vendredi 6 mai 2011

La grammaire de mon jardin…


Un de mes plaisirs de jardin est d' aller le long des « massifs »si l’on peut appeler ainsi les fouillis de fleurs bordant les allées, et la pelouse, si l’on peut appeler ainsi l’herbe rustique qui nous sert de gazon, pour surveiller l’évolution des plantes . C'est aussi mon premier travail, avant d'ouvrir la maison ou de sortir nos bagages,  lorsque nous revenons après un temps d'absence.
 Je constatais ainsi l’autre jour que cette occupation est scandée de structures rituelles ou bien décline le paradigme de la conjugaison

La structure la plus fréquente dans ma bouche décline la conjugaison du verbe finir : nous avons fini ….elle/il/ ils/ elles/ on/ a/ont fini par …
Exemple :La glycine est belle, elle finit par ressembler à une vraie glycine….La glycine a fini par grimper presque jusqu’au sommet du bouleau, ou bien J’ai fini par avoir des pivoines …Malgré le peu de soleil à cet endroit, finira-t-on par avoir des iris ? L’olivier finira-t-il par prendre un peu d’envergure ?


Mon autre phénomène grammatical est l’emploi des différents futurs
Cette fois, nous aurons peut-être du houx pour Noël
Y aura-t-il des prunes cette année ?
L’orage va flétrir l' azalée blanche…













Le chèvrefeuille va envahir le jasmin…
Il va falloir planter les oignons de jacinthes…
Que vais-je mettre dans ce coin pour l’été ? Le printemps y est si beau… mais l’été, avec l’ombre du prunier, il n’y aura rien de joli contre le mur…
D’autres, plus poètes et fameux que moi, conjuguèrent plutôt dans leur jardin le passé composé …voire le plus que parfait :
« La rose qui ce matin avait déclose, n’a point perdu cette vesprée les plis de sa robe pourprée »


Je me dis que ce n’est pas un hasard…La grammaire donne le sens aux phrases et les phrases révèlent notre représentation personnelle du temps …cette structure finir par exprime pour moi le sens du jardinage. Pour moi, loin des plantes préfabriquées que l’on ne fait que replanter telles quelles, c’est l’attente qui préside à la poussée des plantes, et la patience qui fait les jardins…
Bien sûr je cède comme tout un chacun aux sirènes de la jardinerie….elles aident à sortir de l’hiver, à tromper la sécheresse de l’été par l’importation des plantes toute venues, qui sont comme de beaux bouquets magiques et d’un coup transfigurent un coin de jardin.
Mais ce n’est qu’artifice agréable, la vraie satisfaction du jardinage, ce sont ces plantes qui « ont fini » par venir, se plaire, s’implanter, et s’épanouir, la réponse à l’attente du jardinier, la récompense de sa patience…
Quant au futur …( à vrai dire je ne fais que décliner l’éternel stéréotype des poètes) il signifie bien que les plantes sont inscrites dans le devenir de l’histoire et dans le temps . Qu’il promette ou qu’il menace, il y faut le temps

Et pour être honnête je ne suis pas mécontente de prendre conscience de mon futur récurrent, comme d’un signe d’optimisme, étonnant pour l’ angoissée que je suis. Je le préfère (toute révérence gardée) aux passés composés de Ronsard et à la splendeur poétique de ses roses fanées…

« Et les fruits passeront la promesse des fleurs … »
Peut-être …car futur simple ou futur immédiat le futur sera aléatoire ou ne sera pas !…






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