"ALCHIMIE"....
A Toulouse, Espace Croix-
Baragnon, il y a une salle dont le joli
nom, La Salle Bleue, a des airs de jazz et de Note bleue…
Il y est habituel ou en tout cas fréquent, que les concerts
s’y programment pour deux soirées successives.
Et souvent nous en profitons pour
redoubler le plaisir de ces concerts. Car le même concert n’est jamais tout à
fait le même, ni tout à fait autre…et le redoublement offre à la fois le plaisir de l’attente et celui de
la différence …
Jeudi et vendredi soir y était
programmé Gregory Daltin trio…
Nous connaissons un peu ce trio,
l’ayant écouté à plusieurs reprises à Toulouse et à Tulle , et nous assistons à
son évolution qui ne résulte pas seulement des différences de contexte…
Et plus encore que
d’habitude nous avons profité de cette
double écoute à la Salle Bleue pour
raison de différence remarquable :
Le premier soir nous étions
heureux de retrouver le jeu connu et chaleureusement imbriqué de l’accordéon de
Gregory Daltin, de la contrebasse de Julien Duthu et des percussions de Sébastien
Gisbert.
Plaisirs …
Retrouver le son de Grégory
Daltin, nuances et légèreté de sa virtuosité, variété de sa maîtrise à passer de
l’accordéon au bandonéon, classique pour le tango, et joliment surprenant sur
le reggae, ou à l’accordina, pour un fil mélodique délicat…
Retrouver la contrebasse de
Julien Duthu, qui offre avec profondeur la
couleur riche et sombre sur laquelle se détache l’accordéon , ou parfois
esquisse, toujours dans le grave, la ligne mélodique du thème…
Retrouver les percussions de
Sébastien Gisbert, la richesse et la variété des instruments, des nuances interprétatives,
des colorations choisies pour les thèmes,
une grande virtuosité complexe mais sans
esbroufe …
Quant aux thèmes , pour certains
que l’on aimait, c’était le plaisir d’en écouter une interprétaion nouvelle , par exemple en ce
qui me concerne, Beija flor que j’adore,
mais encore , Rimes de Nougaro et Aldo
Romano, ou Historia de un Amor. Pour d’autres c’était la
redécouverte, la Valse de Gregory Daltin, la fantaisie du Tango de l’autruche
ou Le temps s’arrête de Julien Duthu que j’aime encore plus, le Reggae de Sebastien Gisbert, ou des découvertes, reprise inspirée de Alfonsina del mar , et de belles créations de Grégory et dont je ne me rappelle pas le nom…
Bref une soirée pleine de plaisirs musicaux délicats et agréables …
Mais , Il me semblait que ces
beaux moments mélodieux trop courts, étaient
comme les pièces d’un puzzle qui ne
s’ajustaient pas et je ne retrouvais pas l’unité de l’ensemble, le fil
conducteur de cette « Alchimie »
Evidemment je n’ai pas de vraie culture
jazz, évidemment je suis à jamais esclave de la mélodie « qui
chante », j’aime quand elle se perd,
éclate un moment librement, mais il faut que je la retrouve, j’ai besoin comme
en littératrure, que la structure d’ensemble de l’œuvre me soit perceptible , que
la construction des interventions des musiciens fasse apparaître , disparaitre ,
et réapparaitre le thème conducteur… trop libre pour moi , trop « free »,
c’est « gratuit » ! beau certes,d’une certaine manière, mais
sans émotion…
Bref, j’attribuais à ma
perception personnelle un certain manque d’émotion…
Et puis les jours se suivent…
Le lendemain, dès le premier
thème, le magique Beija flor, nous avons
compris que ce concert , le même, serait pourtant différent.
Etait-ce notre changement
d’angle, nous avions changé de côté, les trois musiciens nous sont d’emblée apparus comme étroitement
solidaires, dans des compositions où la musique circulait de l’un à l’autre, et s’épanouissait en des chorus qui
participaient étroitement à l’économie d’ensemble…
En fait ce sont eux, les musiciens,
qui s’étaient placés différemment et construisaient différemment de l’un à
l’autre, avec Gregory comme centre, une
vraie communication musicale…ET circulait entre eux et avec nous, une énergie
dont chaque œuvre retirait force et émotion…
Bref ils avaient retravaillé,
repensé leur « alchimie » et elle fonctionnait remarquablement…
Je suis incapable, vu mon savoir
en musique et en composition musicale de dire comment et pourquoi, mais cette
fois il y eut les thèmes aimés ou
découverts, les sons appréciés, les interventions entrelacées … ET l’émotion fut
au rendez vous…
Pour mémoire , le beau prologue de Grégory au
bandonéon, remarquable , où la mélodie avance comme cachée dans les fils
précieux et multiples d’une impro , puis
peu à peu se révèle avec l’entrée des deux autres instruments « ,une
historia de un amor », ce moment me paraît
symboliser la charge émotionnelle
de toute la soirée …
Comme quoi, « redoubler » un
concert, pratique qui souvent amuse, intrigue, et étonne les amis et…les billetteries( !), est une expérience souvent
pleine de richesse, et dans le cas de ces deux soirées, spectaculaire…
Une de nos amies musiciennes m’a dit un
jour : « encore, encore ,vous allez écouter R…. ? Vous n’avez
pas peur de l’user ? »
Et non, il en est de certaines
œuvres, comme de certains livres ou poèmes de notre vie, on n’en épuise jamais la teneur .
Pour certaines , c’est la multiplicité des écoutes qui est nécessaire
pour en ouvrir l’accès ….
C’est aussi un des grands plaisirs de suivre certains
musiciens et certains groupes dans leur cheminement de musique, comme
certains auteurs dans la création de leurs livres…
Bienfaisants ceux qui ne nous
lassent pas…
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