lundi 23 février 2015

Daniel Mille, tête d’affiche d’Accordéon et Accordéonistes








Quand Daniel Mille se raconte …un peu !










     Est-ce le talent de Philippe Krümm, questions minimales et pertinentes, ou le talent de Daniel Mille, une sincérité sans  détour et le souci scrupuleux de s’exprimer , dont j’avais été frappée il y a assez longtemps lors d’une interview accordée à mon ami Mathieu Féryn pour Radio Campus Angers ?

Est-ce parce que nous apprécions tellement la musique de Daniel ainsi que  l’homme, entrevu  lors de quelques rencontres aussi chaleureuses que sans façon ?
Bref, l’article publié dans Accordéon et Accordéonistes(Fév. 2015) nous a beaucoup intéressés …
La question de Ph. Krümm » : « n’est-ce pas un disque de plus autour de l’œuvre d’Astor Piazzolla ? »
Daniel   la contourne, ou plutôt la prend à l’envers pour raconter comment il est arrivé à ce projet…
Un récit qui pourrait s’intituler « Piazzolla …en moi, depuis 25 ans !… ».
Il y évoque avec simplicité sa relation avec Piazzolla entre  fascination pour son œuvre et  réticences anxieuses à oser la jouer …
… Un premier disque , l’un de ses premiers 33 tours, Piazzolla avec Gerry Mulligan…
…La rencontre de Richard Galliano, au moment où celui-ci fréquente Astor P., présence fascinante en filigrane  dans les propos de Richard…
…Le désir de le jouer « un jour », la crainte  de ne pas être à la hauteur, et aussi d’ailleurs une sorte de conflit avec son ambition  de développer sa propre composition,  et sa hantise d’être prisonnier de cette « dangereuse » musique …

Et, au final de ce long temps entre anxiété et désir, cette manière de se jeter dans l’échéance : « Donc j’ai sorti mon Piazzolla du chapeau ! »
…Programmer un concert  Piazzolla , programmer un Cd Piazzolla, avant d’en avoir décidé et préparé le programme ! 
…Se mettre au pied du mur en somme, « n’avoir plus le choix »… !
…Dans le doute de tout ?
Du choix des œuvres, de sa capacité à faire les arrangements ….
…Mais avec des certitudes , le choix de quatre violoncelles , « c’est plus sombre qu’un quatuor normal , ça me plaisait beaucoup », même s’il ne  « dispose » au départ que de Grégoire Korniluk, l’idée d’ un contrebassiste pour quatrième…
..Des refus, ne pas faire un disque de tango..
…Des choix réfléchis, la place de l’accordéon dans l’orchestre, celle qu’il définit remarquablement, comme celle de « la chanteuse, celle qui est devant et qui a  la belle mélodie à jouer … »
Celle qui transmet la charge émotionnelle qu’on n’a pas avec un instrument…
…Dans l’humilité, qui lui fait accepter, en prenant  conscience qu’il ne réussit pas les arrangements, de suivre un conseil, et de faire appel  à Samuel Strouk…une référence !

Et de ce chemin raconté vers Piazzolla, de cette histoire, se détachent quelques aperçus attachants de sa       vie :
Son enfance…  d’enfant de la musique et de la danse, où un père musicien organise le choix des instruments pour ses enfants,  avec le souci qu’ils puissent en vivre ; l’accordéon pour Daniel et la trompette, un seul choix serait trop aléatoire, et  l’accordéon pour ce père d’ailleurs,  le simple frère mineur du « bandonéon,  « le vrai truc », le « summum » !
…Une enfance avec pour  musique ambiante les samedis « musette » et le dimanche «  typique » , et les goûts paternels pour le jazz,  Duke Ellington et Gershwin !
Puis pour Daniel  le vinyl d’Astor..

Des rencontres décisives,  Richard Galliano, qui l’a «  encouragé : « ce n’était pas rien d’être soutenu par lui, lorsqu’on arrivait comme moi de province , avec un C.A.P de menuisier tout en jouant un peu d’accordéon. »
Bien sûr ma sympathie pour l’un et l’autre savoure le soutien du premier, et le CAP du timide second !
Samuel Strouk …le récit de sa rencontre, de leur travail ensemble, de leur savoureuse prise de contact à la cafétéria du TGV le jour de Noël : «  On avait planté nos familles le jour de noël ! », leurs réajustements, d’arrangements, de programme… le travail en studio, tout inspire la sympathie , pour un certain non conformisme, pour un travail très soutenu, pour le plaisir des musiciens à jouer ensemble  …pour  le « désir de vigilance » de ne pas s’installer , de ne pas être « content de soi en jouant Piazzolla », y a qu’à écouter l’œuvre originale pour être remis à sa place…

