Le Second concerto !
En ce qui concerne la musique que l‘on dit classique, ma
« culture », toujours un peu buissonnière, est particulièrement hasardeuse,
dépourvue de connaissances générales susceptibles d’éclairer peut-être le contexte
des œuvres qui m‘enthousiasment…
Elle s’est construite au fil des rencontres et des émotions …
Si grand est le hasard de ces rencontres, si
tenace le lien que je garde avec ces œuvres
que je serais tenter de dire qu’il n’y a pas de hasard ou plutôt qu’il ya dans
ces rencontres du « Hasard Objectif ». Car je suis étonnée de retrouver
avec amour, une émotion intacte, des œuvres
qui furent des coups de cœur de ma toute jeunesse.
Ainsi la Pathétique de Tchaïkovski,
ainsi le concerto pour clarinette de
Mozart, et aujourd’hui le second concerto
de Rachmaninov…
Bien plus je suis étonnée,
quoique qu’intimement je sois sûre qu’il s’agit là de chefs d’œuvre , et que ma
science et mon discernement insuffisants ne font rien à l’affaire, je suis
incrédule que Richard Galliano dont nul n’ignore l’inconditionnelle admiration
que je lui porte, ait choisi justement le Concerto pour Clarinette de Mozart …Il
parle avec science et discernement de ce choix, de sa manière de l’interpréter
, de ce qu’apporte à l’œuvre, primitivement écrite pour le cor de Basset, les
possibilités sonores de l’accordéon.
Mais il en parle surtout avec une émotion et un
enthousiasme de simple mélomane, en expliquant le projet en termes de
« désir » tenace et de longue
date...
Incrédule, non parce que je
doutais de la beauté de ces œuvres, mais de ce que leur choix éclairé puisse
coïncider avec le mien , rencontre incroyable qui m’apparait naivement , pour
ainsi dire ,valider un des mes choix affectif et durable…
Bien sûr il m’est déjà arrivé
dans ma jeunesse d’élire dans mes favoris des musiciens, bien avant qu’ils ne deviennent
chanteurs à succès . Mais c’étaient des chanteurs, j’appréciais aussi la
qualité de leurs textes, le rythme de leur phrasé, et là au moins je pensais en
avoir une petite compétence…
Et voilà qu’aujourd’hui c’est
Alexandre Tharaud , que je n’admire pas moins , qui choisit Rachmaninov et… le Second Concerto , bien sûr !
Avant tout j’écoute, je me
délecte de la musique que j’aime, du son
magnifique de son piano –« la
musique avant toute chose ! » -et puis je lis !
Et puis je lis ! Quel
objet précieux est un CD où le livret
raconte, établit un lien avec son auditeur...
Je lis ce qu’il confie de lui –même,
de sa rencontre il y a une vingtaine d’années, avec le concerto de Rachmaninov :
« J’ai joué tôt le second concerto
.J’adorais cette musique-la virtuosité de Rachmaninov grise le jeunes pianistes –et déjà l’idée de
l’enregistrer me taraudait, une vingtaine d’années s’est écoulée, il faut
savoir attendre … »
Me touchent la mention personnelle
de ce long et tenace désir de le jouer, en même temps que le choix de son interprétation de l’œuvre qui
« se modifie considérablement au
cours de la vie », « un Rachmaninov sombre, désespéré, au bord du
gouffre »
« Une plongée dans les abîmes d’une profonde dépression […]Rachmaninov
en renaîtra aidé par la psychanalyse …et l’écriture de ce chef d’œuvre »
C’est dit, c’est dit par un si magnifique musicien: «chef d’oeuvre
absolu » et j’en suis naïvement émue..Je comprends que la jeune fille romantique
et romanesque que j’ai été, ait élu particulièrement ce concerto !
Ma sœur me l’offrit pour un de mes anniversaires par Aldo Ciccolini !
M’intéresse aussi le choix fait des morceaux enregistrés « autour »
de l’oeuvre.
En particulier ceux qui se rattachent spécialement au concerto :
La romance (ou la mélodie ???) qui « en reprend l’entière
introduction du second mouvement », puis ouvre à un autre thème, un chant
lyrique s’une simplicité bouleversante »
Et voilà mise à jour l’autre raison fondamentale pour moi d’avoir aimé
spontanément et d’aimer toujours cette œuvre…
Sa puissante, sa merveilleuse force mélodique, moi qui suis, comme
Margot, à jamais dépendante de la mélodie.
Cette mélodie qu’Alexandre Tharaud voulait encore offrir, dans Vocalise opus 34, « en
une voix lyrique, tel un retour aux sources, un clin d’œil au
pianiste compositeur qui a passé sa vie à s’inspirer jusqu’au mimétisme de la
voix humaine »
Je me rends compte que c’est d’abord à cette émotion- là, la puissance
mélodique, le sens profond que choisit
de donner à l’œuvre l’interprétation du
pianiste, la profondeur orchestrale du désespoir, tandis que le piano déroule
la pureté du chant, à laquelle j’ai été
sensible…Davantage qu’à l’extrême virtuosité du pianiste, qui s’avoue pourtant
« certes encore électrisé par la virtuosité » !
Et à force d’écoutes, (et peut-être en raison de cette remarque de Tharaud,)
je prends conscience de cette virtuosité, je l’entends…, je l’avais oubliée
parce qu’elle est si accomplie qu’elle se fait oublier, comme « naturelle »
…
Et le plaisir de la ressentir se mêle intimement à l’émotion bouleversante exprimée, plaisir
complexe, parfait, renouvelable indéfiniment …je crois !
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