vendredi 18 mars 2011

Polars que j’aime, le rose et le noir



J’ai horreur des conflits, peur des coups, hantise de la mort. Le sadisme m’angoisse par son existence même. Moi que les chats, les hérissons tués sur les bords de la route, «un chien perdu fait pleurer », moi qui m’inquiète des bobos scolaires des élèves que je refuserai toujours de déclarer « bêtes », qui ne tue pas les araignées , je me demande souvent pourquoi j’aime tant les romans policiers.

La réponse pourrait être que je choisis souvent des policiers « édulcorés », une sorte de série rose des polars.
Des romans souvent d’ailleurs écrits par des femmes, Agatha Christie, A .Perry, Laetitia Bourgeois, Fred Vargas, Dominique Sylvain, Ellis Peter, Patricia Wentworth…etc…. Ecriture féminine ? Où la vision du monde, le regard sur les paysages, les choses de la vie, le quotidien, et le dédale des sentiments, me conviennent, par l’approche des problèmes de la vie et une sorte d’optimisme désespéré, comme le mien…

Mais ce n’est que partiellement vrai.
D’abord parce que même Agatha Christie n’est que faussement « rose », que sous sa vison colorée du monde affleure souvent le tragique , que ses dénouements heureux sont de belles machines à illusions dont on goûte la douceur sans en être dupe.
Il en est de même pour Ellis Peter, l’inventrice de Cadfaël, ou pour Ann Perry dont les héroïnes à la Jane Austen, au féminisme militant, se débattent dans l’Angleterre victorienne , puis la Grande Guerre, avec les difficultés humaines et sociales d’une vraie lutte de classe.

Une version technicolor de ...

 Il y avait de même une « petite » romancière suédoise publiée par la collection du Masque , Maria Lang, que j’ai fort fréquentée quand j’étais jeune , et qui a disparu depuis des rayons des libraires . A l’instar de sa grande aînée, mais dans la Suède des années 60, elle avait créé un monde tout aussi romanesque, que j’aimais je dois l’avouer en tant que tel, mais qui m’a souvent frappée par sa cruauté. Plus encore que chez Agatha, la mort y frappait des personnages auxquels le lecteur s’était immanquablement attaché .Elle nous faisait goûter sous la brutalité du meurtre, à toute l’absurdité aveugle de la mort et du destin, et au regret déchirant de l’irréductible …en somme une version technicolor de Henning Mankell, au fond presqu’ aussi noire, nonobstant la beauté des paysages suédois qu’on croyait y entrevoir, des sous bois de muguet, des forêts obscures, des prairies sauvages , d’un petit port, du grand opéra de Stockholm , des jolies filles vêtues de blanc et couronnées de bougies s’égaillant par les rues la nuit de la Sainte Lucie …

Certes ce ne sont pas là des séries noires et la mort, si elle est tragique n’est guère sadique ou sanglante …
Mais je ne donne pas non plus exclusivement dans le polar-rose…

Si j’évite, pour m’y être parfois aventurée, Dexter ou Millenium, j’aime l’univers de Wallander sa Suède d’horizons plats , de clair obscur, de meurtres sauvages …La jungle urbaine de Michael Connelly. La fascinante Venise de Donna Leone, où le soleil se lève sur de somptueux bâtiments , joue avec l’eau des canaux et de la lagune, mais où par temps chaud s’exalte l’odeur de la vase, et par tous temps les effluves douceâtres de la corruption.Le quartier des Halles et sa faune de Fred Vargas, ses lieux incertains glacials et périlleux , ses échappées de hauts plateaux et d’Océan, (le mien !!!!). tous ces univers ne sont pas exempts de morts saignantes …alors ?

Alors c’est peut-être là ce qui nous attire : les univers qui de tome en tome se construisent: une fois entré, et si l’on y entre, on désire à nouveau en retrouver la saveur comme les lecteurs d’Eugène Sue attendaient chaque semaine, la diligence apportant le feuillet des Mystères de Paris, comme les Maigret , ou la série de «Boulevard du palais » .
Ce sont des univers « codés » et cela nous procure l’intérêt de l’attente, et un certain confort de lecture. On reconnaît, tout en découvrant du nouveau. La structure est claire autant qu’attendue, centrée sur l’énigme à résoudre. Sa tension dramatique est forte et soutient la lecture, en constitue le fil d’Ariane. Tout le plaisir comme dans les standards de jazz, sera dans la variation.
La mort elle-même est aussi en quelque sorte codée, comme circonscrite dans la scène de crime, elle demeure abstraite, comme déréalisée par l’écriture en mots bien plus irréalistes(du moins dans ces romans-là) que la mise en images . Nous ne sommes que spectateur, extérieur, car si elle frappe des personnages parfois attachants ou touchants, elle ne frappe pas ceux sur lesquels se focalise notre identification, dont le
destin est notre principal souci. Elle peut les menacer, suspicion policière, ou exécution de témoins, mais un pacte tacite noué avec l’auteur, que nous connaissons, nous assure de leur immunité….
Sauf mauvaise surprise et trahison du pacte ! ah !! le Meurtre de Roger Acroyd, Oh !!! Les dix petits nègres !!!!

Et puis il y a la ligne claire des héros, détectives et policiers, flics et privés. Dans les romans que j’aime, ils sont là pour conjurer l’horreur de la mort et l’injustice policière et judiciaire des hommes.
Certains sont des déités artificielles et bienveillantes, Hercule Poirot et Miss Marple, Cadfaël,… providences salvatrices qui nous en protègent.
D’autres, les Maigret, les Adamsberg, les Sherlock, les Nicolas Le Floch, ont cette intuition prodigieuse qui déjoue la malignité des esprits criminels et, conjure, y compris à leur propre péril, l’erreur judiciaire…
Parfois ils incarnent simplement l’humain face à l‘injustice et à la violence. C’est le cas de Célestin Louise, de Wallander, du commissaire Brunetti, de Harry Bosch…
Comme Wallander, quelquefois, loin d’être des surhommes , ce sont des hommes et femmes souffrants, dépressifs, angoissés, en quête d’amour ou de bonheur…
C’est en eux que l’on se ressource par empathie contre les horreurs de la condition humaine.
D’ailleurs très souvent, ils se trouvent à leur tour menacés par la violence, l’injustice, le deuil, et s’en tirent plus ou moins heureusement …
Presque toujours dans les romans que je choisis, je les aime… ni mauvais, ni ripoux, ni violents, ni forcément démiurges,... mais surtout capables de réussir à dénouer le roman… !



Finalement à ce point de ma laborieuse réflexion, je me dis que si je sais bien les romans que j’aime, je ne sais toujours pas vraiment pourquoi je les aime… !!!!

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