lundi 21 mars 2011

La primevère sauvage,

Quand j’avais 10 ou 11 ans, j’aimais me balader seule « comme un chien que chasse seul » dans les forêts sans danger de mon pays. Je posais mon vélo-sans antivol !- contre un arbre et m’en allais explorer, espérant non surprendre des animaux des bois, mais l’éclosion de fleurs sauvages.
Car que les fleurs poussent sans avoir été plantées m’apparaissait comme quelque chose de merveilleux en soi, indépendamment de leur beauté. L’évocation dans les livres de sous bois de muguets, de creux de montagne où éclosent des narcisses au soleil du printemps, des violettes de l’enfance de Colette, des œillets rosissant la dune Notre Dame de Capbreton, de nappes de colchiques sur le bord humide d’un pré me fascinait.
Et c’est aujourd’hui encore la même émotion lorsque, en quelques jours, sans qu’on sache comment elles sont venues là, l’herbe de notre jardin se couvre à chaque fin d’hiver de quantité de violettes dont l’odeur est perceptible dès le portail franchi…

La famille de mon grand-père continuait d’habiter dans son pays natal une maison de coteau dominant l’Adour. On descendait à la rivière par un chemin boisé, humide, argileux, authentiquement « creux ». Entre février et mars, ses bords escarpés et glissants se couvraient littéralement de primevères. Jaunes pâles en majorité, avec des touffes plus rares déclinant la gamme du mauve, du rose bleuâtre au violet profond.
J’adorais y être à ce moment-là et y ramasser d’énormes bouquets ou de grosses corbeilles de ces humbles fleurs au parfum ténu…




Quand janvier est trop froid, quand l’hiver s’attarde de manière insupportable, je cède souvent à l’impulsion d’acheter à la jardinerie des barquettes de primevères cultivées que je plante au plus près des entrées de la maison afin de les croiser dès qu’on rentre ou sort. Et tout le long mois de janvier, dans le gris de la lumière et la nudité du jardin, leurs couleurs violentes me « requinquent » …






Une fois fanées je les plante par-ci par là selon la commodité, pour ne pas « les perdre » !
Et quand le vrai printemps se pointe, on voit surgir au fil des années de plus en plus de primevères… Des primevères encore et encore, des primevères descendantes des celles-là, ou semées par le hasard du vent…




Mais celles-là, et c’est ce que j’aime, retournent insensiblement à l’état sauvage : du jaune vif d’origine, elles passent au jaune pâle, puis au blanc pur, du rouge vif (ou du bleu ?), au mauve tendre, puis au mauve à peine rosé…les autres couleurs ont disparu : la nature a repris ses droits…









Et comme « pensées sauvages », ces primevères-là, me restituent mes primevères « premières », « primitives », mes primevères d’enfance, les primevères de mon pays…




  
Les violettes de Colette, Les Vrilles de La Vigne :

« Plus mauves... non plus bleues... Je revois des prés, des bois profonds que la première poussée des bourgeons embrume d'un vert insaisissable... Violettes à courte tige... et violettes d'un blanc bleu veiné de nacre mauve, - violettes de coucou anémiques, qui haussent sur de longues tiges leurs pâle corolles inodores... Violettes de février, fleuries sous la neige, déchiquetées, roussies de gel , laideronnes, pauvresses parfumées... O violettes de mon enfance ! »



2 commentaires:

Mmimim a dit…

mes souvenirs sont plus récents et se situent dans le Cotentin où mes parents résident d!epuis 1974...Les talus couverts de primevères sauvages je connais bien et d'ailleurs les miennes viennent de là...De même pour l'achat de primevères de jardinerie...et pour les violettes (dont certaines sont blanches...)qui inondent le gazon et distillent par endroit leur parfum délicat

françou a dit…

Quelle agréable rencontre sur le blog et quel plaisir de se trouver ainsi en connivence
Merci d'être passée me lire!!!
Amitiés Françoise