité  extraordinaire  à jouer en empathie avec les musiciens dont il s’entoure..
Et le bonheur qui en résulte est énorme…
Nous en oublions les mouflets qui nous agacent les pieds , le froid du dehors ,les soucis qui nous tracassent …le seul souci qui nous demeure dans l’instant,  c’est le temps qui passe trop vite , c’est Richard qui se donne et se fatigue , c’est que le concert  devra s’arrêter…. !

Nous commencerons alors à penser à notre Galliano de printemps,  notre Galliano de Mai, à Trentels….et à Toulouse…





 Le lendemain, la neige tombait drue sur la route du retour !






samedi 16 mars 2013

André Minvielle ..."Histoires « d’accents »"




Nous sommes allés samedi  9 mars, jour de fête pour les Françoise, écouter A Minvielle et sa Vocalchimie
De ce spectacle follement poétique, je ne dirais que le plaisir  de se laisser entraîner  au bonheur des mots et au jeu de sa voix.
Car Michel a si bien évoqué  ce moment que je vous invite plutôt à lire son texte

Nous avions déjà commencé à connaître A Minvielle depuis quelques temps, grâce  à notre fil  d’Ariane favori, l’accordéon, celui de Marc Perrone d’abord, puis celui de  Lionel Suarez, puis récemment l’appassionata de Bruno Maurice et la clarinette de Jacques di Donato
Et nous avions alors apprécié son amour fou des mots et son talent jazzy, qu’il fasse swinguer la musique de Gus et de Tony, ou bien la sienne, sur des onomatopées et paroles de sa facture,  ou qu’il « scat »  Beth ceu de Pau  ou autres trouvailles persos sur des standards connus ou des mélodies de son cru……
Bref nous étions séduits par son Alchimie.

 Mais le spectacle abcd’erre nous a révélé un aspect de sa philosophie « linguistique » qui m’a touchée, avec laquelle je me suis sentie en totale empathie. D’abord je n’ai plus à souligner mon penchant pour les divagations, en particulier concernant le langage , la musique et l’art…
Par ailleurs j’imaginais , non sans quelque réticence , qu’il était peut-être un de ces occitannistes militants et intransigeants…( ?Quoiqu’ un ami de Marc Perrone ,de Lubat, de Nougaro… ????)  que j’ai parfois rencontrés dans mon travail et ma région…

Et nous l’avons découvert amoureux de la langue,  occitane certes mais pas exclusivement, de la langue dans tous ses états , comme on la vit, comme on la pratique , comme on la savoure,  sans purisme ou excommunication…
Suivez l’accent  exprime avec talent, avec poésie, avec drôlerie,  ce que j’ai toujours modestement pensé..

L’accent … ! 
Moi aussi j’en ai vécu des histoires d’accent

J’étais une jeune stagiaire professeur de lettres,  dans la classe d’un « tuteur  confirmé » (= moins jeune ), charmant , chaleureux, paternel…
La classe… des cinquièmes, je crois…j’aimais déjà ce travail …nous nous régalions de Villon et de Rabelais …
Premier couac !
- LUI : Rabelais , on ne dit pas Ra- be –lés quand on est professeur de littérature , on dit Rab’lès
- MOI : non ! (je le prends avec le sourire),  « rablé » c’est pas ça pour moi !!! c’est pour les lapins … !
- LUI (sans humour) il faut vous débarrasser de votre accent ! Vous imaginez, en dictée !!!
-MOI (in petto) mais la dictée, c’est pas l’essentiel en cours de français …et puis moi, je l’aime, mon accent…c’est ma manière de parler le français…Chez moi on « flambe » les porte, on laisse « cramer » la sauce …etc…
 -LUI : (fièrement) moi j’étais de Morcenx …et vous voyez bien, j’ai réussi à m’en débarrasser de l’accent !

