mardi 29 mars 2011

Vieillir…

De la Fontaine et de la forêt des Landes entre Aire et Captieux

"Un octogénaire plantait.
« Passe encore de bâtir ; mais planter à cet âge ! »
"Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage ;
"Assurément il radotait.
« Car, au nom des dieux, je vous prie,
"Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
"Autant qu’un patriarche il vous faudrait vieillir.
"A quoi bon charger votre vie
"Des soins d’un avenir qui n’est pas fait pour vous ?
[….]
Quittez le long espoir et les vastes pensées...

 La Fontaine , livre XI, fable 8


L’autre jour nous sommes allés à Bordeaux…
Tout joyeux d’emprunter la nouvelle autoroute A 65 !

Lors de nos dernières années de travail à l’IUFM d’Aquitaine, astreints à nous rendre fréquemment au siège de cet établissement, actif en réunions directoriales ou autres colloques hautement distingués, un tel chemin, direct, aisé, nous avait cruellement manqué…Contraints que nous étions d’emprunter la « nationale 134» Pau- Langon , étroite, tortueuse, encombrée de camions….aux petites heures du matin ou le soir après le turbin !

  
Bien sûr, en deux heures, nous étions prêts à goûter les délices de Galliano Solo, à flâner sur les quais, à explorer les musées du CAPC et des Beaux Art.

Mais l’autoroute, pour le prix modique de 23 euros, s’élance droit sur le plateau de Garlin et dans le Marsan, entre des talus encore nus où les paysagistes d’autoroute ont certes semé, voire planté un décor , qui reste pour l’instant en gestation. Puis elle traverse la forêt de nos Landes dans la plaine de Captieux puis au bord du parc National, qui certes ambitionnait de préserver la splendeur de ses pins.

Hélas, qui peut protéger de la tempête,
...qui peut protéger des insectes lovés dans les arbres abattus, dont la morsure, dénudant leur tronc, roussissant leur aiguilles, brûle aussi sûrement les arbres, que les plus terribles incendies qui les ravagèrent au temps où j’étais petite fille…

Nous ne disions rien, quasi seuls sous le beau soleil de l’autoroute neuve et déserte … Nos pensées tournaient en silence autour de l’avenir des arbres restant, maltraités, isolés dans des parcelles nettoyées ou encore en friches, de ceux encore jeunes mais souffrants. Nous nous demandions si les sylviculteurs replanteraient, ou s’ils livreraient le terrain aux assauts du maïs- roi, et nous escomptions combien de temps serait nécessaire pour refaire des arbres, quand,  tout à coup, et sans que nous nous soyons concertés, Michel prononça la phrase qui tue :
  • « En tous cas nous, jamais, jamais plus nous nous ne la verrons, la masse de la forêt, bien verte avec ses grands troncs … »

Et ce fut pour nous, en même temps que nous pensions à d’autres terres ravagées par des catastrophes ou la guerre, dont notre vie a été jusqu’alors préservée, l’expression d’un brusque sentiment de vieillissement, une prise de conscience brutale de ce qu’est vieillir….


Deux remarques pour clore mon propos :
La première :
Hep ! Hep ! Attention ! nous ne sommes pas octogénaires !!!
C’est par respect pour La Fontaine que je le cite exactement.
Je me rappelle que ma maman , qui adorait La Fontaine et nous en citait des vers de sa belle « voix d’institutrice », récitait :
« Un vieillard plantait…. »
Défaillance de mémoire ou tricherie malicieuse ? Je penche pour la deuxième hypothèse…

La deuxième :
Mon extrait du texte est tronqué de la sagesse et de l’optimisme de sa conclusion.
Rendons- lui ces quelques vers :
« Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
« Eh bien ! Défendez-vous au sage
« De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
« Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui :
« J’en puis jouir demain et quelques jours encore…





…en guise de conclusion…




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3 commentaires:

sister for ever a dit…

Françoise dans ce que tu décris je reconnais presque mot pour mot notre réaction après la tempête de décembre 1999; lors de laquelle entre autres la magnifique chênaie / hêtraie, bâtie d'arbres presque bi-centenaires en haut du parc de Marly, avait été en un clin d'oeil remplacée par un enchevêtrement de branchages... Nous avions calculé pour savoir quelle génération de notre descendance pourrait revoir la forêt dans cet état de croissance... si on la replantait!! A ce jour cette zone reste en frichesn une fois enlevés tous les restes d'arbres dangereux...
Mais ce matin nous avons traversé le parc de Versailles; certes il bénéficie de nombreuses aides financières, publiques et privées (beaucoup d'Américains, étonnant?). Après la tempête de gigantesques travaux de remise en état ont été entrepris, parcelle par parcelle. Et à ce jour ... le parc est splendide! différent, mais splendide!!! Et même à notre âge... on ne manque pas une occasion de s'y promener (il est immense, avec des zones qui restent sauvages et d'autres très sophstiquées). Alors, carpe diem!!

françou a dit…

Super écho à mon texte , je ne découvre ton commentaire qu'aujourd'hui...je trouve finalement plutôt consolant...à une échelle moindre, nous avions fait le même constat pour le superbe jardin public de Bordeaux, réparé en quelques mois alors que la forêt voisine , privée ou domaniale, restait abimée...Profitons donc de ce qui se répare, promenons-nous dans ...les jardins!!!Espérons pour Versailles qu'il ne bénéficie pas comme au temps du Roi Soleil,d'arbres transplantés ...des forêts alentour...bises!

sister for ever a dit…

Je te rassure... de nos jours les forêts sont bien protégées! voire parfois jusqu'à l'absurde! enfin je parle de celles de la région parisienne, au moins.
Mais les «nouvelles» techniques permettent des croissances accélérées en pépinière; ce qui fait qu'on replante des arbres qui ont effectivement une certaine maturité!