Agatha Christie, depuis ces
dernières années, comme on l’aime !
Moi, il y a longtemps que je
l’aime…Depuis, que jeune étudiante de lettres, au sortir de la Fac où m’enseignaient
« de grands professeurs de lettres », je me précipitais dans la rue
voisine dans la vaste librairie –Presse qui faisait le coin, pour choisir quantité de ses petits livres jaunes (d’occasion) ! A moitié gênée , à
moitié fière de ma marginalité, en un contexte où il était de bon ton de
préférer Sartres à Camus, Rousseau à
Voltaire , et où les seuls polars
pouvant prétendre au statut d’œuvre littéraire
étaient ceux de la Série Noire, ou ceux de Dashiel Hammett, dont
l’écriture – effectivement remarquable- s’inscrivait dans le courant de Dos
Passos ou de Steinbeck, psychologie du comportement, point de vue externe, cinématographique, etc etc ….
Ceux-ci d’aiileurs me passionnaient intellectuellement, et j’en lisais avec intérêt les œuvres les plus représentatives
…Tandis que je dévorais l’œuvre d’Agatha !
Ceux-ci d’aiileurs me passionnaient intellectuellement, et j’en lisais avec intérêt les œuvres les plus représentatives
…Tandis que je dévorais l’œuvre d’Agatha !
Plus tard, prof de lettres
brevetée !, j’osais assumer sa défense : « Sous le montage factice du monde qu’elle a créé, une vision tragique de la vie où
Comme chez Hitchcock, certaines scènes inspirent le sentiment
poignant de l’irréversible. La petite bonne un peu sotte, que son
amoureux attendra en vain, le mari volage et adoré, poignardé alors qu’il
s’amendait, la petite serveuse endimanchée comme une citadine, étranglée en
tournant le coin de son rêve…
Tandis que ses montages machiavéliques de « meurtres parfaits » témoignent par leur artifice même de la vanité de
l’ingéniosité humaine… »
Ou bien plus angoissant, comme les dénouements de Molière, ces montages
avortés ne signifient-ils pas que la conclusion serait inéluctablement tragique
sans l’intervention providentielle de deux dei ex machina, à la fois
invraisemblables, et d’une existence
romanesque évidente ?
Et, est-ce pour cet absurde en
filigrane dans l’œuvre, ce tragique de la vie ressenti en dépit des sourires, que suscitent le tricot de Miss Marple
et sa nièce référence, la moustache d’Hercule Poirot, sa vanité, son ordre et sa gourmandise maniaques, est-ce
pour ces raisons que depuis quelques temps le Cinéma et la télévision redécouvrent Agatha ?
Pascal Thomas, dont le choix ,
« l’heure zéro » ,me semble bien caractéristique du versant grave
de « la vieille dame anglaise ».Puis Anne Giafferi et Marielle
Magellan, avec des choix d’œuvres parfois
moins connues, illustrent aussi ce même regard ambigu sur le monde…je
pense à « Cinq petits cochons » dont jamais je ne peux oublier la tristesse , ou à ABC contre Poirot et bien
d’autres …
En même temps que parti est
tiré de l’humour inhérents aux
personnages..Hercule Poirot, Miss Marple, un peu ridicules parfois, et
conscients de l’être.
Mais aussi deux détectives
porteurs de justice, épris de vérité, riches de raisonnement, et en même temps
d’humanité et d’empathie, grâce auxquels les personnages échappent de justesse
à la logique tragique du monde…
Et voilà qu’en 2017, c’est Kenneth Branagh qui choisit de « s’incarner » dans le personnage
d’Hercule Poirot , choix total, puisqu’il en assume le rôle comme acteur, mais
aussi l’aventure en tant que réalisateur…
"ACHILLE POIROT???? -HERCULE !!!!! |
C’est son nom au générique,
autant que celui d’Agathe Christie, qui m’a incitée vivement à m’y précipiter
Parce que Kenneth Branagh je
ne savais ni qu’il était un acteur renommé, ni un réalisateur confirmé !
