Il y a des textes, romans, poèmes, essais, dont la
lecture n’épuise pas le goût.
J’ai écrit un jour sur ce que j’appelle « mes livres de
chevet » , j’ai envie d’essayer aujourd’hui de dire pourquoi j’aime
tant les livres de Fred Vargas…pourquoi leur lecture m’est souvent un recours ,
après d’autres lectures, plus « rudes , pour retrouver le plaisir de
lire, rendre l’énergie, redonner le goût de vivre, bercer l’angoisse de
l’insomnie…
Je crois en premier, d’évidence et sans analyse que c’est
l’écriture des textes elle-même, la limpidité de la phrase, le rythme d’un
phrasé spécifique, l’union intime de la précision des mots et de la syntaxe,
avec des images en filigrane
De
manière générale une sorte de réalisme , le plaisir de retrouver un réel « familier »
, comme un monde réel qu’on connait et
aime , la « montagne pierreuse » des Pyrénées , les galets de l’Ocean , la rosée matinale dans
des chemins creux ou un jardin peu entretenu , ou le monde « minéral » de la ville
où déambuler, de « Paris, la ville de pierre »…
Références
culturelles à détails fouillés, portées par les personnages : archéologie des fouilles, Mathias le préhistorien,, sociologie canadienne, savoirs de
certains personnages, encyclopédiques et livresques, (Danglard) ou culinaires, la vieille
Marthe, voire médicaux le docteur Josselin , historiques, le
médiéviste Marc Vandoosler, , des mondes ultra marins de Mathilde Forestier, les curiosités
zoologiques de Voisinet, les contes de
Mordent
Toutes
références dont Fred Vargas, chercheuse patentée, cite parfois ses sources avec un scrupule d’universitaire,
mais toujours assorties d’un décalage poétique de rêve qui amuse et fait
plaisir : car les choix dans ces références dénichent la précieuse
rareté : un épisode de Peste assez
méconnu,(Pars vite et reviens tard)
une légende du XIème siècle ,la Grande Chasse de La Mesnie Hellequin, (l’Armée
Furieuse) … une recette d’immortalité (Dans les bois éternels), un Illuminé massacreur échappé du
cimetière de Highgate (Un lieu incertain)…
Bref
un réel allié à la
« fantaisie » poétique .
Le
parler même des personnages relève d’un travail poétique sur la langue, source
de plaisir, ou même jeux linguistiques raffinés :
Le
parler en alexandrins de Veyrenc, le parler à mots retournés des Vendermot ,
parfois des tics de langages : le « je ne sais pas »
d’Adamsberg, la précision méticuleuse de Danglard, les stéréotypes du Laurence
Le : «
ca pue, , la Grosse » de l’homme à
lenvers, les remarques naïves
d’Estalère, les conversations « normandes » des buveurs –chasseurs
d’Haroncourt …Et tant d’autres trouvailles …
Mais
ces jeux de langages loin d’être gratuits, ce qui serait en soi un plaisir, font partie
de la caractérisation de personnages et
les intègrent au rôle qui leur est dévolu.
Pour
moi, la création de ces personnages dans leur diversité témoigne d’une
inventivité remarquable.
Tous,
même, voire particulièrement, les personnages secondaires, sont criants d’une sorte de vérité, une
présence évidente, dont on pourrait dire
« on n’invente pas ces choses-là ! » le vieux Lucio, , Mathilde,
la vieille Marthe, le cueilleur chasseur, l’archéologue fouilleur,
l’accordéoniste, Mo le délinquant incendiaire ….
Tous
ont un rôle actif et spécifique dans la construction dramatique, et ils s’organisent
d’autre part en un « système » qui par leurs contrastes ou leurs
différences relève d’une organisation poétique.
Ce
monde qui ne masque pas vraiment la cruauté humaine, même l’utilise comme ressort
dramatique policier, fait « du bien » à lire grâce un humanisme
profond, une tendresse humaine, une sorte d’empathie dont Adamsberg est le
centre.
Tous
les fils se rattachent à lui, Veyrenc aux mèches rousses , blessures du
passé, ,Retancourt, déesse aux pouvoirs
bénéfiques , Danglard qui sait Tout ou
presque, et ses cinq enfants , la
vieille Marthe avec la couette sur son divan, et l’ amie qu’elle a recueillie, hacker en baskets, Camille , la petite Chérie, et la Reine Mathilde , sa mère, l’aveugle qu’elle aime …Tous et bien
d’autres extraordinaires personnages secondaires , participent a un climat
apaisant par sa poésie et une sorte de
tendresse humaine :
L’écoute
des autres, L’amour profond qui demeurent par delà les infidélités, et l’amitié
infrangible en dépit des jalousies et des trahisons, la solidarité de l’équipe, en dépit de, ou
grâce, aux divergences de leurs acteurs.
Ce sont des personnages bienfaisants. Positifs malgré leurs failles …
Comme
dans certains polars que j’aime, des « réparateurs de destin », à
l’instar des Poirot, Maigret, Miss Marple, Miss Silver, Cadfaël…
Belle
écriture d’un monde fictif, poétique, intelligemment construit pour s’y reposer
lors « d’embellies », parfois bienvenues !!!
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