Effets de l’âge ? Voilà que
nous nous retournons parfois vers nos rencontres culturelles de
jeunesse en disant : « mais
c’est tout à fait vrai ça, encore aujourd’hui ! »
Pour l’instant, nous ne disons
pas encore : « c’était bien
plus juste que ce qui se dit aujourd’hui ! »
Bref, une notion revient avec
récurrence entre nous ces derniers temps pour ne pas dire avec obstination :
celle de la mort de l’Art, celle, ou du moins inspirée, d’une théorie d’Hegel,
que Michel, travaillant pour un mémoire l’Esthétique de HEGEL, avait été amené
à analyser.
L’idée bien approximative que je
m’en étais faite et que j’en ai gardée, c’est que l’art se développant dans
l’histoire, est comme toute chose soumis à des évolutions, et ses formes
successives amenées à disparaître.
Bon !!! pas de quoi
ressasser !
Ce qui nous titille en revanche,
c’est ce que signifie pour Hegel, et suivant notre interprétation, la mort de
l’art.
« Sa thèse est qu’elle se
manifestera par une surabondance d’œuvres accompagnée de leurs commentaires,
critiques et autres gloses, au point que bientôt il n’y aura plus de création sans son explicitation
discursive ni sans analyse et analyses d’analyses… et ainsi de suite… »
Déjà le nouveau roman, je n’osais
l’avouer, avait tué pour moi les histoires.
Il se voulait l’histoire de son écriture,
le roman de sa création et ça ne m’intéressait
pas beaucoup ou ça m’intéressait intellectuellement, comme phénomène littéraire, tout en me laissant de glace…
Bon ! il y avait bien la Modification , oui !
une histoire d’amour se désagrégeant , avec un train de nuit entre Paris et Rome
, et un vrai dénouement, ou le suspense
mystérieux des Gommes, une histoire
dans un polar …mais souvent je
m’appliquais en vain à chercher des émotions sentimentales et mêmes esthétiques
dans cet univers conceptuel.
Quelquefois, dans l’univers décalé des surréalistes, même
sans récit, s’offraient des émotions profondes , j’adorai Nadja..
Et heureusement, à l’époque, en
passant rue de Cursol je découvris une librairie de polars d’occasion et la
divine Agatha Christie . Pour un peu (ou pour beaucoup de petits tomes jaunes
du Masque) , j’en aurais presque failli rater mon certificat de Grec…
La suite des temps développa en
moi une sorte de schizophrénie littéraire entre Littérature et Romans. que je
réussis à assumer fort bien ….
On finit par ne plus trop y penser,
à la mort de l’Art !
Et voilà que depuis quelques temps,
effet de l’âge ou perception objective du contexte culturel actuel, suivant le
degré d’humeur chagrine ou de dérision du jour, ressurgissent entre nous la
théorie d’ Hegel (ou notre idée de cette théorie !)
Quand nous nous obstinons à
hanter le musée des Abattoirs( !!!) à Toulouse, ou le CAPC à Bordeaux aux
Entrepôts Laîné, parce que nous avons peine à résister aux sirènes de l’art en
marche, aux promesses d’assister à
l’émergence de l’ art contemporain
nouveau, chaque fois nous en sourions de dépit .. Entre présentations
lapidaires ou prolixes mais toujours
absconses du CONCEPT, on cherche l’œuvre !!!
Regrettant parfois le coût des
billets d’entrée, mais nous consolant toujours de la splendeur du lieu qui lui,
, n’a rien perdu de sa grandeur, qu’il s’agisse des entrepôts Laîné, avec leurs
voûtes dépouillées de cathédrale viticole,
ou du Musée des Abattoirs, dont la
rénovation a mis en évidence la pureté géométrique...
Ah c’est bien ça, la Mort de la peinture !
Et voilà que petit à petit la
rengaine devient envahissante:
Ah bien oui, il y a aussi la mort
du sport !
Devant télé-foot et consorts : analyse , prévision ,
debriefing, re-analyse ….et le match ?
En sandwich entre gloses et
commentaires !…A moins qu’on l’ait déplacé à 14 heures dimanche, résultats
des autres connus , enjeux disparus, mais programmés pour attirer dans ce
créneau d’autres spectateurs …Affaire de Showbiz, bien sûr !
Et aussi la mort de la cuisine !
Quand à l’heure des repas justement,
pullulent des joutes culinaires de plus
en plus sophistiquées, Vive master chef , Vive un Dîner presque parfait, Vive « Cauchemar
en cuisine »qui vire au thriller, et Le Meilleur Pâtissier devient un combat d’obstacles à la Rastignac …où finalement
l’enjeu est le jeu plus que la cuisine, on l’aime « Show » !!!!
