jeudi 6 mai 2010

Le Studium et le Punctum : la culture ou le plaisir ?



Comme je l’ai écrit dans une note ICI  ma culture, surtout ma culture musicale, ressemble à un jardin de curé, elle est presque totalement autodidacte…
Elle est le fruit d’un vagabondage culturel où le hasard de la RENCONTRE joue un rôle fondamental, ma mère, ma sœur, mon voisin M.D qui m’apporta La Pathétique et de fil en aiguille Tchaïkovski, concertos et opéras…et puis Michel , Le jazz, la pop, et finalement L’accordéon…

Mais la rencontre ne nous apporte que ce que nous cherchions déjà ou peut-être ne suivons –nous les chemins qu’elle nous trace que si le plaisir nous conduit…

Je pense donc suivant en cela une analyse de Michel que deux facteurs orientent nos choix ; il les nomme Studium et Punctum…

Au second, j’associe, plaisir ; émotion, goût, aimer, énergie vitale…

Au premier, savoir, travail, effort intellectuel, connaître et comprendre…



Notre expérience commune de la musique d’accordéon étant une découverte tardive, comme les apprentissages abordés tardivement, elle est l’objet de ma part d’une réflexion plus consciente : elle m’apparaît effectivement résulter de l’interaction de trois facteurs : RENCONTRES « hasardeuses » des hommes ou des œuvres, PLAISIR musical plus ou moins immédiat, ressenti comme une EVIDENCE, et désir de SAVOIR ET « DE COMPRENDRE ».

Les rencontres sont on peut le dire un effet du hasard, mais le facteur social et affectif y joue un rôle fondamental : les chansons de ma mère, le piano de ma sœur, le jazz de Michel, mais aussi Bruno, Philippe, d’autres moins proches, rencontrés furtivement, Tuur Florizone, Raul Barboza, David Venitucci… la sympathie immédiate et la fascination qu’exerce sur nous leur talent musical, incite à les écouter et à développer une sorte de familiarité avec leur œuvre, leur jeu, leur style.

Le plaisir musical, ressenti comme une évidence, par son évidence même, résiste à l’analyse ; mais il rend heureux, donne une sorte d’apaisement, ou d’énergie vitale. Il crée le besoin de se renouveler indéfiniment : on écoute ne boucle, ou on court au concert…

On se laisserait bien guider par le goût, on irait exclusivement vers ce qu’on aime et qui nous rend heureux si on n’était toujours incurablement animé de curiosité, du désir de connaître d’autres œuvres, ou de comprendre de quoi est faite l’alchimie du plaisir….

En ce qui me concerne, la compréhension technique me fait totalement défaut : je n’ai guère qu’une assez bonne mémoire des mélodies. Pour la qualité du jeu des musiciens, je me fie a ce  que j’en ressens, au style que je leur reconnais, au son qui me semble être leur, mais je ne peux m’empêcher de chercher à comprendre de manière autodidacte la composition des œuvres, la participation des divers instruments à l’économie de l’ensemble, et au fond la raison de la beauté de l’œuvre ou de l’interprétation.

Je ne peux m’empêcher d’essayer d’écouter autre chose, d’explorer d’autres sonorités, de tenter de m’y faire prendre…

Finalement, tout se passe comme s’il y avait actuellement pour moi des musiciens auxquels je m’attache pour un besoin quasi vital de leur musique dont la beauté relève de l’évidence , et d’autres que j’explore et tâche d’écouter parce que je ne veux pas être « idiote »….

Et je retrouve une idée chère concernant la littérature et le rôle de l’école :

Je ne pense pas qu’on lirait certaines œuvres si on ne nous y incitait, ou si l’on n’était animé par une sorte de recherche culturelle : qui lirait Zola ou Camus à la plage,ou le soir, ou pour oublier l’angoisse d’un diagnostic médical.

Il y faut la plupart du temps une sorte de nécessité voire de contrainte, parfois une structure d’échanges, de commentaires, de discussion.

Il n’est pas exclu qu’au bout du compte, le Bonheur des dames ou la Peste ne joue pas un rôle aussi vital, ne concerne pas aussi bien notre vie, qu’un roman plus directement réaliste …

Il n’est pas exclu non plus que le plaisir du texte en soit finalement absent. Car il y a de la satisfaction intellectuelle à comprendre l’agencement d’une structure ou la composition d’un personnage. Ou le rythme d’un phrasé. Ou la chanson de la grammaire d’un auteur…(comme n’est pas exclu pour tout le monde le plaisir de comprendre le fonctionnement grammatical ; même si cette compréhension n’est en aucune façon nécessaire à la maîtrise d’une structure qu’on possède parfaitement par intuition)

Mais il faut admettre aussi que ce plaisir ne fonctionne par pour chacun et pour toutes les œuvres…et dans ce cas là seule joue la satisfaction culturelle de savoir que cette œuvre existe et peut fonctionner.

Et je pense pour ma part que c’est là le rôle culturel de l’école : donner à lire et à pratiquer des œuvres dont l’évidence esthétique n’est pas immédiate…permettre d’un parler, d’en juger, d’en discuter…

Mais accepter qu’elles ne paraissent pas au bout du compte, « vitales » à nos élèves et jeter un coup d’œil nous-mêmes sur ce qui leur semble « vital » !!!

Et c’est vrai au Lycée, au collège, mais aussi à l’école élémentaire : j’ai bien noté que nos propres enfants (malgré l’incitation familiale) ne vont pas toujours spontanément aux merveilleux livres de littérature enfantine, ils vont aux histoires qu’ils peuvent et désirent lire tout seuls, qui leur semblent d’emblée par leur réalisme concerner leur vie ou peut-être à des Harry Potter, qui la concernent aussi..

Comme dit Camille : j’aime bien qu’il y ait des enfants, … où sa sœur proteste : j’aime bien qu’il y ait des adultes, amoureux !!!…

Les derniers géants de F.Place, Le Royaume de Kensuké, de M.Morpurgo, Toi grand moi petit de Solotareff, s’ils ne sont pas lus à l’école risquent fort de ne jamais exister pour nos enfants.

A mon avis, c’est bien dommage car il s’agit bien là à mes yeux de littérature. C’est à l’école qu’il faut les lire, comme un projet culturel, pour en dire ce qu’on y trouve (ou qu’on n’y trouve pas !!!) et le sens qu’on leur donne…

Il y faut des PASSEURS, des passeurs de littérature, et c’est à l’école d’ être le passeur privilégié !!!



J’ai eu un ou deux bons passeurs de peinture …










Il me manque au fond des PASSEURS DE MUSIQUE…



















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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah "Le royaume de Kensuké" ! L'an dernier, je l'ai proposé parmi d'autres titres à une classe de CM2 pas forcément "bons lecteurs". Quel a été mon plaisir, quand en fin d'année, les enfants l'ont cité comme leur préféré. T'ai-je déjà écrit que je suis bibliothécaire ? C'est toujours un plaisir de te visiter et mon silence n'était certes pas désintérêt...
Edith

françou a dit…

Le plaisir de l'échange est bien réciproque..Kensuké n'est pas si souvent pratiqué en CM2; je trouve que Morpurgo fait rêver d'un autre ordre social, une utopie positive, peut-être?
J'espère que tu n'as pas de soucis...
Amicalement

sister for ever a dit…

Ah effectivement... je n'ai lu aucun de ces trois romans dont tu parles!
Mais j'aime beaucoup ton approche, aussi bien de la musique que de la littérature...