Ecrire…
Claudine
J’ai commencé par
aimer les histoires, tant d’histoires… de bibliothèque rose ou de lisez-moi
bleu, de bibliothèque rouge et or ou de bibliothèque verte, de littérature
enfantine ou de littérature à l’eau de rose,
de littérature tout court !
…ou peut-être ai-je aimé d’abord les
« récitations » de ces beaux recueils de poèmes qu’on confia imprudemment à mes mains peu soigneuses… ?
…j’ai même aimé les textes qu’on nous dictait à l’école, de
cette voix solennelle des instituteurs d’alors qui faisait chanter les phrases
et sentir la ponctuation : ô Madame Thérèse découverte un après midi de
dictée pluvieux, et que je n’oublierai jamais…
C’est donc par la lecture que j’ai commencé à aimer la
langue écrite, qui m’offrait tout un monde dont la réalité rêvée ne me
détournait d’ailleurs guère de la réalité tout court que j’appréciais avec la gourmandise de
l’enfance…
Bien sûr à l’arrière plan s’agitait en moi le désir de faire
(Poïen) moi aussi des récits, des poèmes , des chansons …
Je commençais des petits carnets de poèmes, d’histoires, ou
de titres de romans qui allaient être écrits un jour…et ne furent jamais achevés …
Puis ce goût de lire croisa une autre passion, celle
d’élever des poupons, puis celle de « faire
l’école »… !
Claudine à l’école
Je suis donc passée de la lecture privée à la lecture
professionnelle, je suis devenue professeur de lecture en quelque sorte , dont
la tâche était de faire lire, et parfois
aimer, les œuvres du patrimoine aux ados et aux jeunes adultes.
Bien sûr, aussi, de leur faire écrire des textes : Mon métier était aussi d’étudier avec eux les fonctionnements des textes et d’essayer
de leur en faire écrire.
Bien sûr j’écrivais aussi, avec eux , dans les ateliers
« d’expression «écrite » .( Plus tard, on se mit à dire de « production
écrite » , mais j’ai toujours préféré le terme « d’expression écrite »
ou le terme archaïque de « rédaction ».
J’écrivais aussi tous les textes professionnels, de
compositions françaises, et de dissertations, de commentaires qu’on leur faisait écrire…
Plus tard je deviens professeur de professeurs d’école et de
collège et je dus écrire encore plus de textes professionnels et techniques
L’ordinateur était entré dans ma vie, et devenu mon outil de prédilection pour la communication
professionnelle, et pour la production des textes de cours ou de réflexion
théorique à échanger….
Puis ce fut la retraite et j’ai pu découvrir le plaisir de l’écriture « privée » !
Ecrire… pour le plaisir de composer avec des mots un objet
écrit qui ne soit pas destiné à une réflexion didactique et professionnelle, un
objet gratuit, dont je décide de l’esthétique et de la teneur…
La première expérience que j’en fis fut paradoxalement aussi
négative qu’instructive
Incapable de mettre en « livre » mon parcours personnel
d’enseignement de la lecture, trop individuel, trop soumis aux réajustement
perpétuels, j’ai tenté d’écrire ma
conception de la grammaire, ce qu’elle représentait pour moi et comment
je rêvais de l’enseigner…
Mais c’est l’éditeur qui me fit défaut … « trop ceci
…trop cela … un peu trop … un peu pas assez »…
Excédée que ma liberté didactique ne rentre pas dans les formats,
j’ai tourné la page , NON!! …
J’ai confié ces pages au vent du Web, à destination des
surfeurs de la Grammaire !!!…
Heureuse et amusée des quelques échos qui m’en revinrent,
étonnée des chiffres de mon compteur de consultation…
Et incapable désormais de me passer de ce plaisir de
l’écriture !…
Je me suis mise donc à écrire… un blog… !
J’ai bien eu quelques
difficultés à trouver le type de texte à écrire …
J’ai bien gardé des frustrations vagues de roman
« in-entrepris » de souvenirs d’enfance qu’on aurait pu voir imprimés dans un beau recueil, des pages de papier que le vent
feuillète…
Mais j’ai découvert le plaisir de la gratuité absolue…de
l’écriture « à ma guise » !
Les rêveries du Promeneur solitaire
Plaisirs d’écriture…
Le plaisir d’avoir le temps d’écrire .
Revenir sur les mots, sur le phrasé , sur la composition, reprendre
ces mots les raccommoder avec d’autres , gommer, changer, y penser longtemps en faisant autre
chose, avoir phrases en tête, jusqu’à l’obsession, s’installer au bureau ou à
l’ordi et s’angoisser du vide , du mutisme, de la parole
intérieure paralysée, puis voir surgir
soudainement des phrases éparses
ou imbriquées et éprouver l’urgence d’ écrire le texte et de le publier pour qu’il soit LA, présent , existant...
