lundi 17 juin 2013

Colchiques... d'Apollinaire à Eddy Louis!

Une composition D’Eddy Louis publiée  sur Facebook par Marion Galliano, et qui s’intitule Colchiques, m’a enchantée par son caractère aérien et sa mélancolie légère…
Et j’ai repensé à ce poème   que j’aime particulièrement :

Les colchiques

 Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne  et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne

Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne


J’ai donc relu pour les écouter les Colchiques Apollinaire...
Que j’ai toujours trouvé musical  à dire … et les correspondances du poème avec des impressions musicales m’ont encore plus frappée que d’habitude !
D’abord il y a suggestion explicite de l’harmonica, du chant du berger, du fracas des enfants …
Et puis il y a les harmonies sonores des phonèmes qui donne une couleur sonore spécifique à chaque strophe, sons assourdis ou continus des e, des i …  ou étirés des â des on, climat de douceur mélancolique !
Puis le Bruit à la strophe deux, la batterie des consonnes occlusives  kkkkk…tttttdt, avec des syllabes courtes, frappées…
Et puis le retour mélodique de la mélancolie piano du chant du berger, syllabes longues et prolongées par les nasales.

Et puis il y a le rythme !
Merveille que ce rythme, celui de l’alexandrin, quatre x trois temps, comme pour quatre pas de valse .Certains vers sont réguliers :
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent  


.. D’autres s’accélèrent comme pas glissés,
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là…
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères …
Ou frappés :
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica…
Ou semblent compter un temps de plus, distorsion légère pour  un temps en suspens (presque un vers impair !)
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent….
Pour toujours….

Bien sûr, que serait une musique qui ne transmettrait pas d’émotions ?

 Et les émotions de Colchiques pour moi  sont profondément touchantes, mélancolie de l’amour douloureux comme un poison lent, que le fracas de la vie joyeuse de l’enfance ne suffit pas à conjurer, que la  douce musique d’un chant apaise sans doute mais  en parlant de départ et d’abandon…


Aucun commentaire: