dimanche 6 février 2011

Hyacinthe et Rose, François Morel, petite variation sur La Rose et le Réséda

Hyacinte et Rose , François MOREL , Martin JARRIE ed Thierry Magnier

Petite variation sur La rose et le réséda, « celle qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas… »

Pour Edith , lectrice amicale et fidèle de mon blog, qui m’a signalé ce livre…

J’ai donc cherché et acheté Hyacinthe et Rose. Au rayon littérature de jeunesse, je ne l’ai pas trouvé, on m’a indiqué qu’il se trouvait rangé au rayon livres d’art, la responsable du secteur jeunesse m’a dit : « je regrette un peu…mais on a hésité …. »

C’est bien un point de vue d’enfant que choisit François Morel pour son récit. Hyacinthe et Rose, ce sont ses grands parents, l’une était catho, l’ autre était coco. Ils ne s’entendaient en rien et se disputaient en tout. Un seul chapitre les unissaient, l’amour des fleurs …

Enorme format pour ce beau livre , dessins de fleurs pleine page de gauche..Peinture de fleurs , hyper précise sans être hyper réaliste car la pâte épaisse de la peinture, la taille de l’image et le grossissement de l’objet qui en résulte, donne une impression d’irréalité , en dépit du réalisme minutieux des formes et des détails…


Une vision comme faussée par un regard pseudo naïf…

Les textes de F.Morel ont la saveur d’une tendre dérision, ses énumérations un charme presque rabelaisien…
Grands parents que tout divise, hors les fleurs, parents dont la représentation de leur jeunesse lui cause un vague malaise , curé à la faconde enthousiaste et débordante, Tata Noé dérangeante et moderne, aux pratiques culturelles- et pire, culinaires -inédites… Ses personnages habitent le texte d’une vraie quoique fantaisiste présence.

De la multiplicité de fleurs rares aux noms savants que décrit Le livre, ( Hippolyte Langlois, Le Nouveau jardinier fleuriste) et que leur amour fait pousser dans le jardin, céanothe, hyspope, tulipes fritillaires, garrya elliptica, rosage arboreum… Hyacinthe et Rose tirent la Poésie « les coquelicots et puis les roses… » de la vision du cosmos en fleur la Philosophie du monde, et de fleur en fleur voyagent autour de leur jardin à travers les pays qui les produisirent…,
Robes de grand mère en nylon, c’est le progrès, fleuries, c’est évident, bleues, ça va avec tout, mauves, ça change...
Roses rouges du grand père pieusement cultivées pour les funérailles de ses compagnons cocos…qui loupent la circonstance faute d’ être fleuries on time..
Bouquet de digitales triomphalement cueillies et offertes par l’enfant, heureusement jetées en toute hâte par Mémère affolée…Ses « désespoirs de peintre » petites fleurs minuscules si légères et frissonnantes, qu’on ne peut les peindre …
Episodes enfantins, la leçon de conduite , le souvenir des fleurs poussées dans un vieux pneu dans la cour de la ferme voisine, la jonchée de pétales pour la fête Dieu, les « embuscades » de Hyacinthe , « pièges alcoolisés », partagés au café des Sports avec les copains , ou plutôt les camarades, …Morts partagées de Rose et de Hyacinthe…autant d’épisodes malicieux ou mélancoliques qui nous parlent de notre enfance …

Mon grand-père s’appelait Alexis pour Julie, ma grand –mère. Pour nous, c’était Lexou, ce qu’elle ne manquait jamais de relever comme irrespectueux. Elle était catho, il était coco, cégéto, chemino à la Compagnie (du Midi !). Dégradé après avoir fait les grèves de 1936, ce dont il n’était pas peu fier. Elle, d’une foi fidèle, me fit partager ses messes de minuit, ses Rameaux de Pâques, ses visites d’églises de Semaine Sainte. Dixième enfant d’une famille basque, cousette d’espadrilles, apprentie tardive de la langue française, elle restait attachée à son pays de Mauléon mais adora émigrer en ville, et voyager autant qu’elle le put. Citadine prosélyte, elle n’aimait que peu les fleurs et pas du tout la campagne. Si Lexou n’aimait pas les fleurs non plus, il demeura toute sa vie le terrien qu’il n’avait pu rester, fils cadet d’une métairie qui ne pouvait nourrir deux enfants. Il aimait cultiver, bêcher, soigner les légumes, planter les pommes de terre dans les massifs à fleurs de ma mère, et ce talent nous rendit bien service dans toutes les années d’après guerre. Ma grand mère Julie, outre la ville, aimait la vie « moderne », les postes de radio, les appareils électriques, le couvert raffiné, et aller dans les marchés urbains de sa ville de prédilection, Bordeaux…Pour assouvir leurs différences ils se séparaient souvent. Ma grand mère allait visiter ses sœurs de Ch’Nord, mon grand père venait cultiver notre jardin ou celui des « cousins de Bonnut ». On se retrouvait tous à Bordeaux, ou chez nous, à la maison, et ces retrouvailles étaient douces à l’enfant que j’étais…Après la mort de Lexou, elle épousa sa foi dans le parti et la lecture de l’Huma, comme pour une ultime fidélité …sans cesser pour autant d’aller à la messe !




Comme la Maison de Claudine, ce beau livre n’est pas un livre pour enfant, c’est un livre sur l’enfance, un livre qui fait du bien aux adultes en mal d’enfance…




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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Françoise ! J'ai suggéré à ma collègue du secteur adultes de la médiathèque où je travaille de proposer ce livre aux adultes...
Edith

elisabeth a dit…

Une belle découverte. La vie des autres est toujours touchante et en plus quand c'est bien raconté. Merci et bon dimanche.