Pour moi il était le
commissaire Wallander, sombre et attachant dans un monde sombre, le personnage
de Henning Mankel, humain, dépressif, perméable à toutes les failles humaines
dans l’infini des plaines de Suède, qu’il incarne avec sobriété, et une évidente présence .
Et je me l’imaginais animé du
désir profond d’incarner cet autre
policier, humain certes, averti du mal du monde, mais en outre positif, un redresseur de destin. Et cela au point non
seulement de jouer son rôle, mais même de construire autour de lui toute la
réalisation de l’œuvre célèbre d’Agatha, pour une nouvelle interprétation …
Et voilà! pour le personnage,
une moustache, sa moustache fétiche , particulièrement mise en exergue , soignée,
peignée, mise en plis avec un soin maniaque …mais interprétée en gris, grise
comme les cheveux de Kenneth Branagh ! costume clair mais chic british , manies
de l’ordre, cravates rencontrées redressées , œufs coques mesurés, acceptés, refusés…vanité à
faire sourire, avec trouvaille maison parfois : « Achille Poirot ? –Hercule !!! » générosité humaine , comme l’orignal, plus
que l’original… ?
Le combat entre l’exigence de
la vérité, la prise en compte du malheur subi par les victimes voit finalement
le triomphe de l’empathie, en une scène pathétique et le jeu sobre mais plein
d’émotion de Kenneth Branagh …
Autour de lui un système de
personnages choisis selon une interprétation
fidèle du roman en un grand luxe d’acteurs talentueux, pour un huis clos
de luxe, dans un luxueux train mythique.
Pour le contexte environnant, jeu
puissant de contrastes : effets de foules bruyantes, et violentes dans des
lieux prestigieux, beaux et inquiétants , Istanbul puis Jérusalem , couleurs
chaudes et agitation …Puis les moyens techniques remarquables du film
apportent aux extérieurs la dimension
d’un espace grandiose , désert glacé et
artificiel dans sa beauté d’étendues de neige, couleurs violemment contrastées
, à la Hitchcock ,effets spéciaux saisissants
, le champ grand angle pour l’immensité du paysage , la
construction gigantesque, en poutres de bois croisées, d’un étrange viaduc.
Puis pour moi plus saisissante encore, l’image du train , mécanique puissante dont l’espace intérieur semble démesuré, qui apparait soudain ,quand le plan change, perdu comme un train jouet serpentant dans l’immensité des vallées vertigineuses Jusqu’à ce que survienne l’ avalanche, énorme, dans un vacarme fracassant, surréelle …
Puis pour moi plus saisissante encore, l’image du train , mécanique puissante dont l’espace intérieur semble démesuré, qui apparait soudain ,quand le plan change, perdu comme un train jouet serpentant dans l’immensité des vallées vertigineuses Jusqu’à ce que survienne l’ avalanche, énorme, dans un vacarme fracassant, surréelle …
A l’artifice glacé des extérieurs
répond en contrepoint le huis clos doré et chaleureux de l’intérieur du train .
A l’artifice contribuent aussi
la composition des personnages ,tous célèbres
, tous reconnus , et salués respectueusement : Tous
faux ! Tous à l’identité fallacieuse !Tous autres … !
Fin à la Molière , ou à la
Corneille ! découvertes de la machinerie d’Agatha Christie « Vous… !!!! »
Négation du tragique
inéluctable, dénoué par le Grand Hercule, qui accepte de taire son triomphe , sa découverte de la vérité, pour
qu’une autre justice triomphe celle des victimes !!!
Clin d œil final…
Un huis clos sur le Nil attend
Poirot l’Unique : un Crime sur le
Nil... à résoudre !
Puisque toute interprétation,
toute relecture, est transformation et
fidélité à la fois, puisque de là découle le plaisir esthétique …
J’ai eu bien du plaisir esthétique
à regarder ce Crime de l’Orient Express…
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