mardi 22 avril 2014

Le hideux sourire de Voltaire

Dans la série: Hexagonale

Voltaire , est un de mes auteurs à penser. Il me convient bien, un peu marginal, bon vivant, rieur, courageux, quoique soumis aux peurs existentielles fondamentales, et rusé à la fois …
J’aime son écriture, le rythme de ses phrases,  j’aime sa pensée, son optimisme désespéré …
J’aime qu’il ait su intéresser, et parfois réellement marquer, mes élèves…
Bref je n’ai jamais réellement adhéré au reproche de Musset, « le hideux sourire de Voltaire », au soupçon que ce sourire décharné incarnait  une certaine et déplorable  mentalité française, qui se rit de tout, ne se passionne pour aucune cause, ni ne s’engage dans aucune passion vraie…
Reproche romantique pensai-je…
Oui ! oui !  « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux… » !!!

Et voilà que, parfois, par les temps qui courent, je me prends à haïr l’esprit de dérision permanent  qui constitue le fond de commerce de multiples émissions télévisées.
Par exemple, pour ne pas les nommer, C à vous,  ou le Grand Journal…et ses Guignols.
Cet esprit me semble quand je suis d’humeur légère, relever des dîners en ville parisiens , esprit caustique et copain- copain, car d’ailleurs les invités sont tous du microcosme du showbiz  ou de la politique, de l’analyse éditoriale, de la critique culturelle, d’un petit monde intramuros, ou, comme disaient les Précieuses de Molière,  « le  centre du bon goût, le grand bureau des merveilles ».
Je m’en sens exclue et étrangère, agacée de l’être, mais sans plus…

Mais parfois quand je suis d’humeur chagrine, préoccupée par l’état social du monde et de mon pays, cet esprit me paraît un avatar pénible de l’Esprit Critique auquel je suis évidemment attachée , une forme dérisoire d’un « on ne me la fait pas à moi », une manière de toujours rire ou douter des décisions, de tourner en négatif les prises de position ou les directions d’action qu’essaient cahin-­­caha de mettre en œuvre les acteurs de la politique , de l’économie, voire de l’éducation, …

Et naïvement je me dis, pour Voltaire (comme pour Molière d’ailleurs, ou pour Beaumarchais) ce rire relevait du désespoir, il était une manière d’engagement, parfois la seule possible ,  un moyen d’agir, qu’ ils payèrent souvent de désagréments, de disgrâces, voire de condamnations…
Tandis que pour nos amuseurs , c’est parfaitement gratuit, puisqu’ils ne semblent guère engagés dans l’action, en général spectateurs du monde, au mieux observateurs, mièvres redresseurs de tort, leveurs de lièvres, pourvoyeurs en ragots, à qui souvent rien n’en coûte…

Alors, effet du Temps de l’histoire ou du Temps personnel (que je ne veux pas traduire par « coup de vieux » !) je suis en passe de me prendre un sérieux Esprit de …Sérieux.
Je zappe les émissions qui ont pour visée  « de tenir au courant de l’état du monde » ou pire « de décrypter la réalité actuelle , de l’analyser ou l’interpréter », je me réfugie dans la Fiction , romans , films, et même séries, où ne manquent ni les principes , ni les idéaux, les passions ou les grands sentiments !
Je me replie dans mes amours et amitiés privées…

Et je me nourris de musique, de musique…

De photos,
Et de façon plus futile, de fleurs
De paysages… et d’air du temps !!!

« Mais voilà qu’il flotte
La lune se trotte
La princesse aussi…
Sous le ciel sans lune
Je pleure à la brune
Mon rêve évanoui… »

J Renoir, La complainte de la Butte

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