Aperçus attachants de quelqu’un qui séduit et  qui intrique :
Qui séduit par une personnalité en contrastes,  une certaine façon de vivre sa création musicale, les désirs, les projets entrevus et longuement muris…Les atermoiements, les hésitations, le doute , l’humilité, le manque de confiance dans la capacité à y parvenir…
Et en même temps une détermination obstinée  et des certitudes affirmées : l’amour de Piazzolla, et le désir d’être différent, la représentation de l’orchestration et le goût de la mélodie, « la chanteuse de l’orchestre » …Ô Vuelvo el sûr ! comment rendre la charge émotionnelle ressentie quand chantent les chanteurs argentins ? « C’était mon obsession, je voulais atteindre cette densité-là »
Quelqu’un qui intrigue par les non dits qu’on devine entre ces aperçus dévoilés ,  ce qu’on aimerait savoir : L’accordéon , le choix,  l’abandon, le retour …Le talent à photographier qu’on découvre furtivement  par des photos publiées sur Facebook…LE Brésil…

Bref  un intéressant  récit de vie comme on aime à en lire…
Et comme on rêverait parfois d’en  écrire!

Pour finir, je me permettrai  d’esquisser deux instantanés d’une histoire « Daniel Mille et nous ! »
Où l’on verra toute notre timidité, fruit d’une grande admiration et sympathie à son égard !

 Le premier à Junas , en marge du festival où nous avions été l’écouter la veille, dans un très très joli hôtel à Sommières.
Petit déjeuner , ses musiciens sont là, avec eux nous échangeons quelques mots…Daniel  arrive et cherche sur le buffet dressé cuillères, boissons , etc…etc…et je les  lui indique avec sollicitude, mais rien, rien, je n’ose rien dire de plus sur son concert de la veille que nous avons tant aimé ….RIEN !
 Le deuxième à Toulouse salle Nougaro, pour être  bien placés et en espérant le croiser peut-être et lui dire notre goût pour sa musique, nous arrivons  des tonnes à l’avance !et Michel en attendant sort pour une éventuelle signature, nos disques de lui (tous  ses disques je crois ) et les pose sur un petite table du hall..
Il passe ! les voit ! et rit !  ému, stupéfait : «  Je ne pensais pas possible que quelqu’un puisse avoir tous mes disques !
Révélateur de l’admiration qu’on lui porte et la timidité subséquente…
Révélateur surtout  de sa grande modestie ainsi que de la spontanéité de sa gentillesse,

Que nous avons depuis pu apprécier en plusieurs occasions dans  des rencontres très délicieuses !



PS : J’ajouterai  une simple phrase de  notre Charlotte, elle qui dispose d’un si remarquable talent d’analyse littéraire et artistique, et de tant de mots tout aussi remarquables pour le dire : « J’étais là si bien, si bien, en l’écoutant, et je ne peux exprimer pourquoi.. » 

vendredi 13 février 2015

MIRO….PIRE QUE VITE !!!


Il y a  deux ans   «  nos enfants » ont adopté un chien, Miro. Et nous aussi un peu,  puisqu’il passe chez nous une partie de ses(ou de leurs) vacances ! Je ne sais pas exactement  à quoi il doit son nom, au remarquable peintre Catalan que nous tous aimons, ou à une fine plaisanterie de son maître adoptif du fait qu’il est bigle, heu beagle !
En tout cas c’est un joli chien blanc et marron aux grandes oreilles retombantes
D’abord un peu timide et inquiet, il s’est assez vite accoutumé à ses nouveaux maîtres et a conquis peu à peu et sans grand combat droit de cité, du rez-de-chaussée aux étages, de son panier aux canapés, du vestibule aux pièces plus nobles, la cuisine, lieu des odeurs et alchimies culinaires, le séjour,  siège du grand canapé,                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

même  les chambres, haut lieu des lits défendus et des câlins volés…




A chacun de  nous il réserve des attentions spécifiques, à sa maîtresse première qui le soigne, le sort et joue avec lui sans vergogne, à son maître  qui lui parle avec considération pour lui expliquer la vie et lui file en catimini des gâteries prohibées à l’heure des repas, aux jeunes maîtresses qui le font sortir dès qu’elles arrivent, le caressent à la brosse magique, jouent à la balle et ramassent ses crottes du jardin  . A ses maîtres intérimaires, Nous, parce qu’IL l’accompagne à la promenade du soir et partage avec lui des spectacles  télévisés choisis  pour leur haute portée sociologique, et parce qu’ELLE règne sans partage sur la cuisine  où s’élaborent successivement les fumets les plus excitants et tombent des fragments divers qu’on ne peut laisser se perdre par terre !


