Fred Vargas a le génie des personnages secondaires
Entre autres talents, bien sûr.
…Sa construction de la tension dramatique, l’étrangeté des situations , qui frôlent le fantastique sans quitter le réel .
Son fantastique, mi- création poétique, mi-inspiration de superstitions traditionnelles dûment documentées (je pense), réside dans l’imaginaire des tueurs et ce ceux qu’ils terrorisent :
Comme le commissaire Adamsberg le dit à sa fidèle lieutenant Rétancourt qui incarne au sein de la brigade les positivismes rationalistes :
« Vous ne croyez pas que les chats noirs portent malheur Violette ? Mais
« Si un homme massacrait des chats noirs parce qu’il est convaincu qu’ils lui portent malheur, vous ne jugeriez pas cela insensé lieutenant ? Pas impossible ? Pas incompréhensible ? »
Alors cercles bleus, signes conjurateurs de peste, bois de cerf, armée furieuse, loup garou, tout un monde poético magique , dont le mystère se résout finalement grâce à l’intuition de Jean Baptiste Adamsberg, intuition nuageuse, mais solutions réalistes et positivistes…
Mais pour moi le génie que je lui préfère entre tous, c’est le génie des personnages :
Je ne parlerai pas d’Adamsberg, création remarquable, ni de Danglard, ainsi nommé du nom du traître policier des Misérables, sa culture encyclopédique et son amour paternel dévorant, ni de Ludwig l’Allemand qui a un crapaud nommé Bufô pour animal familier…
Je pense à ses créations de personnages secondaires, compositions fictionnelles autant que criantes de réalité.
Ces personnages Oulipiens qui parlent en alexandrins, ou à l’envers, à lettres à l’envers, pas en verlan, trop simple !!!
Ces inspirés, de Mathilde photographe à l’art maudit, qui désormais photographie sans pellicule, à Camille soliste violoniste, qui répare les sanitaires, et conduit des camions,
A la hacker distinguée, et virtuose, qui se balade en tennis sur internet la nuit, dans les comptes bancaires et les « égalise »…
Aux quatre historiens dits « évangélistes » qu’a réunis la dèche dans leur « baraque pourrie », qu’ils habitent par étage chronologiquement suivant leur spécialité d’historiens !
De tous ces personnages l’un m’a spécialement retenue hier soir !!!!
Clément, qui se dit accordéoniste, étrange, laid, voir un peu répugnant, simplet, et inquiétant :
-Qu’est-ce que tu fais à Nevers ?
-Je fais des airs d’accordéon sur les places dans la journée et dans les cafés les soirs.
-Tu es musicien ?
-Non, je fais juste de l’accordéon.
[…]
Clément …souleva son accordéon.
-Tiens, dit Gisèle, joue-moi un air, que je voie si c’est pas du flan. Je serai plus rassurée, je m’excuse.
Clément accrocha son accordéon et déplia consciencieusement le soufflet, en tirant un peu la langue.
Puis il joua, le visage penché vers le sol.
Comme quoi se dit Gisèle en l’écoutant, faut pas se fier aux abrutis. Celui-ci était un vrai musicien. Un vrai abruti-musicien.
Et voilà ce qui caractérise ces personnages, les rend marquants et terriblement attachants, une alliance de médiocrité ordinaire ou pire,(réalisme), et toujours une étincelle de talent (poésie/fiction)…
Quelque chose en eux de génial, qui les sort d’affaire, des accusations, des vilenies médiocres, et qui nous sort d’affaire aussi en restaurant en nous l’étincelle insensée de la confiance en l’humain, fut-il médiocre, ou marginal, ou hors normes …
Souvent le soir très tard, quand la nuit se fait insomniaque et de pleine lune, je reprends au hasard, (comme je le fais d’Agatha Christie) une de ces histoires qui me procurent une sorte de confort, dépaysement des décalages, tension dramatique mais sans peur, sensation d’un monde « plein de suspense »mais comme disait Hitchcock « sans surprise » mauvaise…Un monde poétique avec illusion de réel…
Et je peux m’endormir…
1 commentaire:
Tu le «vends» bien.... Je n'ai rien lu de cet auteur, je retiens..quand ma «pile» sera vide...
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