Richard Galliano, ou l’audace tranquille..! car de l’audace, il lui en a fallu pour consacrer une œuvre au musette de sa jeunesse , un hommage à
Gus viseur et à Edith Piaf, à la chanson française dans ce qu’elle a de
populaire et de plus mélodique, en même temps qu’il consacrait un
disque « sentimental » à des enregistrements de thèmes de jazz
dans un studio américain avec une formation jazzy...(avec un livret en Anglais ! Grrr !)
De l’audace, un magnifique talent , et une énergie magique…
Artiste de la pluralité, des « contrastes » , ou plutôt de La Musique dans son unité …et des
défis personnels sans doute !
Et c’est sans doute pour goûter en live au plaisir de ce
défi-là, que nous sommes allés l’écouter
à Eyzines en ce vendredi 13….de mars.
En duo avec Sylvain
Luc, dont nous avions découvert la guitare par le disque et par sa participation à la
musique de Vincent Peirani et de Daniel Mille, et que nous attendions de
rencontrer…
Bien sûr, Eysines n’est qu’à 250 kilomêtres de chez nous, mais
ce court voyage nous a coûté plus qu’à l’accoutumée…
L’ hiver c’est l’hiver... après un printemps mensonger et
délicieux de quelques jours, la pluie froide et tenace est revenue, de celle qui colle au pare-brise et brouille la visibilité, sous un ciel bas et
lourd qui pèse…..
D’énergie, voilà que nous avons failli en manquer , avec le
temps , celui des météores, celui du temps qui passe, avec les pesanteurs de la vie, fût-elle pour le moment préservée du regard
suspicieux des dieux jaloux …
Et nous nous sommes retrouvés à Eysines , une banlieue propre,
ni défavorisée, ni hostile ou inquiétante, mais inhospitalière et comme sans
âme, dans l’humidité et le froid pénétrant. Nous avons fait une longue queue…comme
nous en avons l’habitude pour être bien
placés …mais celle-là , peu abritée
devant les portes de la salle, grands vitrages et hall carrelé, nous a coûté aussi…
Une salle année 60, peu chaleureuse malgré le faux espoir
d’un bar ou s’alignaient quantité de verres en cristal, qui furent enlevés sans avoir servi…
Une salle froide au double sens du terme, bien que le public
soit visiblement du genre averti, à l’instar de mon voisin, le premier arrivé, un peu âgé, qui connaissant
tout des morceaux , tout de leurs auteurs, et reconnaissait des phrases de Sati
et l’œuvre de Jean Sauguet…
Et ce fut le concert !
Concert étrange, presque intimiste où les deux musiciens
engagent un poétique duo, et qui se regardent plus qu’ils ne nous voient…
Un poétique duo où chacun inspire à l’autre une réponse, une
reprise, un développement ou une
pirouette en harmonie ou en surprise …Où chacun exprime à sa guise, avec
expression , parfois expressionnisme,
son propre ressenti du thème, et nous en transmet l’émotion…
Profonde émotion que celle des amants d’un jour , chanson épurée par l’absence de mots, et la toute
puissance du chant des instruments …
Je l’avais écrit à l’écoute du disque :
"C’est le plaisir sans mélange d’écouter le
« Son Galliano », pureté de la chanson mélodique développée dans sa
ligne claire, nuances délicates des intensités, jeu des variables
subtiles ou virtuoses des improvisations, … une virtuosité qui semble n’avoir
pour finalité que de se faire royale simplicité…
« La
technique est importante à condition d’en avoir tellement qu’elle cesse
complètement exister… »P. Picasso
Et c’est un bonheur total qu’on pourrait
comparer à celui de certains solos si ne s’y ajoutait la superbe découverte
pour moi de la très belle guitare de Sylvain
Luc, acoustique, vibrante, et le
plaisir des ses notes égrenées qui dialoguent avec les notes tenues de
l‘accordéon,tantôt le soutenant, tantôt au premier plan assurant la ligne
mélodique, tantôt s’associant étroitement avec lui…"
Et bien sûr, la
présence en direct des deux musiciens , qui créent, ou peut-être improvisent ou
semblent improviser, en tout cas réinventent
une version somptueuse de la vie en rose, est un plus grand plaisir, l’impression
de partager leur musique .
Constrastes entre graves puissamment amplifiés par le
soufflet, et la ligne claire pure des aigus de la mélodie déroulée par la main droite
avec une simplicité virtuose...
Le choix des œuvres,
la composition du concert, ouvert avec Paris
où « ils montèrent pour leur musique » et se refermant avec
Sous le ciel de Paris sont proches de
ceux du CD .
Mention spéciale peut-être au choix de Marguerite Monnot (Paris), et des Forains de Henri Sauguet...Aux introductions raffinées et pleines de surprises, des Amants d'un jour ou de La vie en Rose, et d'autres....
Mention spéciale peut-être au choix de Marguerite Monnot (Paris), et des Forains de Henri Sauguet...Aux introductions raffinées et pleines de surprises, des Amants d'un jour ou de La vie en Rose, et d'autres....
Mais avec en prime le cadeau précieux des deux solos, la modernité et l’audace du
son virtuose de Sylvain Luc pour son solo, et, une petite merveille que j’aime
particulièrement, le très beau
Mélodicelli de Galliano, si rare ! , je ne l’ai écouté que dans le CD
Passatori avec l’orchestre de Toscane, ou celui du Libertango à Tokyo avec
l’orchestra Camerata Ducale..
Son interprétation en solo par Richard ce soir est un moment de bonheur absolu !
Et puis après deux rappels c’est trop vite la fin, la
salle se vide trop vite, le hall est froid, trop vite vidé lui aussi…Et, comme souvent, je m’obstine et nous retournons dans
la salle. Et surprise, elle est maintenant un ilôt chaleureux où bruissent encore
les échos des enthousiasmes et du son de
l’accordéon et de la guitare, laissés là sur la scène, attendant leurs "maîtres" qui sont là eux aussi, détendus , après la tension du concert , s’attardant
auprès des fidèles…
Sylvain Luc …puis Richard ! nous font le plaisir
de quelques moments d’échange dont la dédicace des CD ne sont que le prétexte ,
le témoignage qu’on regardera souvent d’un signe d’amitié précieux. J’échange
aussi avec Gisèle Galliano, qui est là discrète, souriante et silencieuse,
regard de connivence puis poignée de main chaleureuse…
Quelques mots… beaucoup de non-dits…Difficile d’exprimer
tant d’admiration, l’écrire sur ce blog, c’est tout ce que nous
pourrons …
Et nous voilà repartis sous les nuages, dans le froid
et la nuit….
Heureusement, on peut écouter encore et encore le CD,
et beaucoup d’autres que celui-là appelle …
Et « en » écrire pour essayer de capter
quelque chose de la magie éphémère… !
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