Mais pour câlin qu’il soit, ce n’est pas un chien de salon…

S’il y a quelque chose qu’il déteste c’est la pluie, s’il y a quelque chose qu’il aime, c’est le jardin à condition  qu’il y ait des portails à surveiller, des coins touffus à flairer , des traces de chat (ou de mulot) à se mettre sous la truffe…
Il y aurait quelque chose qu’il aimerait plus que tout, ce serait courir,vite vite, de sa grande foulée athlétique , car c’est en fait un chien de chasse …

MAIS courir, seul, ou nez au vent ,  loin devant nous, librement … on ne le laissse pas…
Car MIRO est un fugueur !
Ainsi un quiet après midi de printemps ,tandis que toute la maisonnée s’éparpillait dans la maison dans des occupations insouciantes, ou s’absorbait « geekement »dans des phone » i- ou smart- ou des ordis portables ou tablette, Miro fôlatrait au jardin , un jardin qu’il apprécie particulièrement pour toutes les qualités susdites ou du moins Miro était censé fôlatrer au jardin…
Quand retentit soudain :
-« Miro où es-tu ?(plusieurs fois  avec intensités montantes !!! »
Puis « tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle!" :
-«  Miro ! Miro  s’est échappé ! »


Et toute la maisonnée de se mettre en branle à pied, à vélo, en voiture…

Et d’interviewver des passants :
-« Avez –vous vu …. ?
en vain..
Quand passèrent quatre ou cinq jeunes en casquette et survet, joyeux et bruyants mais disponibles et attentifs à la description :
-«  un chien marron et blanc , avec des oreilles retombantes .. qui courait ? »
-« Oui oui , où il est allé ? sur le boulevard , par là ….oui il courait (rires ) pour courir, il courait...PIRE QUE VITE !... »
Et pour  sûr, sur l’un des boulevards palois, où les voitures vont grand train, il avait couru "de chez courir" ! 
J’abrège le suspense, il avait couru tout le boulevard (4/5 Km envoron !),passé le rond point de la Rocade.. et s’était joint dans la cour d’un immeuble à de jeunes joueurs de foot…L’une de leurs mères nous téléphona !!!

De cette aventure nous tirâmes deux morales :
1 -mon optimisme linguistique se régala de la créativité de nos jeunes qui produisent certes des fautes d’orthographe mais qui nous fabriquent  de remarquables  expressions significatives….dont Duneton aurait fait son miel…

2-Désormais, dans le jardin , Miro ne flâne plus qu’avec un berger ou une bergère attentif /ve …
 Dans  les rues , dans les bois (sur la plage, c’est plus facile ,parce qu' il n’aime pas l’eau, et quoiqu’il il y ait des chiens avec qui dialoguer !!!) on le promène en laisse , ce serait plus exact de dire il nous traîne en laisse !
Quand c’est sa jeune patronne, elle court honorablement derrière lui, quand c’est moi….je recueille tout un éventail de commentaires spirituels :
-« Vous devriez lui mettre un traîneau , il vous promènerait… »
Ou, ô combien ironique :
-« Il vous tire, c’est super, c’est la belle vie ! »
Ou , plus poétiquement :
-« Si vous étiez un peu plus légère encore (« encore » c’est pour la sympathie) vous feriez le cerf volant derrière lui ! »

Finalement c’est un chien, qui outre ses qualités , affectueux, intelligent (là ç’est mon optimisme qui s’exprime, mais mon optimisme  a raison), propre , apte aux apprentissages …en possède une que j’apprécie particulièrement, 
....il suscite la créativité verbale de son entourage …

Talent d’artiste en somme !!!!!



samedi 7 février 2015

Richard Galliano et Sylvain Luc: « MUSETTE HOY »



De même que « Sentimentale » n’est pas un retour au jazz, « La vie en Rose » n’est sans doute pas un retour au Musette.
Car je pense que le  Musette,  Richard ne l’a jamais quitté, il l’a simplement intégré si étroitement à sa musique intime que le musette vivait dans ses créations , son phrasé, ses rythmes, et sa manière de faire toujours chanter la Mélodie  , au cœur de toutes ses interprétations !

