mercredi 23 novembre 2016

Quand Alexandre THARAUD choisit RACHMANONOV

Le Second concerto !
En ce qui concerne la musique que l‘on dit classique, ma « culture », toujours un peu buissonnière, est particulièrement hasardeuse,  dépourvue de connaissances générales  susceptibles d’éclairer peut-être le contexte des œuvres qui m‘enthousiasment…
Elle s’est construite  au fil des rencontres et des émotions …
Si  grand est le hasard de ces rencontres, si tenace le lien que je garde avec  ces œuvres que je serais tenter de dire qu’il n’y a pas de hasard ou plutôt qu’il ya dans ces rencontres du « Hasard Objectif ». Car je suis étonnée de retrouver avec amour, une émotion intacte,  des œuvres qui furent des coups de cœur de ma toute jeunesse.
Ainsi la Pathétique de Tchaïkovski, ainsi le concerto pour clarinette de Mozart, et aujourd’hui le second concerto  de Rachmaninov…
Bien plus je suis  étonnée, quoique qu’intimement  je sois sûre  qu’il s’agit là de chefs d’œuvre , et que ma science et mon discernement insuffisants ne font rien à l’affaire, je suis incrédule que Richard Galliano dont nul n’ignore l’inconditionnelle admiration que je lui porte, ait choisi justement  le Concerto pour Clarinette de Mozart …Il parle avec science et discernement de ce choix, de sa manière de l’interpréter , de ce qu’apporte à l’œuvre, primitivement écrite pour le cor de Basset, les possibilités sonores de l’accordéon.
 Mais il en parle surtout avec une émotion et un enthousiasme  de simple mélomane,  en expliquant  le projet en termes de « désir »  tenace et de longue date...
Incrédule, non parce que je doutais de la beauté de ces œuvres, mais de ce que leur choix éclairé puisse coïncider avec le mien , rencontre incroyable qui m’apparait naivement , pour ainsi dire ,valider un des mes choix affectif et durable…
Bien sûr il m’est déjà arrivé dans ma jeunesse d’élire dans mes favoris des musiciens, bien avant qu’ils ne deviennent chanteurs à succès . Mais c’étaient des chanteurs, j’appréciais aussi la qualité de leurs textes, le rythme de leur phrasé, et là au moins je pensais en avoir une petite  compétence…
Et voilà qu’aujourd’hui c’est Alexandre Tharaud , que je n’admire pas moins , qui choisit Rachmaninov  et… le Second Concerto , bien sûr !
Avant tout j’écoute,  je me délecte  de la musique que j’aime, du son magnifique  de son piano –« la musique avant toute chose ! » -et puis je lis !
Et puis je  lis ! Quel objet précieux est  un CD où le livret raconte, établit un lien avec son auditeur...
Je lis ce qu’il confie  de lui –même, de sa rencontre il y a une vingtaine d’années, avec le concerto de Rachmaninov :
 « J’ai joué tôt le second concerto .J’adorais cette musique-la virtuosité de Rachmaninov  grise le jeunes pianistes –et déjà l’idée de l’enregistrer me taraudait, une vingtaine d’années s’est écoulée, il faut savoir attendre … »
Me touchent  la mention personnelle de ce long et tenace désir de le jouer, en même temps  que le choix de son interprétation de l’œuvre qui « se modifie  considérablement au cours de la vie », « un Rachmaninov sombre, désespéré, au bord du gouffre » 
« Une plongée dans les abîmes d’une profonde dépression […]Rachmaninov en renaîtra aidé par la psychanalyse …et l’écriture de ce chef d’œuvre »

C’est dit, c’est dit par un si magnifique  musicien: «chef d’oeuvre absolu » et j’en suis naïvement émue..Je comprends que la jeune fille romantique et romanesque que j’ai été, ait élu particulièrement ce concerto  !
Ma sœur me l’offrit pour un de mes anniversaires par Aldo Ciccolini !

M’intéresse aussi le choix fait des morceaux enregistrés « autour » de l’oeuvre.
En particulier ceux qui se rattachent spécialement  au concerto :
La romance (ou la mélodie ???) qui « en reprend l’entière introduction du second mouvement », puis ouvre à un autre thème, un chant lyrique s’une simplicité bouleversante »
Et voilà mise à jour l’autre raison fondamentale pour moi d’avoir aimé spontanément et d’aimer toujours cette œuvre…
Sa puissante, sa merveilleuse force mélodique, moi qui suis, comme Margot, à jamais dépendante de la mélodie.
Cette mélodie qu’Alexandre Tharaud voulait  encore offrir, dans Vocalise opus 34, « en une voix lyrique,   tel un retour aux sources, un clin d’œil au pianiste compositeur qui a passé sa vie à s’inspirer jusqu’au mimétisme de la voix humaine »
Je me rends compte que c’est d’abord à cette émotion- là, la puissance mélodique, le sens profond  que choisit de donner  à l’œuvre l’interprétation du pianiste, la profondeur orchestrale du désespoir, tandis que le piano déroule la pureté du chant,  à laquelle j’ai été sensible…Davantage qu’à l’extrême virtuosité du pianiste, qui s’avoue  pourtant « certes encore électrisé  par  la virtuosité » !
Et à force d’écoutes, (et peut-être en raison de cette remarque de Tharaud,) je prends conscience de cette virtuosité, je l’entends…, je l’avais oubliée parce qu’elle est si accomplie qu’elle se fait oublier, comme « naturelle » …

Et le plaisir de la ressentir se mêle intimement  à l’émotion bouleversante exprimée, plaisir complexe, parfait, renouvelable indéfiniment …je crois !


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