mercredi 13 avril 2011

Meli Mélo Mélodrame


L’autre soir j’ai vu sur FR3 Faubourg 36. Un peu confuse d’en rester émue, je me suis dit encore une fois : « décidément, j’aime les mélos !!! »
Et de m’interroger tout à coup sur cette étiquette employée spontanément : je découvre alors dans le Petit Robert, que dans « mélo-drame » il y a musique et drame au double sens du mot ; action (au sens action théâtrale) et évènements malheureux, (dramatiques »)

Donc finalement, Faubourg 36 et plus encore l’opus précédent de Christophe Barratier, « Les choristes » méritent bien ce qualificatif.
N’y manquent ni le drame ni les drames, qui nous émeuvent réellement( moi en tout cas) quelle que soit leur invraisemblance.
Ne manquent pas non plus coïncidences et coups du destin, renversements de situation, séparations dramatiques et retrouvailles déchirantes.
N’y manque pas non plus la mélodie des voix, ni le rôle fondamental du chant tant dans l’action que l’émotion…

Et je pense à un film d’Hitchcock que j’adore « Pas de printemps pour Marnie » dont j’ aime particulièrement la musique ; elle est de celles qui hantent notre mémoire pendant des jours. Elle y est le leitmotiv de l’angoisse de Marnie, le signal de l’émergence du passé refoulé, le crescendo de l’émotion montante.
Et bien sûr les grands sentiments, l’amour plus fort que l’égoïsme, le dévouement absolu, le désir de sauver et d’aider face à des vraies cruautés brutales ou sordides, ou la froide injustice des méchants ou du seul destin…








Et voilà que s’allonge la liste des œuvres que l’on pourrait qualifier de mélos:

Sans famille
Madame Thérèse
Les misérables
La trilogie de Pagnol, Marius certes, Fanny surtout
Casablanca
Un long dimanche de fiançailles et le roman de Japrisot




Qu’est-ce qu’on y aime ? C’est bien sûr le suspense de l’action, la tension dramatique (mélodramatique)
Peut-être aussi sous le couvert d’un genre réputé mineur la grandeur irréaliste de sentiments idéalisés.

Greuze, et Diderot… contre Voltaire et son « hideux sourire », ou l’amer scepticisme de Pangloss…
Ils comblent aussi notre rêve inavoué de sentiments exaltants qui se déclarent, s’avouent, s’explicitent, se racontent, se dévoilent, se justifient …
Car souvent dans ces œuvres, l’aveu et le langage occupent théâtralement l’espace. Dialogues ou monologues, duos sublimes, grandiloquents parfois, et parfois simplement « touchants » et « touchants » par leur désarmante simplicité…
Etais-je « à l’avance » ou avais-je comme une enfant, le courage de mes sentiments j’aimais les aveux d’ Orane Demazis dans Fanny. Ma mère se moquait, prétendait qu’elle avait une voix de chèvre…mais moi, à l’âge de Lisez-moi Bleu j’aimais Fanny, j’aimais la déclaration de Fanny à son fils….
Et cela sans croire un instant à une quelconque possibilité de réalisme, prise par l’émotion de la fiction des sentiments….

Et pourtant, et pourtant, je me dis maintenant, mais le mélo, il est dans la vie !!!

Pour preuves, petits mélodrames dont j’eus le récit :
Quand j’étais couchée, enfant dans la chambre obscure jouxtant la cuisine de mes grands parents j’entendais les adultes qui se « mettaient à la table » de la cuisine pour siroter leur café et une petite prune, et racontaient.
Ils racontaient la petite voisine .Elle avait mon âge, de beaux cheveux dorés et des yeux
sombres. Son père était un grand géant blond de Ch’Nord, taillé en force, yeux bleus, voix puissante. Elle l’adorait, elle l’adore toujours et chérit sa vieillesse…
Et pourtant ! « Pourtant ! (ça c’est Fanny par Orane Demazis) ce n’était pas son père !!! » Elle était née au cours du sombre hiver 42, alors qu’il était prisonnier en Allemagne. Conçue sans doute lors d’une de ces peureuses nuits où sa mère était employée à nettoyer les trains stationnés sur les voies de la gare ST Jean désertée, et surveillée par les soldats allemands. Quand le géant blond revint, il faillit tout casser. Ce fut l’oncle qui lui Parla , il lui Parla souvent, il lui Parla longtemps . Ils avaient tant de malheurs dans la famille. Fallait-il ajouter la souffrance aux souffrances ? Le père finit par pardonner et ce fut un grand bonheur pour tous ! Et pour lui !… cette enfant blonde comme lui…et qui l’aima si fort...

Il y eut aussi l’histoire étrange d’une grand mère : j’étais jeune mariée alors, je ne pouvais m’imaginer qu’elle avait été une belle jeune femme, et encore moins une jolie petit fille... Une fois de manière inattendue, sans que je n’en demande rien, elle me fit un récit étrange. Sa mère travaillait, souvent elle laissait la petite Thérèse à la garde de sa cousine Marthe, qui tenait un bar sur les quais de la Garonne.
« Fréquenté, tu sais bien comment …Bordeaux était ville ouverte ma petite !!!" Et un jour qu’elle jouait dans le bar, vint un marin avec son sac sur le dos et qui jouait de l’harmonica. Il joua là un moment, buvant au bar, sous le regard fasciné de la petite fille. A voix basse, la Marthe dit : « Regarde bien ce marin ! » Quand il partit la tante dit : « Tu l’as vu ce marin, c’était ton père ! » et la vieille dame de dire : « Crois-tu, je ne l’avais pas assez regardé, je ne faisais qu’écouter sa musique, je crois que je n’aurais pas pu le reconnaître …mais il ne revint sans doute jamais… »

Et l’histoire de Jeanne, la cousine de la cousine de ma maman, jeune et jolie fille fiancée à l’aîné de la famille, de la métairie voisine. Ils se plaisaient, ils étaient promis, c’était en 1914. Il fut tué dès les premiers combats. Elle pleura et prit le deuil. Puis au fil des longues années de guerre insensiblement elle se laissa convaincre d’épouser le second fils. Je ne sais si elle l’aimait, je ne le crois pas, cela se fit tacitement parce que la vie et la métairie étaient là, à continuer… Ils se marièrent lors d’une courte permission, puis il repartit pour la guerre et pour la mort…Il ne restait qu’un fils, un presque enfant pour elle, si jeune que la guerre faillit l’épargner…elle épargna sa vie mais prit son bras…Et Jeanne l’épousa à son retour. Union étrange, mais je crois passionnée et heureuse. Je le crois car Cousine A... et ma mère n’en parlaient qu’allusivement devant moi mais j’étais attentive aux moindres bribes de leurs propos :
- Eh tèè ! Finalement, la Jeanne !!! Un bel homme que cet Adrien, un gentil, et qui lui a fait trois beaux petits…

Des histoires comme ça dans ma famille, si ce n’était pas aussi privé, si indiscret, je pourrais vous en conter encore et encore…
De quoi démarrer une belle série de romans de gare…

Mais ces histoires là, elles sont VRAIES… !




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