vendredi 18 septembre 2009

Réseaux, toiles et Toile

De biens belles toiles à voir sur la Toile.. www.gayola.net/toile/toile.htm

Quand j’étais prof de français, de « lettres », de pédagogie, j’ai toujours eu l’impression que j’enseignais « ce qui ne s’enseigne pas". En un sens, c’était une impression positive, car cela m’a toujours conduite à chercher des chemins de traverse pour susciter des apprentissages, et à réfléchir à cette scabreuse question : comment enseigner ce qui ne s’enseigne pas ?
Bien sûr, je n’ai pas de réponse à vous enseigner !!!
Juste des réflexions quelques peu divagatrices, entre autres une réflexion sur la notion de « réseau », ce subtil croisement de fils qui fera une « toile »…une notion qui me paraît toucher à la notion de culture …

La retraite en me permettant de vagabonder quasi paresseusement vers des centres d’intérêt divers, de construire des réseaux nouveaux mais pas tout à fait, renforce ma conviction que la construction d’une culture personnelle est davantage de l’ordre d’une mise en réseau que d’un empilement pyramidal, que ce qu’on appelle culture ressemble plus à un fragile tissage arachnéen , qu’ à un beau « meuble à tiroirs »…
"L'araignée lance d'abord un premier fil de soie dans le vent à partir d'un point élevé. S'il s'accroche quelque part, elle le tend le plus horizontalement possible. Elle parcourt ce fil en traînant un nouveau fil détendu qu'elle attache au bout du premier. Ensuite, elle retourne jusqu'au milieu du fil détendu et descend jusqu'à un troisième point d'ancrage en créant donc un troisième fil, vertical cette fois. Ces trois points forment un Y du centre duquel elle fait partir des fils "en rayon" qui vont lui permettre de localiser ses proies…." Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/Toile- d'araignee
Ainsi par exemple fut un premier fil de soie lancé dans le vent, l’engouement de Michel pour l’accordéon , et s’y raccrocha le 2ème fil « détendu » de mon goût pour les musiques populaires méditerranéennes, et un 3ème fil vertical s’accrocha à Schubert, Rossini, Tartini, Offenbach, et Ravel….Et d’innombrables rayons se construisirent sur ces trois points en Y…
Mais si j’en crois un texte de Michel, pour tout réseau il faut « un support physique »…et « des personnes reliées entre elles par un intérêt commun »…
« Deux idées sont évoquées par le mot réseau :
- d’une part un support physique….
-d’autre part un ensemble de personnes…reliées entre elles par un intérêt commun et décidées à mettre en œuvre certaines finalités…
Les supports ? ce sont les concerts , ces pérégrinations périodiques vers des lieux de musiques, où l’on croise aussi des villes, des paysages et des peintres, Rouault, Soulages… ou la photo de Cartier Bresson ou de Weegee….
Ce sont les disques, cherchés, commandés , achetés, écoutés encore et encore ….
C’est le Web parcouru, épluché, cliqué et recliqué, où l’on découvre de nouvelles sonorités, de nouveaux musiciens, de nouvelles dates de concerts, et.. des gens qui pour être virtuels n’en sont pas moins des personnes avec lesquelles on se découvre des intérêts et des goût communs : pour Galliano bien sûr, mais aussi pour Renaud Garcia Fons , Pulcinella, Francis Varis , M.Tournier , Colette, Zola, Satie, Tati, Orsenna ET pour la mer, ET l’eau ET pour tant et tant d’autres choses de l’art et de la vie…
Ce sont des Maître Chronique Light, des Edith, des Ptilou, des Sister for Ever, des Elizabeth et quelques autres…Grâce à eux , les points d’ancrage se multiplient, la toile s’étend de fil en fil …de découverte en redécouverte…
Car d’après Michel, mon philosophe particulier, au réseau, il faut aussi des personnes :
« Le support physique et les personnes sont les deux faces indissociables de la réalité du réseau. Sans le support , le réseau ne serait qu’une idée, un fantasme, une intention. Sans les personnes et leurs actions , le réseau ne serait qu’un ensemble inerte de choses à gérer… »
Il y a donc des personnes dans mon réseau . D’abord « l’Autre » (Michel !!!), avec qui on cherche, on voyage, et surtout on écoute, on commente, on discute, on nuance, et on réécoute et on repart pour entendre ou pour voir…
Il y a les complices de la Toile, y compris « les contacts » divers des artistes, qui donnent des dates, des adresses, des photos
Il y a les musiciens rencontrés furtivement avant ou après le concert, et d’autres avec lesquels on échange quelques impressions , des Toucas, des Venitucci , M.Perrone ou Jean Corti, Francis Varis ou Didier Laloy.
Et certains qui sont presque des amis, qu’on essaie de retrouver régulièrement, dont on aime à suivre le trajet géographique, musical, parfois presque personnel, Bruno, Philippe, Jacques, Fabien , Jean Luc , Michel.
Il y a les copains de rencontre dont certains deviennent des « copainstoutcourt » ; on prévoit de se rencontrer, on échange dates et impressions, et références de CD, petite communauté délicieuse d’aficionados, Anne Marie, Elizabeth, André, Jean Marc, Pierre...

Il y a quelques années, les programmes officiels de l’école primaire ont intégré une rubrique « littérature ». Quels qu’aient pu être les risques d’une telle dénomination, cette innovation a eu du moins le mérite de faire entrer dans les classes un certain nombre de textes de littérature de jeunesse, que je qualifierais de vrais beaux textes de littérature (tout court).
Ces programmes d’œuvres furent assorties d’une préconisation : « construire à partir des textes conseillés « des réseaux culturels »
Et je me disais alors ce réseau, sur quel modèle doit-il se construire ? Et QUI doit le construire ? Pas le prof, pas le maître. Pas le donner tout fait comme un ensemble thématique, ou une séquence de textes d’un auteur, ou une suite programmée de spécimens d’un genre littéraire.
Ce qu’il faut c’est faire aller l’élève d’une oeuvre à l’autre, non pas au hasard, mais en cherchant un point de rencontre dans d’autres œuvres proposées.
Ce qu’il doit faire lui, le prof, c’est jeter dans le vent le premier fil fragile et ténu, voir s’il accroche quelque part, et être là toujours en support physique et en personne avec son barda de livres et d’œuvres d’art, sa bienveillance, son propre savoir, pour aider à tendre de proche en proche, de point en point, d’autres fils, d’autres fils encore…pour une membrane virtuelle mais plus solide qu’on croit…
Je laisse le dernier mot à Michel :
« Le réseau est souvent dérangeant, car il ne se conforme pas aux logiques hiérarchiques et aux règles de la communication ascendante et descendante. Il s’appuie sur des idées floues, des ajustements permanents, des hiérarchies fonctionnelles et transitoires et non statutaires ; ses frontières sont poreuses et instables. Le réseau s’accommode des structures instituées, sans s’y adapter. Un réseau comme un être vivant, apprend et évolue sans cesse : il produit de l’apprentissage expérientiel et il résulte de l’apprentissage expérientiel de ses membres. »
Tout un programme !!!

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