Et pourtant, je
n’aime guère les contes de fée !
Et pourtant, c’est encore une affaire d’éternel féminin !
Il faut dire
que même s’il s’agit bien d’ « éternel féminin »
c’est plutôt son autre versant qui s’incarne dans la Belle. Belle
toujours, affectueuse et tendre, fidèle a ses engagements, courageuse et
intrépide. Bref ! rien de la petite gourde effrayée et gaffeuse qui se met
dans des situations impossibles, et ne s’en sort à tout coup que grâce à la
force d’ un héros masculin, que notre féministe Anna Maria Belotti décrit en
Cendrillon ou Blanche Neige.
Belle, vivant contraste avec ses sœurs, qui, elles,
sont bien des gourdes à la Anna Maria
Bellotti, est pleine d’initiative et d’esprit d’entreprise…
Néanmoins comme le
Petit Chaperon Rouge, elle n’échappe pas à la fascination de la puissance du
loup et à la séduction de la bête, ni
non plus à l’espoir de la conquérir et de la transformer…
C’est bien une
héroïne qui ne détonerait pas dans les
romans à romance , les romans à l’eau de rose que nous aimions ados , et
que disons –le, nous aimons encore souvent(mal dégagées sans
doute de l’éternel féminin dans lequel nous fûmes élevées) , pour peu que
leur écriture soit un peu subtile et
raffinée…
La Belle et la Bête
fut longtemps pour moi un souvenir très enfantin, d’un conte raconté ou lu sans
autre fioriture que son récit évènementiel, dans une édition banale dont je ne
garde aucun souvenir. Puis le souvenir
enchanté et vague , aux images en noir et blanc où les effets merveilleux
résidaient dans ma mémoire dans une impression de flous et dégradés de gris, et
des voix assez étranges pour moi ,
théâtrales et travaillées, celle de
Cocteau, le conteur, et celle de Jean Marais, La Bête.
En fait la vraie
séduction récente, elle date de mon intérêt professionnel pour la littérature de
jeunesse, la découverte que mon adoration enfantine pour Walt Disney, ses
paillettes et ses princesses en tulle rose, méritait bien mon admiration…Et, devenue
grand-mère, je partageai avec ma Charlotte de délicieuses séances de VHS-projection
, et j’ai adoré La Belle et la Bête selon Disney !
Les deux personnages,
la Belle , pur ovale à la Walt Disney ,bouche en cœur et yeux en amande , n’est
pas une petite dinde .Si existent dans sa composition de son personnage
justement des traits traditionnels des héroïnes de contes et de roman, transgression
des choses défendues , impulsions imprudentes et incontrôlées, délicatesse des
gestes et des attentions…..elle est aussi une femme en marge par ses goûts, l’amour
fou des livres, l’envie de s’instruire
, de lire et de rêver, et son désir ( féministe ?, en tout cas déterminé) de
vivre SA vie, voire une vie passionnante . Fille chérie
d’ailleurs d’un père inventeur, un peu
« toqué », et « original » de son village…
Quant à la bête, tout
en elle est ambigu: dans sa face effrayante à la mâchoire terrifiante, le bleu regard de ses yeux évoque un horizon mystérieux de douceur possible.
Ses pattes puissantes, poilues et griffues, et son dos massif peuvent se
courber de tendresse et devenir des bras
qui embrassent.
Et Perrault
peut bien prévenir :
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de
gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
Cause
toujours Perrault …
La Belle se laisse irrésistiblement emporter par une invincible attirance, évidemment réciproque. Le dessin animé joue avec humour,
tendresse et délicatesse, l’argument
aussi ressassé qu’immanquablement efficace de « L’ours et la
Poupée ».
