Sa vive intelligence et ses yeux de mer m’ont donné envie de rouvrir ses Carnets de voyage…
Et, ainsi vont mes divagations , ses carnets me redonnèrent à penser à ce carnet de voyage de « fiction » qu’est l’album de François Place : Les derniers Géants…
Car ces carnets, même si l’ un parle de voyages réels et l’autre d’un voyage inventé sinon fantasmé, ont pour moi quelque chose de commun, par le style des croquis étroitement liés au récit, et par la quête racontée, de l’étranger, voire même de l’étrange :
Emporte-moi wagon, enlève- moi frégate !
Loin ! loin !...............................
(Baudelaire, Maesta et Errabunda)
Bien sûr le carnet de Titouan possède toute la magique puissance du réel, ses remarquables croquis sont chargés de la vérité des gens et des lieux, son texte dégage sa poésie de la réalité de pays véritables, et d’ailleurs, aussi ,mythiques…
Les Pyramides d’Egypte enserrées dans une banlieue « au brouhaha pétaradant que rythme une épouvantable symphonie dodécaphonique de klaxons,»
L’ hôtel où flottent les ombres d’Agatha Christie et de « Tonton » mourant , le Nil et les felouques , « un type de voilier qui n’a pas chaviré depuis deux ou trois mille ans »…
Cuba..
La Grèce, ses îles,
Le Bénin, la Mecque du vaudou…
Tous ces pays bien réels éveillent dans les carnets de Titouan d’étranges échos, culturels et magiques .
Les personnages vrais de ses dessins s’imposent par leur existence, la présence de leurs regards, en même temps que leur étrangeté…
Alors rien d’étonnant qu’ils appellent dans ma mémoire culturelle les personnages fictifs du carnet de voyage de François Place, non ! d’ Archibald Léopold Ruthmore, érudit anglais du Sussex, dont le cours de la vie se trouva bouleversé par l’achat d’une étrange et énorme molaire couverte de dessins dont une minuscule carte de géographie, qui s’avéra après de nombreuses recherches celle du « pais des géants »…Parti en 1848 sur la piste tracée pour un aventureux voyage, il en tint le journal, dessins et récit...
La réalité du Sussex, point de départ de l’expédition, de Martaban, en Birmanie , du Salouen, du fleuve noir, se brouille peu à peu , au fur et a mesure qu’on s’enfonce entre les falaises du fleuve noir, dans la jungle « d’un tunnel de verdure » « infesté de moustiques et de sangsues » , « encombré de racines gluantes » « saturé d’odeurs lourdes d’humus et de moisi… »
Le voyage tourne au cauchemar jusqu’ à la découverte de la piste des pas de Géants, la piste initiatique d’ un monde, où ces êtres bizarres tatoués sur tout le corps d’étranges dessins, survivants de la mythologie, rescapés de l’histoire et de la « civilisation », allient la force et la tendresse, la solidarité et la bonté, la joie du jeu et la contemplation, et parlent un étrange langage de phrases musicales…
Victimes toutes désignées pour les explorateurs savants et « civilisés »que Rtuhmore par vanité et naïveté met sur leurs traces…
On comprend bien alors qu’à l’instar du Robinson de Michel Tournier, Archibald Léopold refuse à jamais tout retour dans son pays et se fasse marin, « simple matelot de la marine marchande », « ne voulant pour tout horizon que la mer et le ciel » et «dans chaque port, se faisant tatouer sur le corps un conte, une légende, une chanson" ou « racontant aux enfants qui l’entourent le nez pointé vers lui, les beautés de l’océan et de la terre… »
Toujours en partance vers un Ailleurs sans tourisme, vers l’Utopie d’un pays fraternel…
Emporte-moi wagon, enlève –moi fégate…
Loin loin ,ici la boue est faite de nos pleurs !
Vers un autre océan où la splendeur éclate
Bleu, clair, profond ….
1 commentaire:
Quelle belle histoire d'amitié et de trahison ! Et les illustrations de François Place la servent à merveille. Du même auteur j'aime aussi beaucoup "Siam", l'histoire de l'éléphant du même nom racontée par son celui qui fut son soigneur au zoo de Vincennes... J'ai eu l'occasion d'admirer aussi de très beaux carnets de voyage lors d'une exposition à la bibliothèque d'Annecy. Cela fait rêver et j'eusse aimé pouvoir en créer d'aussi beaux, mais je n'ai pas ce talent...
Edith
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