lundi 23 décembre 2013

La MORT de L’ART



Effets de l’âge ? Voilà que nous nous  retournons  parfois vers nos rencontres culturelles de jeunesse en  disant : « mais c’est tout à fait vrai ça, encore aujourd’hui ! »
Pour l’instant, nous ne disons pas encore : « c’était  bien plus juste que ce qui se dit aujourd’hui ! »

Bref, une notion revient avec récurrence entre nous ces derniers temps pour ne pas dire avec obstination : celle de la mort de l’Art, celle, ou du moins inspirée, d’une théorie d’Hegel, que Michel, travaillant pour un mémoire l’Esthétique de HEGEL, avait été amené à analyser.
L’idée bien approximative que je m’en étais faite et que j’en ai gardée, c’est que l’art se développant dans l’histoire, est comme toute chose soumis à des évolutions, et ses formes successives amenées à disparaître.
Bon !!! pas de quoi ressasser !
Ce qui nous titille en revanche, c’est ce que signifie pour Hegel, et suivant notre interprétation, la mort de l’art.  
« Sa thèse est qu’elle se manifestera par une surabondance d’œuvres accompagnée de leurs commentaires, critiques et autres gloses, au point que bientôt  il n’y aura plus de création sans son explicitation discursive ni sans analyse et analyses d’analyses… et ainsi de suite… »

Déjà le nouveau roman, je n’osais l’avouer,  avait tué pour moi les histoires. Il se voulait  l’histoire de son écriture, le roman de sa création et  ça ne m’intéressait pas beaucoup ou ça m’intéressait intellectuellement,  comme phénomène littéraire,  tout en me laissant de glace…
Bon ! il y avait bien la Modification , oui ! une histoire d’amour se désagrégeant , avec un train de nuit entre Paris et Rome , et un vrai dénouement,  ou le suspense mystérieux des   Gommes, une histoire dans un  polar …mais souvent je m’appliquais en vain à chercher des émotions sentimentales et mêmes esthétiques dans cet univers conceptuel.
Quelquefois,  dans l’univers décalé des surréalistes, même sans récit, s’offraient des émotions profondes , j’adorai Nadja..
Et heureusement, à l’époque, en passant rue de Cursol je découvris une librairie de polars d’occasion et la divine Agatha Christie . Pour un peu (ou pour beaucoup de petits tomes jaunes du Masque) , j’en aurais presque failli rater mon certificat de Grec…
La suite des temps développa en moi une sorte de schizophrénie littéraire entre Littérature et Romans. que je réussis à assumer  fort bien ….
On finit par ne plus trop y penser, à la mort de l’Art !

Et voilà que depuis quelques temps, effet de l’âge ou perception objective du contexte culturel actuel, suivant le degré d’humeur chagrine ou de dérision du jour, ressurgissent entre nous la théorie d’ Hegel (ou notre idée de cette théorie !)
Quand nous nous obstinons à hanter le musée des Abattoirs( !!!) à Toulouse, ou le CAPC à Bordeaux aux Entrepôts Laîné,  parce que nous avons  peine à résister aux sirènes de l’art en marche, aux  promesses d’assister à l’émergence de l’  art contemporain nouveau, chaque fois nous en sourions de dépit .. Entre présentations lapidaires ou  prolixes mais toujours absconses du CONCEPT, on cherche l’œuvre !!!

Regrettant parfois le coût des billets d’entrée, mais nous consolant toujours de la splendeur du lieu qui lui, , n’a rien perdu de sa grandeur, qu’il s’agisse des entrepôts Laîné, avec leurs voûtes dépouillées de cathédrale viticole, 







ou du Musée des Abattoirs, dont la rénovation a mis en évidence la pureté géométrique...
Ah c’est bien ça, la Mort de la peinture !

Et voilà que petit à petit la rengaine devient envahissante:

Ah bien oui, il y a aussi la mort du sport !
Devant  télé-foot et consorts : analyse , prévision , debriefing, re-analyse ….et le match ? 
En sandwich entre gloses et commentaires !…A moins qu’on l’ait déplacé à 14 heures dimanche, résultats des autres connus , enjeux disparus, mais programmés pour attirer dans ce créneau d’autres spectateurs …Affaire de Showbiz, bien sûr !

Et aussi la  mort de la cuisine !
Quand à l’heure des repas justement, pullulent des joutes culinaires  de plus en plus sophistiquées, Vive master chef , Vive un Dîner presque parfait, Vive « Cauchemar en cuisine »qui vire au thriller, et Le Meilleur Pâtissier devient  un combat d’obstacles à la Rastignac …où finalement l’enjeu est le jeu plus que la cuisine, on l’aime «  Show » !!!!
Morte la cuisine réelle, quotidienne et pas seulement, pour les gens qu’on aime et même pour soi, au fil des jours, des saisons, au gré des convives et des rencontres ?

