Hier matin , au début d’une radieuse matinée ,
j’ai décidé d’y croire, au beau temps. Tant de fois il nous a bercé cette année
de ses mirages de soleil que j’étais tentée par le scepticisme et le laisser
aller . les terrasses étaient poisseuses et tachées par la trace des feuilles hachées par la pluie et des prunes
massacrées par le vent …
J’ai donc pris mon lave-pont pour
effacer les traces du gros temps mais, comme chacun sait, les lave-pont c’est pour
les jeunes moussaillons, et je m’y serais vite fatiguée si peu à peu l’odeur du
chèvrefeuille ne m’avait pris le nez et la tête …J’aime cette odeur à la fois
fine et entêtante , et ce printemps, profitant de mon laissez faire, les tiges ténues et obstinées du chèvrefeuille ont
progressé, envahi la haie, s’emmêlant, triomphantes, aux rosiers , à la vigne
vierge, et même au vigoureux jasmin…
Le parfum, c’est un peu comme la musique,
ou la mer ? …ou encore…les fleurs ? Ou….les mots…ou….
Et justement je suis tombée, il y
a quelques jours, sur un poème bien célèbre pourtant, mais que j’avais oublié, et
qui me parle …de chèvrefeuille ? Non !
Enivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout
est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du
temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer
sans trêve.
Mais de quoi ? de vin, de
poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois , sur les
marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de
votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge , à tout ce
qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est ; et le vent , la vague , l’étoile, l’oiseau,
l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de
s’enivrer ! Pour ne pas être les esclaves martyrisés du Temps,
enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie, ou de vertu
à votre guise. »
Petits poèmes en prose, Charles Baudelaire
« Ma guise » ajouterait
à coup sûr "de musique, de musique ! de chants et de parfums", au vin et à la poésie
…
Quant à la vertu ????
Quant à la vertu ????
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