Le plaisir de dire des mots sur des impressions vitales, sur des
émotions intenses, des indignations, des fous-rires ou des sourires, des réflexions banales, des sentiments quotidiens, des expériences anodines, et des rencontres singulières et décisives…
En particulier, la découverte de pouvoir établir avec mes
mots, parfois avec des images , des
« correspondances » avec le plaisir musical.
Aimez-vous
Galliano ?
Mon aventure a en effet croisé l’aventure musicale de
Michel, explorateur obstiné des possibles de cet instrument aussi magnifique
que méconnu : l’accordéon ! et
nos divagations ont alors croisé la
route d’un divagateur inspiré, Richard Galliano, que j’ai en quelque sorte
choisi comme parrain de mon blog, pensant qu’il ne se formaliserait pas de la
multiplicité des types de textes engendrés par ma liberté nouvelle…
Je ne suis pas poète, ni Baudelaire, ni Verlaine, je ne puis
qu’évoquer les connotations et les émotions que provoque en moi la musique …en
empruntant d’ailleurs parfois à
Baudelaire et à Verlaine …
Je ne suis pas musicienne. mais écouteuse insatiable, le plaisir d’en écrire prolonge pour moi le
plaisir d’ écouter…
Et quand de surcroît quelquefois, des amis musiciens me font
la grâce d’aimer me lire, comme en retour de l’intense plaisir de les écouter,
ce bonheur est sans prix !
La minute de Madame
Cyclopède
Et pour autant,
libérée des genres et des codes formels,
adepte du Rousseau des Rêveries, je ne me suis pas affranchie du goût de réfléchir
au processus d’écriture et à l’alchimie textuelle, qui constitua jadis l’axe de
mon activité professionnelle…
J’ai toujours la tentation récurrente de tirer de mon
expérience d’écriture quelques idées d’enseignante ! Mais pour qui , pour
quels élèves attardés sur mon chemin buissonnier ?
Qu’importe, je ne résiste pas à la tentation d’en citer quelques-unes !
-La dynamique du plaisir du choix des mots, des musiques de
phrases,
-Et l’importance du temps qui n’a de mesure que l’exigence
du désir d’achever un texte..
-Le bonheur de tâtonner, de raturer,de changer .
- Et l’émerveillement de l’ordinateur ,cet hyper brouillon
virtuel qui se construit par touches et retouches ..
(ô l’horreur des brouillons non brouillons qu’on devait
laisser « propres », exempts
de ratures !)
…la magie du clavier qui ne craint pas la rature,
l’insertion de lettres, et de mots, et de phrases…
…la magie du couper/coller qui décompose et recompose un
texte, encore et encore jusqu’à l’obtention d’une Composition…satisfaisante !
…la magie de l’ordinateur qui n’empêche nullement d’écrire
aussi sur des blocs, des feuilles, des carnets les pensées, « données »
mais labiles, les inspirations soudaines
et fragiles, de celles que l’insomnie nous inspire et le sommeil nous
reprend…
-La patience d’attendre, le respect des moments
« blancs » d’idées et de phrases…
- Et, pardonnez moi de vous faire repenser à ces empreintes de l’enfance et des apprentissages,
qui marqueront à jamais l’écriture, ces
prescriptions délétères :
« Quand tu écris, n’écris que des phrases courtes et
simples , tu feras moins de fautes d’orthographe et de syntaxe…(!)
Surveille ton orthographe au fur et à mesure, un mot après l’autre,
cherche dans le dictionnaire s’il faut, n’avance pas trop vite »
(M…rescapé de l’écriture ,souvenir d’enfance)
Un petit élève de 6ème ,un merveilleux inventeur
de l’histoire à écrire , pleine de mots , de personnages, d’idées foisonnantes
et inventives, et qui ne rendait jamais que des écrits rétrécis, propres,
corrects , formatés , dévitalisés :
« Le maître m’a dit moins tu écris , moins tu auras de
risques de faire des fautes d’orthographe »
Handicapé incurable de l’écriture…conteur et chanteur inspiré,
par bonheur !
…
Je suis désormais de l’autre côté du portail de l’école où
j’accompagne l’entrée et attends la sortie de mes petites filles Je ne passe
plus le portail que pour aller payer la cantine, excuser une absence, ou assister à la kermesse !
Mais je ne peux m’empêcher de jeter sur la toile
ces quelques grains de sel de « Madame Cyclopède » (ainsi appelions-nous,
mes élèves et moi, mes réflexions pédago-philosophiques…complicité perdue …).
…Ces quelques grains de sel …à destination de ceux qui
aiment écrire et… de ceux qui les font écrire !
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