Quand Daniel Mille se raconte …un peu !
Est-ce le talent de Philippe
Krümm, questions minimales et pertinentes, ou le talent de Daniel Mille, une
sincérité sans détour et le souci
scrupuleux de s’exprimer , dont j’avais été frappée il y a assez longtemps lors d’une interview accordée à mon ami Mathieu Féryn pour Radio Campus
Angers ?
Est-ce parce que nous apprécions tellement
la musique de Daniel ainsi que l’homme, entrevu lors de quelques rencontres aussi
chaleureuses que sans façon ?
Bref, l’article publié dans
Accordéon et Accordéonistes(Fév. 2015) nous a beaucoup intéressés …
La question de Ph. Krümm » : « n’est-ce pas un disque de plus autour de l’œuvre
d’Astor Piazzolla ? »
Daniel la contourne, ou plutôt la prend à l’envers
pour raconter comment il est arrivé à ce projet…
Un récit qui pourrait s’intituler
« Piazzolla …en moi, depuis 25 ans !… ».
Il y évoque avec simplicité sa
relation avec Piazzolla entre
fascination pour son œuvre et réticences anxieuses à oser la jouer …
… Un premier disque , l’un de ses
premiers 33 tours, Piazzolla avec Gerry Mulligan…
…La rencontre de Richard
Galliano, au moment où celui-ci fréquente Astor P., présence fascinante en filigrane
dans les propos de Richard…
…Le désir de le
jouer « un jour », la crainte
de ne pas être à la hauteur, et aussi d’ailleurs une sorte de conflit
avec son ambition de développer sa
propre composition, et sa hantise d’être
prisonnier de cette « dangereuse » musique …
Et, au final de ce long temps
entre anxiété et désir, cette manière de se jeter dans l’échéance :
« Donc j’ai sorti mon Piazzolla du chapeau ! »
…Programmer un concert Piazzolla , programmer un Cd Piazzolla, avant
d’en avoir décidé et préparé le programme !
…Se mettre au pied du mur en
somme, « n’avoir plus le choix »… !
…Dans le doute de tout ?
Du choix des œuvres, de sa
capacité à faire les arrangements ….
…Mais avec des certitudes , le
choix de quatre violoncelles , « c’est plus sombre qu’un quatuor normal ,
ça me plaisait beaucoup », même s’il ne
« dispose » au départ que de Grégoire Korniluk, l’idée d’ un
contrebassiste pour quatrième…
..Des refus, ne pas faire un disque
de tango..
…Des choix réfléchis, la place de
l’accordéon dans l’orchestre, celle qu’il définit remarquablement, comme celle
de « la chanteuse, celle qui est devant et qui a la belle mélodie à jouer … »
Celle qui transmet la charge émotionnelle
qu’on n’a pas avec un instrument…
…Dans l’humilité, qui lui fait
accepter, en prenant conscience qu’il ne
réussit pas les arrangements, de suivre un conseil, et de faire appel à Samuel Strouk…une référence !
Et de ce chemin raconté vers
Piazzolla, de cette histoire, se détachent quelques aperçus attachants de sa vie :
Son enfance… d’enfant de la musique et de la danse, où un
père musicien organise le choix des instruments pour ses enfants, avec le souci qu’ils puissent en vivre ;
l’accordéon pour Daniel et la trompette, un seul choix serait trop aléatoire,
et l’accordéon pour ce père d’ailleurs, le simple frère mineur du « bandonéon,
« le vrai truc », le « summum » !
…Une enfance avec pour musique ambiante les samedis « musette »
et le dimanche « typique » , et les goûts paternels pour le
jazz, Duke Ellington et Gershwin !
Puis pour Daniel le vinyl d’Astor..
Des rencontres décisives,
Richard Galliano, qui l’a « encouragé : « ce n’était
pas rien d’être soutenu par lui, lorsqu’on arrivait comme moi de province ,
avec un C.A.P de menuisier tout en jouant un peu d’accordéon. »
Bien sûr ma sympathie pour l’un
et l’autre savoure le soutien du premier, et le CAP du timide second !
Samuel Strouk …le récit de sa
rencontre, de leur travail ensemble, de leur savoureuse prise de contact à la
cafétéria du TGV le jour de Noël : « On avait planté nos familles le
jour de noël ! », leurs réajustements, d’arrangements, de programme…
le travail en studio, tout inspire la sympathie , pour un certain non conformisme,
pour un travail très soutenu, pour le plaisir des musiciens à jouer ensemble …pour
le « désir de vigilance » de ne pas s’installer , de ne pas
être « content de soi en jouant Piazzolla », y a qu’à écouter l’œuvre
originale pour être remis à sa place…
Aperçus attachants de quelqu’un
qui séduit et qui intrique :
Qui séduit par une personnalité en
contrastes, une certaine façon de vivre
sa création musicale, les désirs, les projets entrevus et longuement muris…Les atermoiements,
les hésitations, le doute , l’humilité, le manque de confiance dans la capacité
à y parvenir…
Et en même temps une
détermination obstinée et des certitudes
affirmées : l’amour de Piazzolla, et le désir d’être différent, la
représentation de l’orchestration et le goût de la mélodie, « la chanteuse
de l’orchestre » …Ô Vuelvo el sûr ! comment rendre la charge émotionnelle
ressentie quand chantent les chanteurs argentins ? « C’était mon
obsession, je voulais atteindre cette densité-là »
Quelqu’un qui intrigue par les
non dits qu’on devine entre ces aperçus dévoilés , ce qu’on aimerait savoir : L’accordéon , le
choix, l’abandon, le retour …Le talent à
photographier qu’on découvre furtivement par des photos publiées sur Facebook…LE
Brésil…
Bref un intéressant récit de vie comme on aime à en lire…
Et comme on rêverait parfois d’en
écrire!
Pour finir, je me permettrai d’esquisser deux instantanés d’une histoire
« Daniel Mille et nous ! »
Où l’on verra toute notre timidité,
fruit d’une grande admiration et sympathie à son égard !
Le premier à Junas , en marge du festival où
nous avions été l’écouter la veille, dans un très très joli hôtel à Sommières.
Petit déjeuner , ses musiciens
sont là, avec eux nous échangeons quelques mots…Daniel arrive et cherche sur le buffet dressé
cuillères, boissons , etc…etc…et je les
lui indique avec sollicitude, mais rien, rien, je n’ose rien dire de
plus sur son concert de la veille que nous avons tant aimé ….RIEN !
Le deuxième à Toulouse salle Nougaro, pour
être bien placés et en espérant le croiser
peut-être et lui dire notre goût pour sa musique, nous arrivons des tonnes à l’avance !et Michel en attendant
sort pour une éventuelle signature, nos disques de lui (tous ses disques je crois ) et les pose sur un petite
table du hall..
Il passe ! les voit ! et
rit ! ému,
stupéfait : « Je ne pensais pas possible que quelqu’un puisse
avoir tous mes disques !
Révélateur de l’admiration qu’on
lui porte et la timidité subséquente…
Révélateur surtout de sa grande modestie ainsi que de la
spontanéité de sa gentillesse,
…Que nous avons depuis pu apprécier
en plusieurs occasions dans des
rencontres très délicieuses !
PS : J’ajouterai une simple phrase de notre Charlotte, elle qui dispose d’un si
remarquable talent d’analyse littéraire et artistique, et de tant de mots tout aussi
remarquables pour le dire : « J’étais là si bien, si bien, en l’écoutant,
et je ne peux exprimer pourquoi.. »
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