mercredi 1 juin 2011

Rêverie sur la musique D’Astor Piazzolla…

Philippe de Ezcurra et le Quatuor Kairos ont joué Piazzolla à Arthez de Béarn.


Lire Michel :
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2011/05/dimanche-30-mai-philippe-de-ezcurra-et.html

J’ai aimé ce que Michel expliquait de sa perception du contexte, en particulier en le comparant avec le contexte vécu le jour suivant à Marciac, pour le concert de Richard Galliano et Wynton Marsalis Quintet.


En écoutant Philippe et le quatuor, j’étais sensible à la concentration passionnée que tous les cinq mettaient à transmettre leur « culture » Piazzolla. Au visage tendu et crispé par l’effort de Philippe, se détendant parfois dans le plaisir de la musique…à ses explications brèves, simples et lumineuses, du contexte bandonéon et Astor Piazzolla…
J’appréciais leur implication dans le projet, non moins passionné, de l’association de communes et de l’école de musique, pour offrir ce concert à un public pas forcément informé mais remarquablement disponible…

Et toute au plaisir d’un programme entièrement consacrée à Astor Piazzolla, je laissais ma pensée vagabonder au fil des impressions que soulève en moi cette musique…
Tempo, pulsation, scansion …caractéristiques, enlevés, jamais mécaniques quoique repris encore et encore, inimitables, puissants, vifs, mais aussi lancinants et comme tragiques à la fois…
Thèmes remarquables, mélodieux, harmonieux, de ceux qu’on ne peut s’empêcher de chanter dans sa tête, mais aussi déchirants, progressant en intensité comme la tension dramatique de la tragédie classique …

Et tout à coup, en pensant aux titres du programme, au Kairos du quatuor et au quatuor Chronos qui est leur référence, je les trouvais évocateurs, pas comme ceux d’une musique descriptive, plutôt comme symboliques , connotant en moi des impressions et des sentiments…
D’abord les Five tangos Sensations … Derniers tangos, ces presque dernières créations ont la coloration du climat sombre d’une fin de vie, d’un temps qui passe inéluctablement, comme le marque le retour répété du thème et de la pulsation : « Anxiété », « Peur »Même « Loving », « dans l’Amour », est marqué d’une grave mélancolie, comme de l’angoisse de la disparition de l’amour même…
Un peu plus tard , dans les saisons d’Astor, peu descriptives , plutôt évocatrices, connotatives d’un climat « Porteño », en hiver , en été, à l’automne, je me dis que l’été lui-même, après un moment franchement allègre, n’échappe pas à la prémonition de son déclin prochain…Finalement, dans les œuvres de ce concert, tout me semble placé sous le signe du temps : Kronos, le quatuor du dernier temps de sa vie, Kairos, le quatuor qui lui répond aujourd’hui, en un écho à la fois à la fois « a tempo » et en « un temps opportun » …
Les saisons, manifestations visibles du temps qui s’écoule, qui de surcroît portent chacune en elle des signes de leur fin prochaine. Oblivion , Adios Nonino, qui célèbrent le passé enfui. Michelangelo qui chante glorieusement la naissance du monde…et la Milonga del Angel, si belle, mais dont nous savons que quelque part lui succède la partition de la Muerte del Angel…

Je pense alors à Daniel Mille qui sait si bien célébrer tous ces moments transitoires où se perçoit sensiblement le passage du temps, l’attente, les crépuscules, entre chien et loup, après la pluie….

Seuls ce soir, Escualo, son souffle de grand large, le combat animé du pécheur et du squale, apporte une évasion presque joyeuse…et Libertango, un vent de libération, du rythme obsédant du Tango, en un rythme et des figures nouveaux…

Et nous nous quittons, enchantés de musique et des images et « Sensations » qu’elle a fait jaillir en nous…



Encore une fois, je reste intriguée par l’amitié de Galliano et de Piazzolla, car il ne s’agissait pas que d’admiration et de révérence, il s’agissait bien, Galliano le dit, d’une amitié entre les deux couples , Giselle et Richard et Laura et Astor…Ecoutez Laura et Astor...

 
Je suis frappée du fait que la musique de Piazzola ait si nettement inspiré certaines œuvres de Galliano (le tango pour Claude) ou certains aspects de sa musique (le projet de faire du NEW…, certains rythmes, la puissance mélodique….).et qu’à la fois la musique de R.G. si totalement différente, résultant d’une créativité si divergente et foisonnante et d’un style si remarquablement autre. Car si parfois elle fait chanter les graves , se fait méditative et comme recueillie, chante aussi le passage du temps dans les saisons de la vie, évoque le souvenir des amis disparus, célèbre les grands musiciens vénérés, dans sa musique, toujours l’emporte une sorte de force vitale, d’allégresse, de Joie, sinon de vivre, du moins de jouer . Grave ,elle peut l’être en certains moments, et pensive, mais elle est rarement nostalgique…

Et jamais tragique !!! Toujours emportée par la puissance mélodique d’une musique qui chante et par le souffle de la vie …et de l’accordéon…

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