mercredi 28 mars 2012


Claude Duneton est donc mort!
Je l'apprends par ces voies soi-disant "anti-littéraires", Twitter et un ami de Facebook. Je me rapelle combien ses écrits furent pour moi jubilatoires et, le dirai-je, utiles à ma réflexion de prof de français ...Pour remerciement , recevez, cher collègue drôle et profond, un modeste témoignage de mon admiration, ce petit post écrit il y a quelque années....




Histoire d’âge ?

« Quand on est enfant, on s’intéresse beaucoup aux histoires. On aime bien les événements qui s’enchaînent, vite fait, que le loup est arrivé, qu’il a frappé à la porte, que la grand –mère a dit entrez, qu’il a croqué la pauvre vieille…Les considérations sur les motivations du loup, la situation sociale de la grand-mère …on s’en bat l’oeil, vraiment. Ce qui compte, quand on est petit, ce qui intrigue, ce qui passionne, c’est de savoir si le loup va ou non s’avaler aussi la petite fille…on en rêve on en redemande »


Ainsi parlait Claude Duneton page 117 de son Antimanuel de français…


Je n’ai jamais cessé pour ma part de m’intéresser aux histoires, parfois certes j’y ai oublié la vie et ses moments difficiles, mais j’y ai appris bien des choses sur la vie et sur moi-même, et sur les gens d’ailleurs…Etant labellisée prof de Lettres (classiques !) j’ai pu sans vergogne quoique tardivement avouer ce penchant populaire pour la lecture « ordinaire » qui allait de pair avec le goût du cinéma « grand public »ou « commercial », les chansons de France Gall et de Julien Clerc , la musique d’accordéon et l’opéra…


Cadfaël, le moine guérisseur d’ Ellis Peters m’a bien aidée à dépasser l’angoisse d’une opération des yeux et autres maladies, pas moins d’ailleurs que son collègue le docteur Rieux, le médecin à l’air renseigné de la Peste. Une page de Patricia Cornwell, un moment avec Le nom de la rose, une pensée de Pascal , ainsi va ma vie de lectrice ordinaire, ainsi sans doute va la vie de beaucoup de lecteurs, « semée d’autant de fleurs » que leur goût des histoires le leur permet…


Je plaiderais si j’avais audience auprès de mes collègues de la maternelle au lycée la cause de cette lecture que Christian Baudelot qualifie « d’ordinaire »


Qu’on ne s’y trompe pas, « ordinaire » n’est pas son contenu, « ordinaire délimite l’espace de toutes ces lectures qui utilisent explicitement le texte à des fins qui lui sont extérieures »[1]. « L’adjectif ordinaire signifie que le livre et l’usage qui en est fait sont pleinement ancrés dans les préoccupations immédiates de la vie quotidienne » […],qu’on en fait ainsi « un usage ordinaire afin de se former et de donner un sens à sa propre vie ». « La lecture ne relève plus de la littérature mais de la vie. 1».


Qu’on fasse de la lecture son ordinaire,


l’école pourrait nous en donner le pli…que cet ordinaire soit du Camus ou du Simenon, ou encore de la lecture savante « qui fait du texte (dans son sens, ses formes, son affiliation à un auteur ou tout simplement dans sa valeur spécifique) l’intérêt et la fin de la lecture »1.


Car si la lecture savante est « viande céleste » pour certains de nous, la lecture ne peut pas être que savante, car ce serait en somme « la mort de la lecture »


Et si l’école est un apprentissage de la vie, elle doit faire place à une lecture de vie.


[1] Et pourtant ils lisent…(Seuil) Christian Baudelot 1999









posted by françou at 2:05 PM0 comments

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