Mon
père avait une sorte d’humour qui découlait d’une espèce de détachement, de doux scepticisme à l’égard
de la vie. Bien que très impliqué dans
son travail, très passionné par l’étude de l’histoire et la géographie de notre
pays, très convaincu des valeurs de la
république, très soucieux de ses deux filles et de sa femme, il était toujours
sensible au doute, enclin à ce détachement qui lui conférait une aimable
indulgence à l’égard de chacun, et un pessimisme sans amertume, un agnosticisme
général….
Mais s’il était ainsi animé d’un
certain humour, il était totalement nul
en blagues ! On dit parfois : « Elle est nulle, ta
blague ! » mais c’est après avoir rigolé, gêné qu’on est en fait
d’avoir ri !
Tandis que les blagues de Payou, si
elles nous émouvaient par son côté gamin à les faire, ne nous faisaient jamais,
mais jamais rire vraiment …
La quasi absurdité de l’affaire, c’est
qu’alors que nous nous n’y pensions jamais, il était attaché je ne sais pourquoi au rite du Premier Avril et ne manquait jamais de nous fabriquer une bonne blague à cette occasion!
A laquelle on ne croyait jamais !
Et pourtant il y en eut une qui
fonctionna pour moi extrêmement bien, trop bien !!!!
C’était
la blague, sans malice ni originalité, du LION D’OR !
C’était
à l’époque de la première enfance, j’étais remuante, adorais la fête,
les sorties, en famille ou avec des amis, surtout celles du soir, surtout celles
des superbes soirées, tièdes et rosées du solstice, quand par chance il fait
beau et chaud…
Et alors qu’il rentrait du travail, et
se disposait à se livrer à d’autres occupations passionnantes, lire, écrire par
exemple, ou jardiner, je les harcelais, ma mère et lui :
« On va promener ?, on
va quelque part ? »
Ma mère, fermement et patiemment,
expliquait qu’il était temps de se reposer, de se coucher de bonne heure, ….mon
père éludait en général, courageusement !, courait se réfugier dans le
site protégé de son « bureau », la plus belle pièce de la maison… !
Sauf un jour, un jour où il eut ce
petit plissement des yeux dont il convient de se défier. Il finit par dire :
«Eh bien Oui ! On va y aller !
-Où ?
-Au
Lion d’Or ! »
Et je ne me défiai pas, et, plissement des yeux
ou pas, je marchai !
Ce fut une aventure cruelle quand les préparatifs,
l’attente excitée, me firent peu à peu comprendre la traitrise de la blague…Je
crois bien que j’en pleurai !!!
Et
qu’Au Lit, je ne Dormis pas tout de suite !
Nous
en avons souvent parlé et ri ensuite, avec de ma part toujours une ombre de rancune, et, de la sienne, un soupçon de
confusion, de l’avoir trop bien réussi cette fois, sa BLAGUE !!!
Cette
envie des soirs d’été, je l’ai toujours, je comprends mes « Petites »
qui l’ont, et je leur raconte parfois la
traîtrise de mon Payou…. !
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