Je l’ai déjà dit, après Quelqu’un, qui l’est artiste ! : « J’aurais voulu être une artiste »…
Mais je sais bien que outre le talent sans doute, ce qui m’a manqué , ce n’est pas le goût de travailler avec persévérance , j’ai travaillé beaucoup dans mon boulot, non c’est peut-être la force de caractère pour m’engager dans un choix exclusif. D’ailleurs , c’est toujours un peu mon problème , de regarder dans la vitrine en sortant de chez le marchand de chaussures pour voir si par hasard, il n’y aurait pas eu… de choisir de « faire » maths ou lettres, de porter du noir ou du violet….en fait ce n’est pas tout à fait cela , je ne regrette pas la plupart des choix importants que j’ai faits , non ceux que je regrette, ce sont ceux que je n’ai pas pu faire, ceux auxquels j’ai dû renoncer…
Par une radieuse journée, en raquettes dans la neige et la splendeur de la forêt d’Iraty scintillante de froid , une de ces journées à la fois animées et paresseuses, actives et contemplatives, je me disais, les grands musiciens, les grands écrivains peuvent-ils distraire de tels jours de l’exercice quotidien de leur art ?
Or en écoutant l’autre jour par hasard une interview sur France Inter d’un accordéoniste très célèbre et talentueux , je ne vous dirais pas lequel, voilà qu’il raconte que son père confisquait la roue avant de son vélo pour l’obliger à travailler son accordéon au lieu d’aller rouler à vélo et courir les bals et les filles… Le journaliste lui demande « Vous le regrettez ? » il répond « Oui, un peu ! ». Étonnement.. « Vraiment ? -Oui oui…vraiment »
Etonnée à mon tour de ce regret, dans la plénitude de réussite qui me semble être la sienne, je me souviens de Colette qui « tant aimait toutes choses de la vie », les chiens, les chats et les oiseaux , les araignées, et son pays, et la mer, et la montagne, et Paris et la campagne, que Willy l’enfermait à clé dans sa chambre pour l’obliger à écrire…Je pense à Zola s’astreignant quotidiennement à des horaires fixes d’écriture avant de courir faire des photos , voir les tableaux de ses amis, ou ameuter des défenseurs pour Dreyfus…
Bref il y a des gens capables d’être «MONOS», sans doute forts de leur passion et de leur talent, ou qu’on oblige à l’être …et d’autres qui sont toujours POLY-valents par dilettantisme, par nonchalance ou par tiédeur…
Ou peut-être aussi parce que certains secteurs ne supportent pas la distraction des intérêts, la pratique et la création artistiques en particulier, que d’autres en revanche ne supportent pas la monovalence, à moins d’être dénaturés?
Je trouve en particulier que ce que j’appelle la « maintenance » de la vie, la fonction nourricière, la cuisine, le jardinage, voire l’élevage et le soin des enfants, pour absorbante qu’elle soit malgré tout, en même temps qu’elle exige continuité et persévérance, cette fonction se trouve bien de la polyvalence. La cuisine de chefs échappe à la vie quotidienne, la sophistication des plats occulte le goût des denrées. Le ménage peut devenir monomaniaque et faire obstacle à la jouissance des lieux de vie, s’il monopolise toute l’attention et le talent. Le jardinier exclusif, le fou de jardin, interdit la pelouse aux enfants ou risque d’arracher trop tôt les fleurs fanées ou improductives…et de manquer ainsi les surprises de la nature…
Dans l’enseignement de même, (je vais me faire détester, je le crains ), de l’instituteur qui sait un peu de tout comme un « honnête homme » et de ce fait, vit dans l’interdépendance des champs disciplinaires, et la globalité de l’éveil des enfants, on passe au professeur, de collège, puis de lycée, bivalent puis monovalent, plus averti dans sa discipline mais aussi plus cloisonné , puis au professeur d’université spécialiste et défenseur de son pré carré, parfois plus tenté par la Recherche que par l’enseignement des élèves, qui après tout ne sont plus des enfants !…
DEPIT, me direz-vous de ne pas avoir su créer une œuvre d’art, ou simplement cultiver un talent artistique, que de dire c’est la vie et son foisonnement d’intérêts qui m’en ont empêchée…Ils sont trop verts….
L’instituteur reste frustré de ne pas être avoir de spécialité, le médecin généraliste se satisfait-il d’être moins payé que le spécialiste, l’amateur de littérature, de peinture ou de photo, le chroniqueur musical, l’écouteur de musique, se remettent-ils jamais de ne « pas pratiquer » ?
AMATEUR!!! (AMATEURE plutôt !!!!)
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