En tout cas,"La Vie en Rose" est un magistral hommage aux racines françaises de la musique d’accordéon  , et à la chanson  française d’une de ses plus magnifiques chanteuses !

Edith Piaf et Gus Viseur


Et pour moi, après le délice pluriel des compositions de « Sentimentale » , c’est le plaisir sans mélange d’écouter le « Son  Galliano », pureté de la chanson mélodique développée dans sa ligne claire, nuances délicates des intensités,  jeu des variables subtiles ou virtuoses des improvisations, … une virtuosité qui semble n’avoir pour finalité que de se faire royale simplicité…
« La technique est importante à condition d’en avoir tellement qu’elle cesse complètement exister… »P. Picasso
Et c’est un  bonheur total  qu’on pourrait comparer à celui de certains solos si ne s’y ajoutait la superbe découverte pour moi de la très belle guitare de Sylvain Luc, acoustique, vibrante,  et le plaisir des ses notes  égrenées qui dialoguent avec les notes tenues de l‘accordéon,tantôt le soutenant, tantôt au premier plan assurant la ligne mélodique, tantôt s’associant étroitement avec lui…


Je ne dirais rien des titres que l’on connaît si bien qu’on peut en savourer toute la magie interprétative, et qu’ils se déroulent comme une balade, une chanson ininterrompue, à laquelle se mêlent,  comme des signatures, à Mon Dieu l’Aria de Richard, et à Je ne regrette rienLe Passage de Sylvain Luc.

Mélodie ininterrompue de Gus Viseur et Edith à Richard et Luc …..


Et le final , un thème de Gus  Viseur « Swing Valse »  inconnu de moi,  est une subtile conclusion ! … En somme « le Swing et la Valse »  !….Keep on swinging !

Richard Galliano s’inscrit  explicitement dans une continuité que son prodigieux talent réussit à  fait vivre au présent !

Et je voudrais pour finir raconter un moment de rencontre avec Richard Galliano dont j’ai gardé un souvenir très ému…C’était à Trentels, 10 ème édition , et c’était en solo…
Ce  ne fut pas un de ses solos les plus remarquables auxquels nous avons eu  le plaisir d’assister…
Sauf que, pour l’ouvrir,  Richard joua délicieusement à l’accordina  la mélodie d’une chanson très émouvante , « L e dénicheur »de Léo Daniderff…
Je ne savais ni son titre ni son auteur , mais je la reconnus aussitôt avec émotion car ma mère qui adorait G Plana, la chantait autrefois ,  et j’eus l’impression saisissante de retrouver  un peu de mon cher passé perdu..
Et à la fin ,nous restâmes à attendre, et nous eûmes le plaisir de parler à Richard, et pour une fois (car en général l’émotion et la timidité m’empêche de lui dire quoique ce soit de personnel), nous avons parlé musique…du Mare Nostrum du lendemain où nous serions, et de ce qu’il envisageait de choisir d’y jouer en souvenir de Claude Nougaro, et surtout …surtout , il me dit, et j’en fus saisie,  qu’il avait lu un des commentaires que j’avais écrits  sur son interprétation de Vivaldi…et dont je vous cite la teneur :
« Sur une très belle interprétation de Vivaldi, une fort bonne émission d'Elise Lucet, charmante, pertinente et pro! J'ai trouvé émouvant que Richard G dise "avoir beaucoup progressé"!!! en travaillant l'oeuvre, et avoue qu'il rêvait depuis l'adolescence d'interpréter de la musique classique pour une maison d'édition prestigieuse ( comme Deutsch Grammophon )....Mais je souhaite qu'il continue aussi ses autres chemins, le jazz et la création de ses propres œuvres en y associant des superbes musiciens , ce qu'il excelle à faire! »

Souvent j’ai repensé que ce souhait se trouvait  par « hasard objectif » avoir coïncidé avec sa remarquable interprétation du Dénicheur, comme un signe qu’il n’oubliait pas la chanson française de ses origines ….

Un petit coin d'parapluie ...
Pour voir la vie en rose

Je reste toujours très émue au souvenir de ce moment d’échange authentique et je crois que mon souhait d’alors se trouve à merveille réalisé aujourd’hui par « La vie en rose » !
…Sans que Galliano ait pour autant oublié aucun de ses autres  chemins de musique, aussi audacieusement divers que réussis avec génie!