dimanche 31 mai 2015

Le « voyager » selon ma Mère…


« Le voyager me semble un exercice profitable » Montaigne, Essais III,2 De la Vanité



Ma mère aimait sa maison de Dax, elle aimait y rester, elle aimait y régner !
D’autant plus peut-être, que comme tant d’autres de leur génération, mon père et elle avaient souffert après  la guerre, de ne pas trouver  de maison , ni même de logement assez grand  pour notre famille pourtant pas très nombreuse...

Elle avait donc pensé « grand » lorsqu’ils eurent assez d’ économies pour « faire construire ». Ils  consentirent  bien des sacrifices ( pour eux , et pour nous, ce qu’ils regrettèrent parfois !) pour  la bâtir, cette maison.
Elle en était l’Âme. Elle l’animait de son rire, de son chant , de son enthousiasme passionné et ses colères, de sa cuisine odorante et savoureuse, de ses fleurs et de ses animaux, des amis accueillis sans réticences…Bref, de son énergie à vivre, de sa force à entreprendre et à espérer, de son talent à aimer…
Mais pour autant qu’elle l’aimât, elle avait la passion de voyager, attirée sans cesse vers des désirs d’ailleurs …
Quand nous étions enfants , dans la Celta 4 de Payou, quand il eut une voiture, nous allions par la France, visitions les paysages et les monuments. Je n’aimais guère ces voyages où sur les belles plages crissantes de coquillages, on ne s’arrêtait jamais  pour se baigner,  et l’on  visitait  des églises ce qui me terrorisait (ma grand-mère m’avait conté Oradour avec force détails !)
Moi j’aurais aimé « séjourner »! Je fus comblée par le séjour de 15 jours qu’on fit à Paris chez  leur amie , fantaisiste, charmante, et rieuse quoique la vie ne l’ait guère épargnée…où je pus dévorer châteaux et musées…
Mais dès que nous fûmes assez grandes pour nous « garder »nous-mêmes, sous la responsabilité de nos grands parents, ils nous offrirent des séjours , à Nice, pour la convalescence de ma sœur, à la montagne (pour ma faible santé !), ou même à la maison, ce qui me comblait (piscine, copains et copines )…
.... et ils s’envolèrent (littéralement) pour les lointains pays que leurs livres d’histoire et de géographie leur avaient donnés à rêver…
La Russie, la Hongrie, l’Autriche, la Thailande ,l’Egypte , l’Angleterre , l’Irlande l’Ecosse…Que sais-je encore !!!!
C’est Mérotte qui « désirait »,  organisait, préparait, documentation , bagages, et même la liste du boucher pour ceux qu’elle laissait sur place….Mérotte qui se débrouillait à merveille dans ces pays avec son anglais scolaire et son « sens de l’orientation » !!!
Payou consentait , acceptait , lisait pour se documenter, partagé entre le désir de voir en vrai les monuments et les lieux de ses cours d’histoire et de Géographie , et l’angoisse de partir, de quitter son pays, sa langue ,et  même, quoique pour une moindre  part… sa maison …
Payou prenait les photos, et faisait au retour des montages avec musique de fond et un beau récit enregistré du voyage, bien construit et joliment écrit, qu’il lisait  de sa belle voix  de lecteur épris de lecture orale…
Mérotte s’y essaya une fois, mais sa belle voix de chanteuse s’avéra moins «  magnétogénique » et elle renonça désormais …

Dans ces périples en car, avion, bateau, elle contracta maintes fois angine,néphrite,  bronchite et pneumonie , dut être hospitalisée à Moscou…mais elle revint toujours prête à repartir sans appréhension ,( du moins à ce qu’elle nous en laissa voir !!!!) et ils repartaient !

En Grèce, l’année de mon bac, je fus invitée, et j’en garde un souvenir ébloui …je le fus aussi un an plus tard en Hollande et Belgique (je soupçonne aujourd’hui qu’ils choisirent d’aller moins loin, parce que nous étions trois ….)Je n’en ai gardé qu’une certaine déception de ne pas avoir vu les musées de peinture qui pour moi incarnaient la magie  des Pays Bas. J’avais aussi le cœur ailleurs,avouons-le ! j’avais déjà rencontré Michel et le laissai à Bordeaux…!

Quand je pense à elle, à eux aujourd’hui, je me dis qu’outre le grand bonheur de constuire  un fabuleux livre d’images vraies, légendé d’émotions et de souvenirs, c’était aussi pour elle le bonheur d’échapper au quotidien de la vie qu’elle gérait si bien, aux cuisines biquotidiennes, aux lessives , aux comptes…
C’était surtout  le bonheur des fugues à deux , des voyages de noce multiples qui  compensaient celui qu’il n’avaient pas eu les moyens de s’offrir…
Dans les derniers voyages entra sans doute en compte un sentiment qui se cristallise avec l’âge qui vient, le sentiment du « tant que c’est possible », le sentiment doux et déchirant du « encore une fois !»

Bonne fête Mérotte!!!

Je suis heureuse en pensant à vous aujourd’hui  qu’il y ait eu pour vous deux  tant de « Encore !!! »














                           





Bonne Fête Mérotte 

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