Morte la cuisine réelle,
quotidienne et pas seulement, pour les gens qu’on aime et même pour soi, au fil
des jours, des saisons, au gré des convives et des rencontres ?
Et la mort de la TELE .
Voilà Cà vous !!!ou La TELE parle à LA TELE ! Joyeuse petite
bande qui s’amuse des extraits choisis de ses propres émissions, et « chambre »
les erreurs ou les lapsus des collègues. Bref télévise ses coulisses et nous
les donne en spectacle . Saine prise de recul ? Ou dîner parisien auquel
le public lambda ne se sent guère
invité ? C à vous oui, mais à qui ?
La télé se mourra-t-elle d’émissions
consanguines ?
Pour ne rien dire de la mort de
la politique…et de ses « éléments de langage »…
Mais voilà que, hasard objectif, je trouve, en
feuilletant Paroles, un poème qui j’aimais,
L’Orgue de Barbarie….
Moi je joue du piano
disait l’un
moi je joue du violon
disait l’autre moi de
la harpe moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou…moi de
la flûte
et moi de la
crécelle.
Et les uns et les autres
parlaient parlaient
Parlaient de ce qu’il
jouaient .
On n’entendait pas la
musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait…
Et voilà qu’elle ressurgit , à
pas de loup, l’Idée de mort de L’art
Non ! Pas la Musique , Pas La musique
que j’aime !
D’ailleurs Michel lui-même dit
bien :
« Ce serait vrai aussi de
la musique où il n’est pas rare de voir des compositeurs tenir discours sur
leur œuvre et l’étayer de tout un appareil conceptuel avant qu’on ait pu en
écouter une seule note. Nonobstant cette observation, il me semble que la mort
de l’art, au sens où l’on veut dire qu’il n’y a plus d’œuvre signifiante sans
son appoint de concepts, que cette mort de l’art est moins vraie en musique que
dans d’autres domaines.
Sans doute parce que la musique
se crée essentiellement en direct, dans l’instant, alors qu’une peinture par
exemple se donne toujours comme déjà achevée.
Si la musique, en dépit de la
prophétie hégélienne, est encore pour nous une création vivante, c’est que la
vie de l’art musical tient à ce qu’il n’existe que par l’action et même la
création qu’en perpétuent ses interprètes »
D’ailleurs Prévert anime pour
nous l’orgue de Barbarie que joue l’homme qui se tait :
« Moi je joue de
l’orgue de l’orgue de Barbarie
et je joue du couteau
aussi. »
dit l’homme qui
jusqu’ici
n’avait absolument
rien dit
et puis il s’avança
un couteau à la main
et il tua tous les
musiciens
et il joua de l’orgue
de Barbarie
et sa musique était
si vraie
et si vivante et si
jolie
que la petite fille
du maître de la maison
sortit de dessous le
piano
où elle était couchée
endormie par ennui...
Un peu radicale la solution, un
peu énigmatique aussi, mais si belle, qui
fait renaître sa « musique si vraie
si vivante et si jolie »
Merci Jacques !
Mais il faut vite arrêter le poème, sur la réalisation magique de cette musique…
si vraie si vivante et si jolie !
Parce que le poème ne finit pas
bien
Parce que …
(Que ceux qui n’aiment pas les
histoires qui finissent bien, aillent lire la fin et tant pis pour eux… !)
Arrêter le poème…
Ecouter la mélodie de l’orgue de barbarie ?
Moi j’aime tellement l’accordéon …
La clarinette et la trompette
ou aussi le violoncelle ,
Et le piano
Et le saxo…
Arrêter de parler de la musique
pour écouter, écouter, écouter encore …,
Arrêter d’écrire ?
Je ne sais si je le
pourrai !!!
2 commentaires:
Bonsoir,
C'est toujours avec beaucoup de plaisir que je rends visite à votre blog, surtout lorsqu'il parle de poésie, de musique ou de peinture !! Je relis ainsi des poèmes tant aimés ou j' ai l'impression d'assister à des concert passionnants, grâce à vous, en plus de ceux que suivons nous-mêmes ici ou là...
Très intéressantes aussi les réflexions sur l'Art contemporain.
Bonsoir Annie!
Bonne Année!
Je pensais vous avoir perdue et je le regrettais . Je me plais à penser que vous passez parfois sur mon blog et qu'ainsi, malgré la distance, on discute encore de goûts partagés...en attendant peut-être que le hasard nous réunisse à nouveau...Amicalement
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