vendredi 28 septembre 2018

FRED VARGAS J'aime !



Il y a des textes, romans, poèmes, essais, dont la lecture n’épuise pas le goût.
J’ai écrit un jour sur ce que j’appelle « mes livres de chevet » , j’ai envie d’essayer aujourd’hui de dire pourquoi j’aime tant les livres de Fred Vargas…pourquoi leur lecture m’est souvent un recours , après d’autres lectures, plus « rudes , pour retrouver le plaisir de lire,  rendre l’énergie, redonner  le goût de vivre, bercer l’angoisse de l’insomnie…
Je crois en premier, d’évidence et sans analyse   que c’est l’écriture des textes elle-même, la limpidité de la phrase, le rythme d’un phrasé spécifique, l’union intime de la précision des mots et de la syntaxe, avec des images en filigrane
De manière générale une sorte de réalisme , le plaisir de retrouver un réel « familier » , comme un  monde réel qu’on connait et aime , la «  montagne pierreuse » des Pyrénées ,  les galets de l’Ocean , la rosée matinale dans des chemins creux ou un jardin peu entretenu ,  ou le monde « minéral » de la ville où déambuler, de « Paris, la ville de pierre »…
Références culturelles à détails fouillés, portées par  les personnages :   archéologie des fouilles, Mathias le préhistorien,, sociologie canadienne, savoirs de certains personnages, encyclopédiques et livresques, (Danglard) ou culinaires, la vieille Marthe,  voire médicaux le docteur Josselin , historiques, le médiéviste Marc Vandoosler,  , des mondes ultra marins de Mathilde Forestier, les curiosités zoologiques de Voisinet, les contes de Mordent
Toutes références dont Fred Vargas, chercheuse patentée,  cite parfois ses sources avec un scrupule d’universitaire, mais toujours assorties d’un décalage poétique de rêve qui amuse et fait plaisir : car les choix dans ces références dénichent la précieuse rareté :  un épisode de Peste assez méconnu,(Pars vite et reviens tard) une légende du XIème siècle ,la Grande Chasse de La Mesnie Hellequin, (l’Armée  Furieuse) … une recette d’immortalité (Dans les bois éternels), un Illuminé massacreur échappé du cimetière  de Highgate (Un lieu incertain)…
Bref  un réel allié à la « fantaisie » poétique .
Le parler même des personnages relève d’un travail poétique sur la langue, source de plaisir, ou même jeux linguistiques raffinés  :
Le parler en alexandrins de Veyrenc, le parler à mots retournés des Vendermot , parfois des tics de langages :  le « je ne sais pas » d’Adamsberg, la précision méticuleuse de Danglard, les stéréotypes du Laurence
Le : «  ca pue, , la Grosse » de l’homme à lenvers,  les remarques naïves d’Estalère, les conversations « normandes » des buveurs –chasseurs d’Haroncourt …Et tant d’autres trouvailles …

Mais ces jeux de langages loin d’être gratuits,  ce qui serait en soi un plaisir, font partie de la caractérisation de personnages et  les intègrent au rôle qui leur est dévolu.
Pour moi, la création de ces personnages dans leur diversité témoigne d’une inventivité remarquable.
Tous, même, voire particulièrement, les personnages  secondaires,  sont criants d’une sorte de vérité, une présence évidente,  dont on pourrait dire « on n’invente pas ces choses-là ! » le vieux Lucio, , Mathilde, la vieille Marthe, le cueilleur chasseur, l’archéologue fouilleur, l’accordéoniste, Mo le délinquant incendiaire ….
Tous ont un rôle actif et spécifique dans la construction dramatique, et ils s’organisent d’autre part en un « système » qui par leurs contrastes ou leurs différences relève d’une organisation poétique.

Ce monde qui ne masque pas vraiment la cruauté humaine, même l’utilise comme ressort dramatique policier, fait « du bien » à lire grâce un humanisme profond, une tendresse humaine, une sorte d’empathie dont Adamsberg est le centre.
Tous les fils se rattachent à lui, Veyrenc aux mèches rousses , blessures du passé,  ,Retancourt, déesse aux pouvoirs bénéfiques ,   Danglard qui sait Tout ou presque,  et ses cinq enfants , la vieille Marthe avec la couette sur son divan, et l’ amie qu’elle a recueillie,  hacker en baskets,  Camille , la petite Chérie,  et la Reine Mathilde , sa mère,   l’aveugle qu’elle aime …Tous et bien d’autres extraordinaires personnages secondaires , participent a un climat apaisant  par sa poésie et une sorte de tendresse humaine :  
L’écoute des autres, L’amour profond qui demeurent par delà les infidélités, et l’amitié infrangible en dépit des jalousies et des trahisons,  la solidarité de l’équipe, en dépit de, ou grâce, aux divergences de leurs acteurs.
 Ce sont des personnages bienfaisants.  Positifs malgré leurs failles …
Comme dans certains polars que j’aime, des « réparateurs de destin », à l’instar des Poirot, Maigret, Miss Marple, Miss Silver, Cadfaël…

Belle écriture d’un monde fictif, poétique, intelligemment construit pour s’y reposer lors «  d’embellies », parfois bienvenues !!!

mardi 4 septembre 2018

En étrange pays dans mon pays même...