A ce pas de deux de la séduction, participent avec allégresse et humour les objets
« enchantés » du château, objets
quotidiens dont la métamorphose n’a pas effacé les qualité humaines
originelles, tendresse, drôlerie, fidélité , susceptibilité parfois…Leur
ballet, leurs espoirs, leurs doutes, sont comme un contrepoint aux espoirs ,
aux doutes de la Bête, et leur ballet
endiablé à la danse de séduction dans
laquelle il enlace Belle dans ses grosses pattes tendres.
Et le dénouement est
remarquablement simple …sans que les interventions des méchants, utiles aux
rebondissements nécessaires, réussissent
tant soit peu à nous perturber, tant est
soutenable la légèreté de l’histoire…
Aucun doute
La Belle et la Bête de Christophe Gans est en rupture remarquable avec cet
univers léger .
D’entrée, je suis
saisie par la violence et la force
esthétique des effets spéciaux, violence de la musique et du son, violence de l’ampleur
des décors et des paysages…En fait je les trouve beaux , incontestablement modernes, et
saisissants. Plus fantastiques que merveilleux …
Peut-être un peu
écrasants, tout -puissants dans l’histoire qui disparaît dans l’immensité inextricable de la forêt, le
vertige des travellings, les surgissements fracassants de la bête énorme….
Violence qui fait
pleurer la petite fille de six ans à peu
près assise à côté de moi et qui cherche refuge dans le giron de son père puis
de sa mère…Mais violence qui peut rivaliser avec les effets spéciaux des gros
budgets américains et capter les ados
qui ont aimé Le monde de Narnia, que je n’aime guère, et récemment Twilight que
j’avoue aimer…
Si la belle Léa
Seydoux est une Belle lumineuse dont le beau visage capte la lumière, sa grâce est comme rigidifiée
par ses superbes atours baroques, sa jolie
taille fine enserrée de lourds
satins brillants chargés de pierreries,
et ses blonds cheveux de diadèmes de perles tressés en réseaux
compliqués …
Quant à la Bête, je
le trouve plus envoûtant en bête assez remarquablement construite , avec la
posture dominante de sa grande taille ,
sa puissance animale inquiétante, et son
beau regard énigmatiquement humain, qu’en prince …Un prince, peut-être à l’audace
prométhéenne, comme
je l’ai lu, défiant les dieux…mais pour moi surtout brutal, à la chasse comme
en amour …
Ni la belle ni lui ne
réussissent à me transmettre d’ émotion
véritable …
En en conséquence rien
d’émouvant non plus ne me semble passer
entre eux…
Rien du long chemin sur
la Carte du Tendre, dont on suit les touchantes péripéties, chez Cocteau ou Walt Disney…
Seule , et d’ailleurs
puissante, émotion sentimentale, la scène
pour moi remarquable, de leur danse ...
Quant au père de
Belle, Ô André Dussolier !, si sa composition a du moins le mérite d‘être
fidèle au texte de madame Leprince de Beaumont , en faire un riche armateur n’a pour moi que l’intérêt de nous offrir le plaisir d’un somptueux
spectacle de tempête, et de remarquables effets de naufrage.
Mais leurs liens affectifs ne transmettent guère
plus d’émotion que ceux de Belle et de la Bête…Je crois que je regrette en fait
le délicieux personnage de Disney, l’inventeur loufoque , si marginal et si
tendre….
Comme je préférais le monde des petits personnages envoûtés du dessin animé aux étranges et certes fantastiques compagnons dont Christophe Gans a doté la Belle sans qu'il en ressorte la moindre tendresse...
Quant au dénouement …je
préfère de rien en dire !
Sinon que j’aurais
aimé que le film finisse sur la scène de la danse qui me semble en être le
véritable dénouement, le sommet de la Romance…
Mais que voulez-vous,
j’aime , je le reconnais, la Mélodie dans la musique, le Sentiment dans les
poèmes , et les Histoires qui font pleurer Margot …d’émotion !
PS : Tout à
coup, je me rends compte que j’avais éprouvé un peu le même sentiment (ou
absence de…) devant l’adaptation de L’Ecume des jours…
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