Hier nous avons rencontré deux collègues et amis…
« Pluie, beau temps et autres choses diverses :
-Que faites-vous ce soir ?
-Nous allons écouter le concert d’un copain…Philippe
- A Odos, il joue en solo Bach, Ravel, D’Astier…
- En solo de quoi ?
- A l’accordéon ? (un temps, un sourire, une incrédulité) du Bach à l’accordéon ?
Et nous d’expliquer qu’il existe beaucoup d’accordéons de concert et d’accordéonistes qui jouent du «classique » …
-Remarquez Yvette Horner, (rires) ….patati patata …elle était extraordinaire … »
P . est un collègue avec qui j’ai partagé jadis beaucoup de convictions pédagogiques, bien des affinités culturelles, et plus, des convictions éducatives et philosophiques …
Nous essayons de décrire, d’expliquer …mais je sens bien que c’est peine perdue.
Sa compagne C. , femme discrète et adorable, finit par placer un petit aveu confus :
-Moi, j’aime assez …
Je sors alors mon atout Cœur :
- Quand on écoute Galliano, on prend bien conscience de la diversité et de la beauté du son…
Alors, Elle :
-Mais oui , Galliano !!!! Galliano quand même, c’est très bien…
Sésame ouvre-toi !!!
Merci Richard, comme tu as dû en baver…
P. ne dit rien. Peut-être,( comment est-ce possible ?)Peut-être ne connaît-il pas Richard Galliano ? J’espère qu’il ne confond pas avec l’autre, le John !
J’abandonne la partie, je ne veux pas gâcher le souvenir de tant de temps de connivences …et nous voilà repartis sur des terrains plus communs, joyeux et un poil nostalgiques…
Mais bien sûr Madame Cyclopède a du grain à moudre…
Je m’interroge encore une fois sur cet ostracisme qui frappe l’ instrument « mal-aimé » :
Est-ce le son de l’accordéon ?
Cette qualité de sonorité capable de toucher physiquement, de susciter parfois l’émotion à fleur de nerfs, à fleur de peau, à fleur de coeur .
« Ça lui entre dans la peau…. »
Ou bien la capacité qu’il offre de produire de la virtuosité, un déluge d’ornements, de vibrer jusqu’à la stridence… ? Effectivement parfois insupportable ?
Mais bien d’autres instruments, le violon, tzigane par exemple, la trompette, la flûte, et la clarinette, même l’intello piano, peuvent produire ces délires sonores qui, selon qui en joue, peuvent agacer les nerfs ou au contraire chanter les transports de l’esprit et des sens…
Est-ce alors parce qu’il est « gens du voyage », bagage à bretelles d’un nomade de la musique, vagabond un peu magicien, un peu inquiétant…parce qu’il est de tout pays en gardant au cœur le souvenir de ses racines.
Ou alors parce qu’il est un adepte de la transgression, des églises luthériennes aux bordels de Buenos Aires…des campagnes argentines aux faubourgs porteños…trimballant tour à tour nostalgie et révolte, folie et désespoir de l’amour , douceur et mélancolie de la tendresse…
Ou alors au contraire, est-il trop marqué, trop enraciné « France profonde » , bruyères corréziennes, balloche rurale, ou bien prolo de chez prolo, java de Paname, et bal musette…rital de chez Renaud dansant aux guinguettes… ???
Ou bien chanson française bon teint, lisse, chromé, étincelant, dents blanches, sourire Pascal Sevrant…
Bien sûr il est tout cela mais il est aussi un instrument aux registres multiples, un orgue portatif, un instrument qui respire comme le vent sur la mer…
En plus il est de bonne compagnie , un bon camarade qui aime s’accorder joliment avec les cordes, le violoncelle, les violons et la contrebasse, s’enlacer aux guitares, et aux mandolines, dialoguer avec le saxo, la trompette, et le piano , jouer les contrastes avec le trombone, un compagnon qui adore batterie et percus, et excelle à introduire de la continuité dans le jeu des xylophones et de l’organ Hammond ….
Il peut se souvenir de la baloche, des bruyères, de la fisarmica italienne , du tango d’argentine, du foro brésilien, des plaines russes, mais il peut être tout à fait autre…
Certains alors tentent de lui confier Couperin, Bach , Chopin, Satie, Tchaïkovski, Shubert…
D’autres tentent de rompre les racines, de jouer Berio, Cavanna, Frank Bedrossian …
D’autres enfin tentent tout !
Pour qu’il soit tout à fait le même et tout à fait un autre…ils ont tenté de faire du New , du Novo, avec du Déjà là , parce qu’en fait, c’est toujours la Musique et que de la Musique avec cet instrument là, on peut en faire si on l’aime comme un vrai Musicien, de la belle, de la bonne, de la qui rend heureux et apaise les labeurs…
Je crois qu’ils ont réussi !
1 commentaire:
Je n'ai pas grand chose à dire à part de vous remercier d'exprimer si bien mes propres émotions, de dire aussi exactement ce que ce que j'ai commencé à découvrir il y a quelques années. Vous-même et votre mari me précédez je vais tenter d'en recueillir quelques fruits.
Merci pour ce texte remarquable.
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