«  En étrange pays dans mon pays même… »
Ainsi disait Aragon !
Mais c’était la guerre !
Sommes-nous en guerre ?
Guerre économique ? Guerre sociale ? guerre mondiale ?
Les infos sur France inter le matin à l’heure où je commence ma journée,  ou pire sur France Culture, qui dévident tous les malheurs du Monde , abus, sadismes, génocides, révoltes , oppressions sociales et dictatoriales , exodes migratoires,  où qu’ils se situent , ouvrent les journées sur un sentiment de culpabilité, le malaise d’oser encore quand on a de l’eau, des moissons à profusion, et pas trop de maladies , une retraite ! …s’affliger de vieillir, de se sentir un peu décalé dans un pays , le Mien , que l’on s’obstine à aimer et à trouver privilégié…
Ce sentiment d’étrangeté  a dû commencer quand j’ai dû prendre ma retraite…
Désormais hors des murs de ce monde que j’aimais  et donnait une liberté de penser , de réfléchir, de partager avec des élèves de trois à cinquante ans , je me suis sentie tout à coup   « Foraine »  c'est-à-dire « extérieure  »

Puis est advenue  la politique du » « Dégagisme »instauré comme principe universel de progrès !
Dégagé le Service public, instaurée l’initiative privée et personnelle ,
Dégagée la SNCF, Le Service Public, qui me paraissait, fille d’institutrice publique (ce terme d’ailleurs chiffonnait un peu sa pudibonderie) et d’un grand père « cheminot » qui considérait comme un progrès que les Compagnies de Chemins de fer accèdent au statut de Société Nationale de France, le service Public  me paraissait  servir l’Education, la Santé, l’Economie  publiques !
Dégagés surtout  les vieux briscards de la politique, et  suspects les retraités exclus du Travail désormais, et  qui coûtent si chers à l’Etat et aux travailleurs.
Je revivais certains moments de notre vie active ou les réformes parfois pleuvaient, sans qu’il y ait eu le moindre tri entre ce qui avait plus ou moins réussi, sans égard et sans examen !!
Et je pense  et souris,(ou pas) à tout ce qui est préconisé avec gravité et certitude  et qui ressemble si fort à ce qu’on préconisa …Jadis ! Et qui donna assez souvent quelques résultats bien remarquables.

Oui   je me sens tout à coup étrangère …et je reste bras ballants devant ce Chantier Haussmannien de remise en cause méthodique et perpétuelle des projets, des essais, des réalisations du passé qui était le nôtre !
Plus que jamais l’image de la France me parait ressembler à un vaste diner parisien entre amis !  Tout se fête à Paris, le 14 juillet , le Tour, la Coupe du monde de Foot, tous symboles du sentiment national…Et je deviens un peu « Girondine »
Je ne suis pas spécialement ancrée dans la vie rurale, mais il me semble que la province, en tout cas la nôtre, soit pays exotique…Je crois d’ailleurs qu’un homme politique, l’autre jour en parlant des régions, parlait de «  territoires » !


La force de la mer, qui est l’échappée belle de mon pays, m’attire alors plus que jamais, son horizon de  pins et de sable si fin et si blond …
Même si tout s’y mécanise : foin des bains nonchalants et des plages rituelles. S’y ajoutent ou les concurrencent, la course à pied dûment mesurée, les super  vélos filant sur , les  tenues techniques sophistiquées, les paddles multicolores glissant  silencieux.
En alternance avec le Consumérisme organisé, de soldes en marchés forains ,  de marchés forains en braderies ….de queues dés la fin d’aprem devant le marchand de  glaces (délicieuses il est vrai)…

Plus que jamais les mots de la littérature, la musique écoutée encore et encore, me servent d’évasion, de monde paradoxalement familier !




Et la douceur de l’eau, l’odeur de sel , le bruit des vagues , la splendeur des écumes qui jaillissent ou s’étalent en franges, le jeu du soleil le soir sur la mer , ses brillances sur le lac le matin, « console nos labeurs »,
« Et nous parle en secret notre douce langue natale »