Enfant, j’aimais crayonner , crayonner, crayonner…des silhouettes de femmes, d’enfants, des paysages, des jardins, des ciels nuageux, des arbres dans le vent, de la neige, des ombres … mais je n’ ai jamais rêvé d’être peintre.
Dessinatrice de mode…, cela j’en ai rêvé…quand Yves St Laurent, avec sa silhouette d’ado dégingandé, devint prince chez Dior.
J’ai appris un peu à jouer du piano. Je passais de longs temps à m’essayer à des improvisations improbables (le jeu de mot est tentant ) qui ne ravissaient que moi… mais j’ai toujours su que je ne serais pas musicienne…
En revanche, dans ma tête, les soirs à l’heure où l’on va s’endormir, ou quand j’étais malade , nichée au chaud de mon lit, ou sur le vieux canapé de la salle à manger, j’inventais des histoires sentimentales, je me disais à mi-voix les mots, les phrases et les dialogues …
Plus tard à l’école, j’aimais écrire des récits. J’étais championne de rédaction !
Hors de l’école j’écrivais sur un petit carnet des débuts d’histoires, et des titres, et des titres pour mes histoires à venir…
A quinze ou seize ans j’épanchais mon romantisme, mes émois sentimentaux, dans des petites chansons ou de courts poèmes que j’aimais ressasser, rectifier, arranger jusquà éprouver en me les disant comme un sentiment d’évidence, une émotion d’être parvenue à quelque chose d’accompli…
Je crois que j’aurais aimé écrire. La difficulté, c’est qu’au cours des ans, j’avais perdu la capacité d’inventer des histoires, ou que je ne réussissais pas à imaginer des personnages distants de ma personne , et des êtres vivants que je connaissais.
Souvent par la suite en écoutant les romanciers parler de leurs personnages, j’ai été frappée de les entendre en parler comme d’êtres vivant d’une existence autonome, qui en quelque sorte leur échappaient…Je crois que je n’étais pas capable de concevoir des êtres totalement imaginaires, ou des lieux qui ne seraient pas conformes à la réalité, ou des situations sociales réalistes, sinon véridiques . Prisonnière de la vie en somme… !!!
Alors bien sûr ma potion magique, ce fut de lire les histoires des autres, d’étudier à satiété comment ils s’y prenaient, les autres.! J’en fis même mon métier et découvris en enseignant la passion de partager les passions. Ou même quand je le pouvais, ce fut de me laisser conduire, lectrice in fabula, dans les vies que ces démiurges avaient le pouvoir de réinventer,entre les personnages qu’ils créaient, plus vrais et mieux composés que les vivants, dans leurs univers inventés mieux construits que la vie même…
Amateure, amateure pour toujours…condamnée à aimer toujours les histoires des romanciers, les croquis des peintres, la musique des musiciens .Plus que tout fascinée par les musiciens dont la création est pour moi la plus inaccessible.
Parfois encore je le commence cet impossible roman , je L 'AI, ce texte plus fort que la réalité... et puis il s’interrompt, se délite, se perd dans les sables …je me fais voler mon titre…
Et je m’interroge alors sur cette force créatrice dont des auteurs, même médiocres, disposent.
Il y a sans doute un talent qui me manque, une incapacité à me déprendre du réel, ...
Mais aussi il y a la vie qui semble me « presser » avec urgence…
Pour moi, il y a toujours un enfant à soigner d’abord, un enfant à écouter, un enfant avec qui jouer à des personnages inventés, un enfant à qui lire des histoires..
Il y a toujours un repas à préparer, un ourlet à refaire, le chat à caresser, un être cher à écouter, une classe à préparer, un cours à rédiger sur la création littéraire, des écrits d’élèves à apprécier, pas forcément tout à fait dépourvus de talent…
Il y a mon amie qui désespère de sa vie…
Il y a la mer qui m’appelle, la vague qui va, et vient nous tirer par les pieds …
Il y a la montagne qui s’enneige en un jour…
Et les arbres qui se dénudent et révèlent leurs branches, qui vont de manière éphémère mettre des bourgeons rosés, puis se couvrir d’une poussière de printemps à peine verte à la pointe des rameaux…
Il y a la neige qui risque survenir un petit matin trop tôt pour qu’on l’ait vu tomber .
Il y a Richard à aller écouter au Sud d’Arles et qui joue si bien que ce sera du bonheur, et Renaud Garcia Fons sur la linea del sur, et Daniel Mille qu’on a tant attendu et qui nous attend,et la trompette de Paolo Fresu qui sonne le rappel…
Il y a le roman où mes lunettes marquent la page à reprendre…
Bref il y a... la vie …
Alors on pourrait conclure avec Montaigne répondant à qui lui dit :
« Je n’ai rien fait d’aujourd’hui… !
-Eh quoi !!! N’avez-vous pas VECU ??"
Ainsi pourrait-on conclure si lui justement n‘avait pas fait une œuvre…
Et quelle œuvre !!!
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