Une composition D’Eddy Louis publiée sur Facebook par Marion Galliano, et qui s’intitule Colchiques, m’a enchantée par son caractère
aérien et sa mélancolie légère…
Et j’ai repensé à ce poème que j’aime
particulièrement :
Les
colchiques
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de
cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme
cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et
comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement
s’empoisonne
Les enfants de l’école viennent
avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de
l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui
sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont
couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs
battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante
tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les
vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal
fleuri par l’automne
J’ai donc relu pour les écouter les
Colchiques Apollinaire...
Que j’ai toujours trouvé musical à dire … et les correspondances du poème avec
des impressions musicales m’ont encore plus frappée que d’habitude !
D’abord il y a suggestion
explicite de l’harmonica, du chant du berger, du fracas des enfants …
Et puis il y a les harmonies
sonores des phonèmes qui donne une couleur sonore spécifique à chaque strophe,
sons assourdis ou continus des e, des i … ou étirés des â des on, climat de douceur
mélancolique !
Puis le Bruit à la strophe deux,
la batterie des consonnes occlusives
kkkkk…tttttdt, avec des syllabes courtes, frappées…
Et puis le retour mélodique de la
mélancolie piano du chant du berger, syllabes longues et prolongées par les nasales.
Et puis il y a le rythme !
Merveille que ce rythme, celui de
l’alexandrin, quatre x trois temps, comme pour quatre pas de valse .Certains vers
sont réguliers :
Le pré est vénéneux mais joli en
automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
.. D’autres s’accélèrent comme pas
glissés,
Y fleurit tes yeux sont comme
cette fleur-là…
Ils cueillent les colchiques qui
sont comme des mères …
Ou frappés :
Vêtus de hoquetons et jouant de
l’harmonica…
Ou semblent compter un temps de
plus, distorsion légère pour un temps en
suspens (presque un vers impair !)
Tandis que lentes et meuglant les
vaches abandonnent….
Pour toujours….
Bien sûr, que serait une musique
qui ne transmettrait pas d’émotions ?
Et les émotions de Colchiques pour moi sont profondément
touchantes, mélancolie de l’amour douloureux comme un poison lent, que le fracas
de la vie joyeuse de l’enfance ne suffit pas à conjurer, que la douce musique d’un chant apaise sans doute
mais en parlant de départ et d’abandon…
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