lundi 16 juin 2014

Les bonnes blagues de mon père


Mon père avait une sorte d’humour qui découlait d’une espèce  de détachement, de doux scepticisme à l’égard de la vie. Bien que  très impliqué dans son travail, très passionné par l’étude de l’histoire et la géographie de notre pays, très  convaincu des valeurs de la république, très soucieux de ses deux filles et de sa femme, il était toujours sensible au doute,  enclin  à ce détachement qui lui conférait une aimable indulgence à l’égard de chacun, et un pessimisme sans amertume, un agnosticisme général….
Mais s’il était ainsi animé d’un certain  humour, il était totalement nul en blagues ! On dit parfois : « Elle est nulle, ta blague ! » mais c’est après avoir rigolé, gêné qu’on est en fait d’avoir ri !
Tandis que les blagues de Payou, si elles nous émouvaient par son côté gamin à les faire, ne nous faisaient jamais, mais  jamais rire vraiment …
La quasi absurdité de l’affaire, c’est qu’alors que nous nous n’y pensions jamais, il était attaché  je ne sais pourquoi au rite du  Premier Avril et ne manquait jamais de nous  fabriquer une bonne blague à cette occasion!
A laquelle on ne croyait jamais !

Et pourtant il y en eut une qui fonctionna pour moi extrêmement bien, trop bien !!!!
C’était la blague, sans malice ni originalité, du LION D’OR !
C’était  à l’époque de la première enfance, j’étais remuante, adorais la fête, les sorties, en famille ou avec des amis, surtout celles du soir, surtout celles des superbes soirées, tièdes et rosées du solstice, quand par chance il fait beau et chaud…
Et alors qu’il rentrait du travail, et se disposait à se livrer à d’autres occupations passionnantes, lire, écrire par exemple, ou jardiner, je les harcelais, ma mère et lui :
 « On va promener ?, on va quelque part ? »
Ma mère, fermement et patiemment, expliquait qu’il était temps de se reposer, de se coucher de bonne heure, ….mon père éludait en général, courageusement !, courait se réfugier dans le site protégé de son « bureau », la plus belle pièce de la maison… !

Sauf un jour, un jour où il eut ce petit plissement des yeux dont il convient de se défier. Il finit par dire :
 «Eh bien Oui ! On va y aller !
­-Où ? ­
­ ­-Au Lion d’Or ! »
Et  je ne me défiai pas, et, plissement des yeux ou pas, je marchai ! 
Ce fut une aventure cruelle quand les préparatifs, l’attente excitée, me firent peu à peu comprendre la traitrise de la blague…Je crois bien que j’en pleurai !!!

Et qu’Au Lit, je ne Dormis pas tout de suite !
Nous en avons souvent parlé et ri ensuite, avec de ma part toujours une ombre  de rancune, et, de la sienne, un soupçon de confusion, de l’avoir trop bien réussi cette fois, sa BLAGUE !!!
Cette envie des soirs d’été, je l’ai toujours, je comprends mes « Petites » qui l’ont, et  je leur raconte parfois la traîtrise de mon Payou…. !


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