vendredi 17 décembre 2010

Agatha Christie, Crèmes et châtiments…

Comme je l’ai déjà écrit dans mon blog, j’ai toujours aimé Agatha Christie, en tout cas depuis que j’avais 18 ou 19 ans, à l’époque de ma licence de lettres, une époque où elle n’était guère avouable parmi les étudiants de littérature. Elle faisait partie de ma marginalité, comme Camus qu’il était alors de bon ton de considérer comme un gentil « humaniste » plutôt que comme un vrai philosophe - c’est Sartre qu’il fallait préférer-, et comme Voltaire qui, loin de la pensée visionnaire de Rousseau !, était coupable de surcroît de sympathies bourgeoises, capitalistes, et négrières, possesseur d’ actions sucrières etc..…etc…bref je me délectais,mais en l’avouant sans l’avouer, de la Peste, de Candide, et…d’Agatha.

Hier Michel est donc revenu du Centre culturel Parvis (Leclerc.. ) avec un petit cadeau:


Crèmes et châtiments 
Recettes délicieuseset criminelles
 Agatha Christie

Anna Martinelli et François Rivière-photos de Philippe Asset, ed JCLattès Le Masque



Je ne m’intéresse jamais beaucoup au contexte des œuvres que j’aime lire. Pour moi elles ont un fonctionnement en-soi à l’intérieur de leur système de textes, de thématiques ou de personnages ; c’est là que se nouent les contrastes, les rapprochements, et les perspectives, où pour moi se construit le sens …

Je ne sais donc si j’aurais acheté ce livre moi-même, j'aurais eu bien tort de ne pas le faire, car  j’ai trouvé grand plaisir à le lire …merci Michel !!!

En collectant au fil des romans des recettes ou des plaisirs gourmands , c’est l’image d’une femme que les auteurs esquissent en arrière plan : gourmande de thés et de muffins, d'énormes piques niques, de double crème, de breakfasts anglais, mais aussi de baignades en mer, de promenades, de voyages, de vie en un mot, voire de liberté et d'amour…une femme qui n’est pas sans rappeler sa contemporaine Colette, dont Willie, son neurasthénique mari, aurait dit avec une pointe de lassitude : « Elle aime tout !!! » ou Coco Chanel…

Je prends conscience en le lisant que les goûts alimentaires ne sont pas anodins et qu’ils contribuent à construire les systèmes des personnages
A Hercule Poirot, Belge, gourmet « continental », grand contempteur de la cuisine anglaise, le sucré hyper doux presque écœurant, à Miss Marple le raffinement des vrais muffins, et des scones , de la bonne tasse de thé bien chaud bien sucré offert comme remède aux angoisses des victimes , à Ariane Oliver la boulimie des fruits frais, des pommes en particulier, dont les trognons rognés traînent partout…aux Aristocrates de Chimney, les substantiels breakfasts , les repas de Noël avec force gibier et volailles…

En fait l’ évocation de la nourriture contribue à construire un monde romanesque en lui donnant une réalité sensible, par ces petits détails dont le lecteur se dit « on n’aurait pas pu l’inventer *» . Réaliste certes et à la fois tout à fait fictif, et pour nous exotique tant ces détails marquent ce monde comme appartenant à un autre temps, un autre pays, une autre classe sociale. Un peu comme dans les films d’Hitchcock ou certains films de F.Ozon, ou les adaptations d’Agatha Christie par P.Thomas….

A la fois lui donnant présence et dépaysement …l’illusion du réél, mais d’un réel inventé et étranger…

Ajoutons enfin, comme en témoigne le titre que toute cette nourriture délicieuse sert bien souvent «d’appareil**»à des poisons raffinés ou violents, qu' en tous ces délices peut ou peut ne pas, et c’est là l’ambigüité d’Agatha Christie, se loger la menace de la mort …

« Prends garde à la douceur des choses », prends garde aux délices de la vie…

Mais surtout n’oublie pas de les savourer….






*le secret  du réalisme selon Diderot
**au sens culinaire du mot bien sûr..


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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Françoise, en sus d'une photographe émérite, d'une lectrice subtile, tu sembles être une vraie épicurienne ! La gourmande-gourmette que je suis te rejoint totalement : tu m'as donné faim avec ce billet et ces photos... Et il est vrai que l'image de la vieille dame qui vient spontanément lorsque l'on évoque Agatha Christie occulte la femme qu'elle a été et que j'aime lire aussi. Ah, et ceci n'a rien à voir, mais je croyais avoir enfin compris comment fonctionne le compte google ! Mais non, finalement, je retourne donc à mon anonymat !
Edith

françou a dit…

J'ai grand plaisir de te retrouver pour te remercier de tes pertinents commentaires et te souhaiter bonnes fêtes de Noël.C'est vrai que ces femmes du XX°s avait quelque chose de fascinant .Pour le compte google, même moi parfois ça marche parfois moi aussi je retourne à l'anonymat...
Amitiés,
Françoise