Entre nous, ce ne fut plus jamais comme avant, je me mis même à m’avouer, ce que je ne m’étais jamais avoué  à ce jour, que ses cours de français n’étaient pas bien excitants !…
Je dois reconnaître que jamais par ailleurs il ne s‘est trouvé personne dans la hiérarchie, inspecteurs ou autres gradés, pour me le reprocher, cet accent …

Plus tard professeur de français à l’Ecole normale, passionnée d’apprentissage de la lecture, j’eus à affronter la méthode Au fil des mots, bible préconisée dans les écoles, la  leçon sur le [e]…les graphies de [é] et de [è] !!! et le « ain » qu’on prononce paraît-il comme « um » ,mais qu’on n’écrit pas pareil…. !
Adorables enfants  qui récitaient du "lait" ouvert, du conditionnel (aimerais) ouvert !  et du futur (aimerai) fermé… ! et « un »(un)  « pum » (pain)…
Heureusement ils n’y arrivaient pas, de toutes manières, ça ne les renseignaient pas beaucoup sur la graphie, mais  ils  reconnaissaient et  comprenaient les mots et c’était l’essentiel ! certains aimaient même à se souvenir des graphies particulières des mots, leur physionomie  en somme !!!

Et j’ai eu aussi des collègues de collège, deux en particulier, qui ont fait depuis de grandes carrières dans l’université et la politique!
Le premier, un émule de Démosthène,  qui préconisait avant tout autre enseignement, de débarrasser nos élèves de leur accent…Notre accent !
Et l’autre à l’opposé, qui me trouvait « infirme » de ne pas parler l’Occitan !!! J’avais beau lui dire que je parlais mon français à la guise occitane…cela ne le convainquait pas !!!
Entre les deux !



Alors, oui, André Minvielle ! je dis moi aussi : « Suivez l’ACCENT ! »

Oui, je refuse par souci « d’appartenance » de parler mon français d’une autre couleur que celle qu’a donnée à mon parler  mon enfance avec mon papa d’Angoulême, ma mère et mon grand père des Landes de Chalosse ,  ma grand mère Souletine,  langues Oil et Oc mêlées, et un chouya de basque en plus , mes copains de Dax, nos  années à Bordeaux, notre petite excursion à Marrakech, le retour à Pau…je sais bien que Bourdieu, un gars de chez nous, en a bavé pour mériter d’être promu au statut d’ Universitaire sans Accent mais moi par chance j’ai pas l’étoffe, je ne serai pas professeur émérite !!!
Oui, j’adore quand André M. proclame « Nul n’est censé ignorer la Loire ! »
Je déclare  mon amour des langues romanes, leurs mots, leur musique et leurs parentés... J’avoue avoir aimé le latin énormément, même s’il m’a empêchée au lycée d’apprendre aussi l’espagnol, dont l’écho traverse nos vallées et m’attire tellement que j’en essaie un apprentissage tardif…

Mais je refuse aussi de m’inscrire  au conservatoire militant et puriste du trad, qu’il soit linguistique ou musical… !
Car je suis aussi fille d’une petite instit suppléante qui courut les postes déshérités de la campagne bordelaise et croyait  au pouvoir unificateur de la langue française, qu’elle tâchait d’enseigner et de faire aimer  à ses « certificats d’étude » et qui adorait réciter souvent (trop souvent pour ses filles moqueuses !) du  la Fontaine, du Boileau, du Corneille, du Francis Jammes , du Alphonse Daudet,  à pleines tirades …. qu’elle n’hésitait pas à faire alterner avec les Sombreros et les Mantilles  de Rina Ketty et la Complainte de la Butte de  Van Parys !
Je suis la fille d’un petit garçon  qui apprit à lire avec le Tour de France par deux enfants et qui me fit partager les délices de Madame Thérèse…

Alors merci André Minvielle de nous dire : Suivez les accents, leur variation, leurs couleurs, leurs saveurs …
Et je dirai : « suivons notre langue dans  tous ses accents.. »

!!! Tiens ! finalement, on y revient à l’accordéon, ses divagations, ses voies royales et ses chemins de traverse, et le plaisir de ses variations… !!!!