Trois petits instantanés de mon Père…
Nous habitons déjà dans la maison de Dax…
La canapé est dans l’angle de
la salle à manger . près du radiateur .
Mon père est assis , jambes
enroulées, posées sur le radiateur : c’est sa posture favorite.
Il lit, à l’époque il n’y a
pas encore la télé chez nous …
Je suis assise à côté de lui et,…
je suce mon pouce !…
Ce que j’aim, quand je suce
mon pouce c’est de l’autre main, ne m^me temps, caresser mon oreille, même que
j’ai fini par m’y faire un petit cal…
Mais lovée là, à côté de lui, c’est son oreille
que je tiens …
Il me dit :
- pourquoi mon oreille et
pas la tienne ?
-Parce qu’elle est plus
fraîche !
Il rit…
C’est l’été, un été chaud ,
une fois n’est pas forcément coutume dans nos Landes!
Dans ma chambre, où la porte fenêtre plein sud
inonderait la pièce de soleil, le store –on appelait ça les roulent-doux ou « rouldous » ?
est baissé…
Je suis malade, j’ai chaud ,
la lumière dans la chambre me semble
vibrer…
Payou est assis au pied de mon
lit, bien au pied, pour ne pas me faire trop chaud, et pour profiter de la
lumière qui passe au bas du volet : il lit…
Il me lit des livres , de sa
belle voix mélodieuse au joli phrasé , de sa voix de lecteur convaincu , de sa
voix de lecture à voix haute, la lecture telle qu’il l’aime…
Hier il m’a lu Tartarin de Tarascon, j’ai aimé –assez (!)-ce
texte, qui m’est complètement étranger,…sans doute pour cette étrangeté même,
et je me suis endormie , engourdie dans la chaleur et la fièvre, mais détendue
…
Aujourd’hui il me lit Madame Thérèse , et c’est une bien autre
affaire…Madame Thérèse, que j’aime,et
aime encore aujourd’hui..dont certaines phrases chantent encore dans ma mémoire,
les mêmes qui faisaient surgir pour moi un paysage hivernal magique, et le mirage
de jeux enfantins imaginaires:
« Un matin, je vis que l’hiver était venu. Sa blanche lumière remplissait
ma petite chambre… »
Je m’endors dans la fraîcheur
d’un rêve de neige…
C’est toujours dans la salle à manger à Dax…
Au-dessus du canapé il y a une
grande glace … Mon père passe, sortant de son bureau, son cartable à la main.
Il a mis son trench coart gris vert, bien ceinturé , il l’appelle son imperméable , c’est sa tenue
de vélo . Il va partir travailler …
Il rajuste son chapeau…
Il se regarde, se redresse
légèrement, rentre le menton…
Il y a dans ses yeux une
certaine satisfaction et beaucoup de sérieux dans le demi-sourire qu’il adresse
à son propre reflet…
Année après année, quand il se
regarde, une ombre légère vient voiler ce demi-sourire, un peu d’inquiétude assombrit
légèrement sa satisfaction, et trouble le sourire à son reflet…
3 commentaires:
Oui.. tes parents... je les vois et les entends encore....dans cette lumière tamisée du salon de la maison de Dax....j'entends la vois puissante de ta maman, et, celle plus nuancée de ton papa...et, sa tête un peu penchée ,le visage éclairé d'un sourire perplexe nous invitant à la modération...une tolérance si fine...Oui , l'oubli n'est qu'un mot...!Le cœur n'oublie pas...
Merci Annie pour ces souvenirs si justement décrits qui témoignent que tu n'oublies pas .Les lire a suscité en moi une émotion profonde ... que j'ai aimé à partager avec toi...Très amicalement ,
Francoise
Je ne sais pas si je peux parler de souvenirs....tant les images, les voix , les senteurs sont vivaces en moi...on ne peut pas accepter que tout se soit envolé...sans qu'on puisse le retenir...parfois, j'aimerais pouvoir ne plus penser.. On ne peut se détacher de l'enfance....malgré ttes les joies du présent...Bon! je suis aussi parvenue à une certaine sérénité...Amitiés sincères
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