vendredi 11 novembre 2011

Tomi Ungerer, Allumette


Une « Allumette » selon mon cœur…




Enfant, je n’ai jamais beaucoup aimé la Petite fille aux allumettes. Le froid, le manque de lumière, la faim, le ciel vide.. trop de maux accumulés jusqu’au mal ultime, la mort….

Elle faisait partie de ces personnages féminins angoissants auxquels je refusais de m’attacher, de peur d’en souffrir.
La petite Sirène et son sacrifice d’amour aussi tragique qu’’inutile, Le petit Chaperon si mignonne et si mal protégée par sa mère, et surtout La petite Chèvre de monsieur Seguin,( ah, qu'elle était jolie pourtant !), si courageuse, si décidée à vivre et dont le père , pardon , le maître !, resta si absurdement sourd à ses appels…

Bref, avec l’opiniâtre optimisme qui était déjà le mien et qui le demeure malgré l’âge, sur le mode mineur il est vrai, j’ignorai froidement ces tragiques destins de filles,(!!!) (car le chasseur à point survenu, pour ouvrir le ventre du loup , bernique !) Je refusai catégoriquement de relire ces histoires et plus tard, je ne les racontai que le moins possible à mes enfants , y compris les enfants de mes classes…Pas de Petite sirène, pas de Petite chèvre, pas de Petit Chaperon …sauf nécessité scolaire absolue !



C’est donc avec ravissement que je découvris tardivement, en explorant pour mon travail les trésors de la littérature enfantine, Tomi Ungerer. Un prodigieux coup de crayon et une palette « expressionniste » saisissante. Une insolente irrévérence. Je fus séduite. Avec la légèreté qui "sied" à des livres pour enfants, il égratigne joyeusement l’ordre social, et n’épargne aucun représentant de l’ordre, de la bonne morale , de l’armée, du fric roi, de la bêtise bien pensante.
Et c’est au nom d’une autre morale, anti conventionnelle, généreuse et altruiste.

Mais , plus que tout,  ce que j’aime particulièrement chez lui c’est le formidable espoir qui se dégage de ses histoires, bien qu’elles n’édulcorent jamais malheurs, vexations, méchancetés, et mesquineries de la condition humaine .
Pour avoir traversé enfant les souffrances de la guerre, les déchirements de l’Alsace, et les malheurs du nazisme, il ne demeure pas moins fondamentalement optimiste, amoureux de la vie et du monde tel qu’il est ….
Alors bien sûr sa Zéralda, dont le père ne vaut pas mieux que le Père Seguin, qui l’envoie inconsidérément au marché par un chemin isolé, cette petite Zéralda nous fait un petit chaperon rouge bien attachant et énergique, qui apprivoise son Ogre, à coup de génie culinaire .Son affreux poulpe a nom Emile et grâce à ses dispositions physiques spéciales, fait carrière de sauveteur en mer. Ses Trois Brigands sont des Robins des bois bienfaisants aux enfants.
C’est que ces personnages souvent marginaux, sont dotés de la faculté d’évoluer, de se transformer au cours de leur histoire, de changer en déterminations positives leurs données initiales.

L’une des plus délicieuses est Allumette

Conforme au départ à celle d’Andersen, tonalités sombres, froid et pauvre lumière d’hiver, faim, misère, et méchants et mesquins à l’horizon…

Mais sa foi ( dont l’a dotée Tomi, à mon avis, grand Mécréant ) a une vigueur désespérée mais efficace, et obtient du ciel abondance de biens de tous ordres et de tous calibres, qu’elle gère par la distribution avec pragmatisme et bon sens : goût du bonheur, du partage, et refus de la misère, sont ses valeurs, comme pour nombre des personnages de Tomi….et reconnaissance envers le beau ciel d’orage qui lui a déversé ces biens hétéroclites et précieux .



Un joli conte de Noël que celui-là…

Merci à Tomi pour sa formidable force de bonheur…

1 commentaire:

sister for ever a dit…

Intéressant en cette période de Noël...