Et la mort de la TELE .
Voilà  Cà vous !!!ou La TELE parle à LA TELE ! Joyeuse petite bande qui s’amuse des extraits choisis de ses propres émissions, et « chambre » les erreurs ou les lapsus des collègues. Bref télévise ses coulisses et nous les donne en spectacle . Saine prise de recul ? Ou dîner parisien  auquel  le public lambda  ne se sent guère invité ? C à vous oui, mais à qui ?
La télé se mourra-t-elle d’émissions consanguines ?

Pour ne rien dire de la mort de la politique…et de ses « éléments de langage »…

Mais  voilà que, hasard objectif, je trouve, en feuilletant  Paroles, un poème qui  j’aimais,
L’Orgue de Barbarie….

Moi je joue du piano
disait l’un
moi je joue du violon
disait l’autre moi de la harpe moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou…moi de la flûte
et moi de la crécelle.

Et les uns et les autres parlaient parlaient
Parlaient de ce qu’il jouaient .
On n’entendait pas la musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait…

Et voilà qu’elle ressurgit , à pas de loup,  l’Idée de mort de L’art

Non ! Pas la Musique , Pas La musique que j’aime !

D’ailleurs Michel lui-même dit bien :
«  Ce serait vrai aussi de la musique où il n’est pas rare de voir des compositeurs tenir discours sur leur œuvre et l’étayer de tout un appareil conceptuel avant qu’on ait pu en écouter une seule note. Nonobstant cette observation, il me semble que la mort de l’art, au sens où l’on veut dire qu’il n’y a plus d’œuvre signifiante sans son appoint de concepts, que cette mort de l’art est moins vraie en musique que dans d’autres domaines.
Sans doute parce que la musique se crée essentiellement en direct, dans l’instant, alors qu’une peinture par exemple se donne toujours comme déjà achevée.
Si la musique, en dépit de la prophétie hégélienne, est encore pour nous une création vivante, c’est que la vie de l’art musical tient à ce qu’il n’existe que par l’action et même la création qu’en perpétuent ses interprètes »

D’ailleurs Prévert anime pour nous l’orgue de Barbarie que joue l’homme qui se  tait :
« Moi je joue de l’orgue de l’orgue de Barbarie
et je joue du couteau aussi. »
dit l’homme qui jusqu’ici
n’avait absolument rien dit
et puis il s’avança un couteau à la main
et il tua tous les musiciens
et il joua de l’orgue de Barbarie
et sa musique était si vraie
et si vivante et si jolie
que la petite fille du maître de la maison
sortit de dessous le piano
où elle était couchée endormie par ennui...


Un peu radicale la solution, un peu énigmatique aussi,  mais si belle, qui fait renaître  sa « musique si vraie si vivante et si jolie »
Merci Jacques !
Mais  il faut vite arrêter  le poème,  sur la réalisation magique de cette musique… si vraie si vivante et si jolie !
Parce que le poème ne finit pas bien
Parce que …

(Que ceux qui n’aiment pas les histoires qui finissent bien, aillent lire la fin et tant pis pour eux… !)

Arrêter le poème…
Ecouter la mélodie de  l’orgue de barbarie ? 
Moi j’aime tellement  l’accordéon …
 La clarinette et la trompette
ou aussi le violoncelle ,
Et le piano
Et le saxo…

Arrêter de parler de la musique pour écouter, écouter, écouter encore …,
Arrêter d’écrire ?

Je ne sais si je le pourrai !!!





2 commentaires:

Annie (rencontre de tulle a dit…

Bonsoir,
C'est toujours avec beaucoup de plaisir que je rends visite à votre blog, surtout lorsqu'il parle de poésie, de musique ou de peinture !! Je relis ainsi des poèmes tant aimés ou j' ai l'impression d'assister à des concert passionnants, grâce à vous, en plus de ceux que suivons nous-mêmes ici ou là...
Très intéressantes aussi les réflexions sur l'Art contemporain.

françou a dit…

Bonsoir Annie!
Bonne Année!
Je pensais vous avoir perdue et je le regrettais . Je me plais à penser que vous passez parfois sur mon blog et qu'ainsi, malgré la distance, on discute encore de goûts partagés...en attendant peut-être que le hasard nous réunisse à nouveau...Amicalement