lundi 17 novembre 2014

En écoutant FREDERIC VIALE …à Castres


C’était à Castres il y a huit jours

Et au théâtre , il y avait Frédéric Viale
Ecouter Frédéric  fut d’abord  l’écouter, en une sorte de master class informelle parler de sa musique…
 Je sais , je le dis souvent , je me satisfais des textes sans explication de textes, des tableaux sans visites guidées, du plaisir de conduire sans compréhension de la mécanique…et de la musique sans l’éclaircissement du solfège…
Mais , parfois je l’avoue, je me laisse au prendre au plaisir de l’explicitation par les musiciens de certains aspects techniques simples,( mais à mon niveau, nouveaux), par l’éclairage soudain qu’ils donnent aux œuvres jouées et appréciées…


Il faut à cet exercice beaucoup de simplicité et de clarté, de discrétion , toutes qualités qu’a eues Frédéric dans cet après midi, où entraient en jeu aussi une sorte d’intimité , de détente, dans un lieu harmonieux et lumineux.
J’ai retenu ce qui m’intéressait particulièrement ,
Par exemple le rôle imparti par  Frédéric  dans la formation aux autres musiciens :
..Evidemment le rythme,  qui ne de réduit pas à assurer la « rythmique » , mais auquel Frédéric demande me semble-t-il  d’être différent, d’être un élément de diversification  , par leur coloration brésilienne, d’ ouvrir en quelque sorte dans sa musique des espaces de liberté, j’imagine comme le fait la variation métrique des vers d’un poème.
..A ses compagnons aussi le rôle de la variation, et de l’improvisation une fois le thème posé.






J’ai  mieux compris  parce que Frédéric nous l’a donné à entendre le principe,  la structure, et l’intérêt des basses composées , et aussi parce que cette compréhension technique débouche dans les explications  de Frédéric  sur une implication de style et d’esthétique : en effet il nous dit y  trouver un appui d’accompagnement précieux, mais aussi ne pas en faire un usage trop systématique de peur de  tomber dans la lourdeur et la rigidité  d’un répétitif tout fait.

J’ai  bien reconnu parce que bien entendu « le son musette » »démontré », et, presque ! , bien compris ce qui le produit…
Ô la merveille d’Indifférence jouée musette et moins musette….mais toujours merveille…

Nous avons souvent souhaité, lors des festivals auxquels nous assistons, de pouvoir bénéficier ainsi de quelques moments où les musiciens  nous expliqueraient ou nous parleraient simplement de leur musique. Alors que les master classe ne sont destinées généralement qu’aux praticiens dont nous ne sommes pas !
Et samedi à Castres , il y eut des « mots » en toute simplicité,  pleins d’intérêt…. mais il faut bien avouer que le plus délicieux fut que Frédéric les illustra ou bien plus  simplement nous joua des moments de son programme «  L a Belle chose »

Et  le moindre plaisir de l’après midi ne fut pas d’entendre comme un précieux(quasi royal !!!)privilège, Frédéric en solo comme un en concert privé…
Je pense que c’est un grand plaisir d’écouter des musiciens solo.
Cela ne contredit pas bien sûr le grand plaisir des formations , où se croisent, se fondent , s’unissent et se désunissent, les sons des instruments, les jeux des musiciens…
Mais il y a dans le solo comme un dialogue tendu , fragile , et périlleux, entre le musicien et son public , l’impression qu’il joue pour nous , seul exposé au danger de l’erreur mais aussi à la liberté de l’interprétation

Le solo est certes un exercice  singulier et saisissant …
« Plus qu’un chanteur que l’orchestre ou un instrumentiste accompagne, cet homme seul en scène avec son accordéon embrassé, semble nous inviter à un face à face intime et tendu…
C’est un concert singulier sans doute pour lui, mais aussi pour nous, écouteurs passionnés qui concentrons toutes nos attentes sur celui( ou celle) qui va jouer pour nous . »

Merci  donc à Frédéric pour ces lumineuses explications et pour ce solo .
On ne peut que souhaiter qu’il en offre à d’autres publics le grand plaisir !

Et  puis le soir le Concert !
Pour le compte rendu, je me contenterai de vous inviter à le lire dans le blog de Michel:



Je dirai seulement que je l’ai vécu comme intense ,dans l’implication des musiciens , la tension de Frédéric à l’accordéon  et la réactivité, chaleureuse, pertinente,   du public , enchanté et connaisseur.

Je dirai aussi une impression personnelle quant à la composition du concert  qui, comme on dirait en tauromachie(Castres est un lieu de peinture,hispanique !)  est allé « a mas », «  en montée » de l’émotion, de l’énergie, du plaisir musical, jusqu’au chaleureux enthousiasme final !
Peut-être l’émotion initiale d’Iguaçu d’abord, puis la musicalité de La Belle Chose, l’énergie et le rythme enlevé de Little Kevin, la douceur mélodique de Valsa som nome avec une subtilité du rythme complexe par décalages des différents rythmes..Et puis en final ,Locomotango , dont je ne dirai rien sinon que pour moi , c’est un chef-d’oeuvre et qu’il entraîne tout le monde, et les musiciens, dans une Alegria déchaînée !!!

Je dirai encore comme Michel, que le concert nous amène à repenser à la « non-directivité » revendiquée par Frédéric Viale (et sans doute à la notion de non directivité en  général !).
Certes il ouvre à ses compagnons de grands et réels espaces de liberté, mais c’est avec une grande maîtrise de l’ensemble, une présence évidente et remarquablement assumée, une vigilance tendue  au jeu de chacun, une « direction » non-directive en somme , mais efficace et claire … !
Je dirai encore que LA BELLE CHOSE  est un superbe CD qui ouvre des attentes et que le concert passe la promesse du CD !!!








 Le moment d’entretien- explicitation de Frédéric m’a inspiré un petit retour personnel sur un problème qui m’a toujours préoccupée personnellement, en tant qu’enseignante, sur le rôle de l’explication dans la compréhension et le plaisir esthétique de l’œuvre d’art… :
(…Et  je sais, je le dis souvent , je me satisfais des textes sans explication de textes, des tableaux sans visites guidées, du plaisir de conduire sans compréhension de la mécanique…et de la musique sans l’éclaircissement du solfège.
Mais , parfois je l’avoue je me laisse au prendre au plaisir de l’explicitation par certains musiciens de certains aspects techniques simples, mais à mon niveau nouveaux, par l’éclairage soudain qu’ls donnent aux œuvres jouées et appréciées…)
Je me souviens avec émotion d’une notion que j’étais amenée à utiliser pour mon travail , celle de systèmes de personnages, et parfois je me laissais prendre au plaisir de l’ordonner en tableaux  d’où par comparaisons et différences, ressortaient des indices significatifs lumineux . J’en étais un peu embarrassée parfois, craignant de rebuter mes apprentis lecteurs d’histoires , me disant que leur intuition suffisait largement, dans la simple lecture,  à saisir dans la trame  du texte la subtile construction les fils ténus et signifiants .

Jusqu’au jour où l’une de mes élèves de terminale me dit en sortant : « pourquoi, mais pourquoi ne nous dit-on pas ces choses là plus tôt, comme le rapport des personnages m’apparait plus évident et complexe  et plus intéressant  maintenant » !!!!

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