mercredi 26 janvier 2011

Pierrot et les secrets de la nuit, variation sur "avoir tout et son contraire"

Pierrot et les secrets de la nuit, Michel Tournier, nrf Gallimard



J’ai relu récemment ce petit roman de Michel Tournier « pour la jeunesse ». Du propre aveu de son auteur, ses livres pour la jeunesse sont la forme épurée et poétique de sa réflexion sur le monde. Comme dans les paraboles ou les mythes, sa philosophie s’y exprime par images et récits …

Comme dans beaucoup de ses livres, il revisite des personnages de la tradition littéraire ou religieuse qui ont voyagé dans notre culture sous des avatars divers. Et c’est donc là, dans un merveilleux système structural de contrastes et de ressemblances, un Pierrot devenu boulanger et un Arlequin teinturier qui s’affrontent pour la conquête de la Blanche Colomb…ine, blanchisseuse de son état.
 A Pierrot la nuit, et le clair de lune, la neige de l’hiver, la méditation solitaire et l’écriture…

Le noir selon Soulages

A Arlequin, le soleil, l’été, les fleurs et les oiseaux, la couleur prodiguée …

A Pierrot, le noir de la nuit, le blanc de la lune et de la farine du fournil

A Arlequin, l’extraverti, la rousse tignasse, « toutes les couleurs de l’arc en ciel, plus quelques autres », blanc et noir exclus…les conversations enjouées et les chansons.

A Pierrot, le renfermé, le silence, la face lunaire , le blanc vêtement vaporeux, les yeux de chouette , l’ oiseau de nuit et de Minerve…

Colombine la Blanche pourrait peut être aimer Pierrot, le mitron fariné…mais elle aime le soleil, les oiseaux et les fleurs…la nuit lui fait peur…


Et elle se laisse enjôler par les chansons, la joie de vivre et les couleurs du joyeux teinturier. Devenue teinturière, elle s’enfuit avec lui un beau matin d’été « tout chargé de parfum, de musiques jolies »…

Mais les pluies de l’automne qui délavent les couleurs, refroidissent l’ardeur d’Arlequin. La blancheur glacée de l’hiver sur la route gelée, la ramènent à Pierrot, qui de sa plume lui a écrit son amour et son désespoir…et au chaud de son fournil qui sent bon la brioche. Fusion idyllique qui ne les empêche pas d’ouvrir la porte au malheureux Arlequin tout transi de froid qui se joint au festin partagé, une brioche dorée façonnée en Colombine…

Nouvelle et récréative version des Effarés,

Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,

Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.

Nouvelle variation sur la morale de l’ambiguïté…
Avoir tout et son contraire, le nuit et le jour, la lune et le soleil, le noir et les couleurs, l’hiver et l’été…écrire et chanter…

Fable pour enfants ou fantasmes d’adultes ???




Free Hit Counter


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Un petit lien ?
Il y a un peu de lecture et une interview du monsieur.
C'est ici :
http://musiques.hautetfort.com/archive/2006/10/05/tu-me-fais-tournier-la-tete%E2%80%A6.html
;-) Denis

Anonyme a dit…

Chère Françoise, à la lecture de ce blog je nous découvre tant de goûts en commun que je ne résiste pas au plaisir de te faire part de ma dernière découverte : "Hyacinthe et Rose", un album superbement illustré par Martin Jarrie et écrit par François Morel. Je suis presque certaine que tu l'aimeras...
Edith

françou a dit…

Je vais le chercher, merci Edith...Amitiés